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La Mort d' Ananias et Saphira (Ac 5.1–11) dans la stratégie narrative de Luc

Published online by Cambridge University Press:  05 February 2009

Daniel Marguerat
Affiliation:
(9 avenue Davel, CH–1004 Lausanne, Switzerland)

Extract

1.1 L'histoire du jugement de Dieu sur Ananias et Saphira (Ac 5.1–11) compte parmi les épisodes les plus pathétiques du livre des Actes. L'art lucanien de la dramatisation atteint ici un sommet. La fin tragique d'Ananias foudroyé par la parole dénonciatrice de Pierre, son enterrement hâtif, puis la venue de Saphira ignorante du drame, son mensonge public suivi de sa mort annoncée sur un ton d'humour noir (5.9b): l'effet pragmatique cherché par le narrateur est programmé par le scénario; il s'inscrit aussi dans le texte lui-même: ‘un grand effroi saisit ceux qui l'entendaient’ (5.5, 11). L'histoire est destinée à provoquer la crainte.

Type
Articles
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Copyright © Cambridge University Press 1993

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References

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2 Ananias ne prend pas la parole (2), alors que Saphira ment publiquement (8); Ananias est accusé de mentir à l'Esprit (3), Saphira de le tenter (9a); Pierre n'annonce pas la mort d'Ananias (4), mais celle de Saphira (9b); le mari écoute, tombe et expire (5a), la femme tombe ‘aussitôt’ et expire (10a); la rumeur s'étend en 11 à ‘toute l'Église’.

3 Pour une histoire de l'interprétation, voir la thèse de Brown, P. B., The Meaning and Function of Acts 5:1–11 in the Purpose of Luke–Acts (Boston University, 1969) 5192.Google Scholar

4 Thèse formulée par Menoud, Ph.-H., ‘La mort d'Ananias et de Saphira (Actes 5.1–11)’, Melanges M. Goguel, Aux sources de la tradition chrétienne (Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, 1950), 146–54Google Scholar. Boismard, M.-E. et A. Lamouille la défendent à nouveau: Les Actes des deux Apôtres tome 2 (EtB NS 13; Paris: Gabalda, 1990) 165.Google Scholar

5 Schmitt, J., ‘Contributions à l'étude de la discipline pénitentielle dans l'Église primitive à la lumière des textes de Qumran’, Les manuscrits de la Mer Morte, Colloque de Strasbourg 1955 (Paris, 1957) 93109Google Scholar; Trocmé, E., Le ‘Livre des Actes’ et l'histoire (Paris: PUF, 1957) 197–9Google Scholar. Sur le modèle qumranien, B. J. Capper postule une juridiction d'entrée dans la communauté, dont 5.4a illustrerait les deux phases: le noviciat exige une déclaration de cession des biens à la communauté, que vient concrétiser le rituel d'entrée: ‘The Interpretation of Acts 5.4’, JSNT 19 (1983) 117–31.Google Scholar

6 Cette lecture, la plus répandue, est défendue avec détermination par Prete, B., ‘Anania e Saffira (At 5,1–11). Componenti litterarie e dottrinali’, RivBib 36 (1988) 463–86, surtout 480–1.Google Scholar

7 Perrot, Ch., ‘Ananie et Saphire. Le jugement ecclésial et la justice divine’, L'année canonique 25 (1981) 109–24Google Scholar; Schille, G., Die Apostelgeschichte des Lukas (ThHNT 5; Berlin: Evang. Verlagsanstalt, 1983) 151Google Scholar. Lüdemann, G. admet ce sens pour la tradition: Das frühe Christentum nach den Traditionen der Apostelgeschichte (Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 1987) 71.Google ScholarMeurer, Selon S., Ac 5 conteste à l'Église l'usage d'une justice punitive pour la réserver à Dieu: Das Recht im Dienst der Versöhnung und des Friedens (AThANT 63; Zürich: TVZ, 1972) 8392.Google Scholar

8 Voir surtout P. B. Brown, The Meaning and Function of Acts 5.1–11, 200–14.

9 Πιπράσκω(4.34; 5.4); πωλέω (4.37; 5.1); πρός τούς πόδας τν ποστόλων τίθημι (4.35, 37; 5.2); ύπάρχω (4.34; 5.4); χωρίον (4.34; 5.3, 8); φέρω (4.34, 37; 5.2); τιμή (4.34; 5.2). On reviendra plus tard sur la récurrence décisive du terme non économique καρδία (4.34; 5.3, 4).

10 Dibelius, M., ‘Stilkritisches zur Apostelgeschichte’ (1923), Aufsätze zur Apostelgeschichte (FRLANT 60; 5e éd.; Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 1968) 21.Google Scholar

11 Voir à ce sujet la belle étude de Noorda, S. J., ‘Scene and Summary. A Proposal for Reading Acts 4.32–5.16’, Les Actes des Apôtres (éd. Kremer, J.; BEThL 48; Gembloux-Leuven, 1979) 475–83.Google Scholar

12 La double gradation relevée en Ac 2–5 correspond à une technique narrative fréquente dans les Actes: la redondance souligne le motif, tandis que l'escalade tend le ressort dramatique. Ainsi les mesures d'emprisonnement prises à l'encontre des apôtres sont à la fois répétitives et plus graves d'une fois à l'autre (4.3; 5.18); de même, les signes de la faveur divine sur la communauté se répètent en intensité croissante (3.6–7; 4.8; 4.31; 5.12–16; 5.19). Voir là-dessus Walworth, A. J., The Narrator of Acts (Dissertation Southern Baptist Theological Seminary, 1984) 158–72Google Scholar, surtout 168–72. R. C. Tannehill est attentif à l'intensification de la crise ouverte avec les leaders d'Israël en Ac 2–5; il analyse avec finesse le procédé narratif de récurrence dont use le narrateur, et l'effet d'écho qu'il provoque au long de la narration: The Narrative Unity of Luke–Acts. A Literary Interpretation 2 (Minneapolis: Fortress, 1990) 4850, 6377.Google Scholar

13 ‘The Ananias story reveals an important side of this κοινωνία; it is not just a community of friends, but an enterprise of divine character (…). This expresses a central idea for Luke. It is the climax of ch. 4 as is phrased by Peter and John in 4.19 (…). Furthermore it is the climax of ch. 5 as phrased by Gamaliel in 5.38f.’: S. J. Noorda, Scene and Summary, 481–2. R. C. Tannehill note que le narrateur orchestre l'entrelacement de deux thèmes en Ac 2–5, un thème majeur (la crise ouverte avec les autorités), l'autre mineur (l'unité de la communauté); mais il n'en cherche pas la connexion théologique (The Narrative Unity, 43–4, 77–9).

14 Avec G. Lüdemann, Das frühe Christentum, 70.

15 Ce point a été bien relevé par Horn, F. W., Glaube und Handeln in der Theologie des Lukas (GTA 26; Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 1983) 46–7.Google Scholar

16 Roloff, J. note avec justesse: ‘Dieser Ausrichtung auf das Ganze der Gemeinde entspricht ein auf den modernen Leser geradezu provozierend wirkendes Desinteresse am individuellen Schicksal der Betroffenen’ (Die Apostelgeschichte [NTD 5; 17e éd.; Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 1981] 92)Google Scholar. On sait que l'auteur des Actes laisse béantes des questions telles que, par exemple, l'accès de l'individu à la foi.

17 Goldhahn-Müller, I. souligne avec raison le rôle médiateur et instrumental de Pierre: Die Grenze der Gemeinde (GTA 39; Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht, 1989) 159–61Google Scholar. Contre G. Schille, qui voit ici le combat du θεῖος άνήρ contre Satan (Die Apostelgeschichte des Lukas, 148).

18 Theissen, G., Urchristliche Wundergeschichten (StNT 8; Gütersloh: Mohn, 1974) 114–20Google Scholar; citation 117.

19 Documentation rassemblée par Weiser, A., Die Apostelgeschichte. Kapitel 1–12 (OTKNT 5/1; Gütersloh: Mohn 1981) 139–42Google Scholar. On ajoutera dans la litérature chrétienne primitive: Ac Pierre 2.15, 32; Ac Thomas 6; Ac Jean 41–2, 86.

20 Cf. Conzelmann, H., Die Apostelgeschichte (HNT 7; Tübingen: Mohr, 1963) 39Google Scholar. Pour la discussion: G. Schneider, Die Apostelgeschichte, 374–5. Voix contraire: R. Pesch, Die Apostelgeschichte, 196.

21 La syntaxe de la phrase est difficile. Malgré les propositions de correction, il faut voir en χωρίον et non en τιμή (3b) le sujet de ἔμενεν et de ύπρχεν: oύχ΄ ὅ ne doit pas être lu pour oύχ et μένον ne peut être traduit par ‘reste’. Du point de vue sémantique, les deux parties de 5.4a font ainsi redondance. Discussion détaillée chez P. B. Brown, The Meaning and Function of Acts 5:1–11, 97–102.

22 Le sens délictueux est attesté aussi bien dans des papyri commerciaux que sous la plume de Philon (Vit. Mos. 1.253; Leg. ad Gaium 199), de Josèphe (Guerre 5.411; Antiquités 4.274) et de Plutarque (Lucullus 37.2). Spicq, C., Notes de lexicographie néotestamentaire (OBO 22/2; Fribourg-Göttingen, 1978) 584.Google Scholar

23 R. Pesch, Die Apostelgeschichte, 198: ‘Weil Hananias nicht sein ganzes Herz an Gott … gehangen hatte’. Pesch attribue cette non-totalité au rôle traditionnellement diviseur de Satan, qui joue la scission contre la plénitude de l'engagement requise par le pneuma (cf. 202).

24 Avec J. Roloff, Die Apostelgeschichte, 94.

25 F. Bovon a bien vu que la pneumatologie lucanienne pointe résolument vers une théologie de la parole. ‘Le Livre des Actes ne raconte pas le succès d'expériences enthousiastes, mais la diffusion de la Parole soutenue et suivie par l'offre de l'Esprit.’ Luc le théologien. Vingt-cinq ans de recherche (Le Monde de la Bible; 2e éd.; Genève: Labor et Fides, 1988) 253.Google Scholar

26 Selon la formule de Mettayer, A., ‘Ambiguïté et terrorisme du sacré: Analyse d'un texte des Actes des Apôtres (4,31–5,11)’, Sciences religieuses/Studies in Religion 7 (1978) 415–24CrossRefGoogle Scholar. L'auteur note avec raison que le texte est structuré par un jeu d'antithèses (vie/mort, Esprit/Satan, vérité/mensonge, contrainte/liberté, etc.); mais il pense à tort qu'Ac 5 attribue à l'Église le pouvoir de gérer ces oppositions.

27 Voir la documentation rassemblée par P. B. Brown, The Meaning and Function of Acts 5:1–11, 56–7.

28 Ce point a été bien relevé par G. Schneider, Die Apostelgeschichte, 372.

29 Cf. par exemple Seccombe, D. P.: ‘The story only makes sense if the couple had previously declared their intention to donate the land to the community’ (Possessions and the Poor in Luke–Acts [SNTU B 6; Linz, 1982] 212)Google Scholar. Les Pères déjà supposaient de la part d'Ananias une donation par voeu (Chrysostome Homilia 12; Augustin Sermo 27; Jérôme Ep. 8 ad Demetrium; Grégoire le Grand Ep. 33 ad Venantium).

30 A. Weiser, Die Apostelgeschichte, 146; R. Pesch, Die Apostelgeschichte, 204.

31 Dans la suite, je cite le texte des Actes d'André suivant la traduction de Prieur, J.-M., Acta Andreae (Corpus christianorum, Ser. Apocr. 6; Turnhout: Brepols, 1989)Google Scholar. Je dois ce rapprochement à mon collègue Jean-Daniel Kaestli.

32 Voir en dernier lieu Esler, Ph. F., Community and Gospel in Luke–Acts (SNTS.MS 57; Cambridge, 1987) 164200.CrossRefGoogle Scholar

33 Glaube und Handeln, 47–9.