Hostname: page-component-586b7cd67f-g8jcs Total loading time: 0 Render date: 2024-11-23T14:58:08.225Z Has data issue: false hasContentIssue false

La leçon d'un echec : Essai sur la méthode de françois simiand

Published online by Cambridge University Press:  22 September 2017

Charles Morazé*
Affiliation:
Paris, Fondation Thiers.
Get access

Extract

L'histoire, cet art de la vérité, n'est pas fondée sur une seule méthode technique. Tout doit être mis en œuvre par l'historien pour mieux connaître le passé et l'évolution qui conduit au présent : connaissance du cœur et connaissance de l'esprit. Pour la première, c'est toujours avec plaisir que nous relisons Michelet dont l'œuvre reste d'une étonnante jeunesse. Mais, aujourd'hui, c'est sur la seconde que nous voudrions méditer.

Les bouleversements du présent ne peuvent laisser l'historien indifférent. Il assiste à l'évolution humaine, ne doit-il pas en profiter pour en tirer des leçons de méthode propres à mieux conduire sa recherche du passé ? Le plus grand danger qui menace l'histoire est l'enlisement dans une routine d'école. Ce n'est pas l'application plus étendue de la critique historique appliquée à des masses de documents plus importantes, qui nous fera avancer beaucoup dans la compréhension du passé. L'érudition est la base de tout. Mais sachons construire sur elle une œuvre qui illumine vraiment la connaissance générale de la condition humaine.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1942

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

page 6 note 1. Cette citation, comme les suivantes, est empruntée à l'introduction de Le Salaire, l'Evolution sociale et la Monnaie (Payot, ig32 ; 3 vol., in-8°).

page 7 note 1. Cette constatation doit tenir compte des cinq considérations suivantes : i° elle doit s'attacher seulement aux relations de forme universelle, c'est-à-dire ne pas connaître d'exception que n'expliquerait pas l'intrusion d'un phénomène étranger ou supplémentaire ; — 2° elle doit reconnaître que les relations inconditionnelles sont exceptionnelles bien que possibles. Il faut s'attendre, en général, à des relations conditionnelles ; — 3° elle doit établir la hiérarchie des relations et, pour cela, d'abord en embrasser l'ensemble et distinguer celle qui contient la cause de celle qui n'apporte que des variations de conditions ; — 4° elle doit fixer le sens des relations, c'est-à-dire la réalité et l'efficacité de la cause sur l'effet ; — 5° elle ne doit être arrêtée que lorsque l'ensemble des causes et des conditions se présente sous une forme rationnelle.

page 7 note 2. L'explication détaillée de Simiand que nous croyons devoir reproduire ici est la suivante : « Reconnaissons cependant que notre recherche serait en bien grande infériorité sur l'expérimentation des sciences de la nature si elle était véritablement confinée à ce qui lui est présenté tel quel ;par la réalité concrète. Si riche, si varié que soit déjà et. que puisse, avec les progrès de l'information sur la vie économique, devenir cet enregistrement pur et simple de la réalité, il est peu présumable, en effet, qu'il nous présente toutes faites les combinaisons d'éléments et confrontations de facteurs qui nous paraissent importer, non plus déjà qu'il ne nous présente toutes faites les « abstractions » (isolement, séparation, épuration) que nous pouvons au minimum souhaiter. Mais oe qu'il est très important d'apercevoir, c'est que, dans notre domaine même, le savant, cherchant à simplifier ou à combiner les faits autrement qu'ils sont spontanément donnés, n'est nullement dépourvu de toute action ; et qu'il n'est nullement forclos de la possibilité d'opérer les abstractions nécessaires à une expérience concluante ni des combinaisons nouvelles selon les besoins de la recherche. C'est par asservissement à la définition ci-dessus critiquée de l'opération expérimentale qu'on ne conçoit l'intervention positive du chercheur que sous la forme d'une action matérielle sur les éléments à traiter ; il faut apercevoir qu'il est d'autres procédés que les procédés physiques pour éliminer pu isoler ou, d'autre part, combiner les facteurs : par exemple, en prenant, sur les données numériques relatives à un phénomène, une moyenne d'une certaine façon, qu'on sépare et isole de tel facteur ce fait considéré, aussi effectivement et exactement, et par le même procédé logique, qu'en plaçant un support de verre on isole de cause de déperdition un corps électrisé. Assurément c'est là un autre trait qui peut (à ce degré tout au moins) être spécial à l'expérimentation dans ce domaine… L'abstraction simplificatrice, la combinaison révélatrice… sont ici réalisées au moyen d'opérations intellectuelles plutôt qu'au moyen d'opérations matérielles. Mais ce caractère de l'opération est le même ; et si elle est réalisée avec toute la rigueur nécessaire, la valeur de l'expérience est la même. » (Ouv. cité, p. 56- 57.)

page 9 note 1. « L'expérience, a dit un savant contemporain, M. Claude, est la seule équation où l'on soit sûr de ne pas oublier d'inconnues. Cette sécurité n'est apportée que par l'exipérience matérielle… Dans l'expérience réalisée par des opérations intellectuelles, cette sanction automatique par le fait lui-même nous manque…, une obligation spéciale nous est imposée de chercher, par quelque voie, à reconnaître, à discuter l'accord de ces résultats avec la réalité. » (Ibid.)

page 12 note 1. Est-il besoin de préciser ici que, si la présentation logarithmique des évolutions exclut toute unité dans la définition de l'échelle, elle n'empêche pas que les nombres statistiques originaux représentent des unités, en général monétaires. Donc s'il ne se pose plus à propos de la représentation graphique, le problème se pose à propos de l'établissement des statistiques. De toute manière, on ne peut l'éluder.

page 12 note 2. Nous devons remarquer ici que, poxir la période antérieure au franc, Simiand a tenu compte autant des rapports de salaire révélés par les documents que de leur expression numérique.

page 13 note 1. La Réponse de Jean Bodin (éit Hauser, p. p et suiv.).

page 13 note 2. La troisième cause de cherté citée par Jean Bodin n'est pas retenue ici parce qu'elle est occasionnelle (constitution de monopoles au XVIe siècle).

page 14 note 1. Il faut, bien entendu, tenir compte de ce que nous examinons des diagrammes logarithmiques où les variations absolues sont sacrifiées aux variations relatives. Cette particularité a joué dans les diagrammes C et D sur des données rapprochées et que la transmission par documents n'altère pas. L'allure ordonnée des diagrammes A et B est due à la propriété du logarithme dont l'effet est moindre sur des données en général éloignées les unes des autres et transmises par des documents qui ont tendance au contraire à uniformiser le réel. Nous devons nous contenter ici de cette explication sommaire.

page 14 note 2. Ajoutons qu'il ne peut être question d'un correctif, consistant par exemple a soustraire par voie mathématique les variations de monnaie à celles des salaires. Une étude détaillée qui n'aurait pas sa place ici conduirait à penser que la courbe résultante traduirait davantage la variation du coefficient d'erreur que la variation réellement cherchée. Notons pourtant qu'elle montrerait que le salaire est un phénomène relativement stable par rapport au phénomène monétaire. Elle inviterait à penser que Simiand a inversé les rôles de l'unité du phénomène et qu'il eût été par exemple intéressant d'étudier les prix en fonction des salaires, au lieu d'étudier les salaires en fonction des prix.

page 17 note 1. Ouv. cité, p. 497-498.

page 19 note 1. A ce sujet, rien ne devrait être plus suggestif que les études d'évolution de groupes élémentaires comme, par exemple, une famille. [Suivies à travers plusieurs siècles elles montreraient d'abord quelle place cette famille tient dans l'ensemble social, comment a varié son rôle, quelle utilisation elle: a faite de son capital et de son revenu, enfin quelles satisfactions lui ont été accordées : logement, mobilier, vêtement, nourriture, etc… Il y aurait intérêt, bien entendu, à choisir des familles médianes caractéristiques. En fout cas, suivie do cette manière, une évolution continue permettrait de toucher enfin l'évolution de la valeur des différents objets indispensables à l'existence humaine et caractéristiques de sa condition.

page 19 note 2. Rappelons ici comment Simiand résume lui-même son étude : « Ayant tiré (du fait économique observé, le salaire) dans ce cadre une variation majeure caractéristique et répélée, faire une revue de tous, les ordres de faits avec lesquels cette variation pouvait êtrei soupçonnée d'avoir quelque relation…, reconnaître les correspondances les meilleures… avec des faits reconnus aussi d'ordre collectif. — Pousesr l'analyse de ces correspondances pour arriver à dégager les antécédences les plus proches et les plus générales à la fois : et. arriver à trouver comme facteurs proprement explicatifs tout un jeu bien déterminé de dispositions psychologiques des hommes ou des catégories d'hommes concernés, mais d'une psychologie essentiellement sociale… qui se caractérise en propre par rapport à des ensembles sociaux… : Remonter des dépendances immédiates… aux dépendances médiates… : c'est l'ensemble des faits morétaires et de tout ce qui s'y lie et, de plus expliqué dans le système de fonctionnement économique du type plus évolué et tenu pour le plus progressif… — Réussir finalement, à apercevoir une régularité, une réalisation, une reproduction possible qui présentent un ensemble… rationnel, mais dans le plan social. »

page 20 note 1. En laissant ‘tomber au hasard une aiguille sur une série de droites prolongées indéfiniment et séparées par une distance double do la longueur de l'aiguille. Buffon a calculé que la probabilité pour que l'aiguille rencontre une de ces droites est égale à

page 20 note 2. Etait-ce là l'ambition de Simiand ? Il est, au contraire, remarquable qu'il n'ait jamais fait allusion aux théories mathématiques de la probabilité. La réalité sociale est certainement, autre choes pour lui qu'une représentation de l'esprit. Mais il faut reconnaître ici notre impuissance à définir cet acte de foi de la sociologie. L'essence du social est plutôt suggérée par des exemples que scientifiquement délimitée ou positivement définie.

page 20 note 3. Par exemple, si la main qui jetie l'aiguille, dans le ras de l'expérience de Buffon, guide son treste, le résultat statistique sera faussé.

page 22 note 1. Qu'on nous permette ce paradoxe : considérons n'importe quel phénomène historique susceptible d'être étudié dans son évolution à l'aide de chiffres (par exemple, les effectifs militaires d'un pays). Etudions la statistique et dressons la courbe ; nous ipourrons presque toujours écrire que oe qui « saute aux yeux », c'est une variation cyclique faite de phases do montée suivies de phases de baisse. Nous n'en tirerons pas une psychologie collective de l'esprit militaire ; nous étudierons simplement les causes de chacune de ces variations. Pourquoi adopter une attitude différente en ce qui concerne le fait salaire ? Le mot cyclique a-t-il une valeur positive particulière à l'économie politique ? Nous nous défions de cet adjectif qui traîne avec lui un cortège d'idées pseudo-scientifiques qui se réduisent si on les analyse à des constatations bien communes sur l'indéterminé de la condition humaine, ou sur le rythme généralisé d'Hegel.