Pour bien comprendre cette affaire extrêmement intéressante à beaucoup de points de vue et également importante pour l'avenir du règlement judiciaire des litiges internationaux et de la Cour Internationale de Justice elle-même, il faut être au courant de bien des faits. C'est pourquoi nous commencerons par exposer succinctement la genèse de l'affaire, à première vue assez simple, et les détails nécessaires de sa soumission à la Cour pour arrêt (§ 1), ainsi que le développement de la procédure écrite et orale (§ 2); nous exposerons les questions sur lesquelles les débats judiciaires devant la Cour et les discussions en chambre du conseil se sont concentrés (§ 3); nous résumerons ensuite la prise de position définitive de la Cour (§ 4) et les opinions dissidentes d'une minorité, curieusement divisée, de six juges sur le total statutaire de quinze (tous présents) (§ 5) et nous finirons par quelques réflexions personnelles (§ 6). Grâce à la formulation du dispositif de l'arrêt, le désaccord de six juges sur des points importants n'en a pas empêché cependant l'adoption finale par un vote de douze voix contre trois. Comme d'ordinaire, l'arrêt lui-même ne révèle pas clairement sur certains points, et ne révèle pas du tout sur bien d'autres, la division des opinions qui s'est fait jour en chambre du conseil. On ne peut s'en rendre compte d'une façon adéquate qu'en analysant méticuleusement les 73 pages d'opinions individuelles et dissidentes trahissant quelquefois l'ardeur réprimée, mais bienfaisante, d'une forte conviction intime contraire à celle de la majorité, et en les confrontant avec le texte sec et laconique des 20 pages de l'arrêt, — travail intellectuel qui présente beaucoup d'affinité avec la solution, dans une heure de loisir, d'un cassetête chinois.