Dans ces quelques lignes, il est impossible même de résumer le contenu de ce riche ouvrage portant, comme son titre l’indique, sur le phénomène particulier de la corrélation en français, et ce dans des états de langue différents, et selon des perspectives – phrase, texte, discours – qui semblent s’élargir du micro au macro, avec néanmoins toujours des formes précisément analysées, contextualisées, appréhendées dans des ensembles analytiques et théoriques précis.
L’ouvrage de 353 pages est ainsi divisé en trois parties : la première – « La corrélation dans la phrase » (p.37) – se trouve composée de quatre analyses (Pierre le Goffic, Bernard Combettes & Annie Kuyumcuyan, Claire Badiou-Monferran, Nicolas Guilliot), la deuxième – « La corrélation dans le texte » (p.155) – de trois (Mathieu Goux, Carine Skupien-Dekens, Clara de Courson), la troisième – « La corrélation dans le discours » (p.221) – en compte cinq (Pascale Mounier, Adeline Desbois-Ientile, Stéphane Macé, Jean-Michel Adam, puis Iris Fabry, Cécile Lignereux et Julie Sorba). Ces trois parties sont précédées d’une assez longue introduction de Pascale Mounier et Mathieu Goux, à quoi s’ajoutent enfin une bibliographie générale (p. 319–340) et un index des noms.
Ici, il s’agit d’abord de comprendre à quoi renvoie ce qu’on appelle la corrélation, phénomène à la fois permanent dans la langue, depuis le latin (voir Pierre le Goffic) et toujours un peu fuyant : le mot fait partie de cette catégorie qui trouve sa place aussi bien dans la langue commune que dans la langue grammaticale spécialisée – comme « relatif », ou « circonstance ». Ce faisant, il transporte avec lui différentes traditions épistémologiques dans lesquelles parfois il est difficile de trier (pour une histoire de la notion en grammaire, voir aussi Mignon (Reference Mignon2009)).
Comme toujours, la question du périmètre d’analyse se pose, comme se pose aussi la question de la définition – sous sa forme la plus serrée, ou sa forme la plus lâche, sous sa forme morphosyntaxique, syntaxico-sémantique, pragmatique (voir introduction). On trouvera ainsi dans cet ouvrage collectif qui « multipli[e] les angles d’approche » de quoi méditer sur la question puisque, si effectivement d’emblée « on ne sait pas très bien ce qu’on cherche » (p. 173), on referme le livre pourvu d’outils d’analyse dans chacune des dimensions abordées (approche phrastique, textuelle, stylistique), et plus globalement d’une vision de loin nettement améliorée : les contributions montrent comment la corrélation se prête particulièrement aux investigations diachroniques et permet de saisir des « moments » dans la langue.
L’article initial de Pierre le Goffic cherche à documenter l’histoire de la corrélation en français, à partir du latin, et montre que « la corrélation est à la source de la subordination » (p. 64). Claire Badiou-Monferran, dans un article riche, précis, élégamment rédigé, s’empare de la corrélation pour poursuivre et creuser sa réflexion sur « la langue en régime classique » : « Cette dynamique textuelle non contraignante, imprédictible, introduisant du jeu dans la mise en série, et ménageant une place pour la bifurcation, le recyclage, la reformulation, alimente l’horizon de ‘cohérence sans cohésion’ caractéristique selon nous du français classique […]. » (p. 112). Elle entre ainsi en conversation par exemple avec Stéphane Macé (p. 264), ou l’inverse, pour lequel certains éléments formels – comme « l’emploi ou non de la virgule devant le mot subordonnant » – sont considérés comme peu discriminants. Et pourtant il est ici question de « tour corrélatif contrarié », de « syntaxe conflictuelle » (p. 273) pour « la corrélation comparative-intensive tant/tellement/si… que…suivi du syntagme adverbial à peine » dans la première partie de L’Astrée. Se dessine ainsi un petit tableau en mouvement des rapports au monde à partir de formes corrélées « par définition planificatrices » (p. 117) qui, dans les rapports logiques, du XVIIe au XVIIIe siècle, tantôt prennent des aises tantôt cherchent plus de symétrie et d’équilibre. Avec la « tension corrélative » (p. 229) Pascale Mounier pose entre autres les distinctions possibles entre l’écrit ou la fiction d’oral, ce qui ouvre encore d’autres perspectives de recherche.
En somme l’ouvrage est conséquent, et il parvient incontestablement à faire un point nécessaire sur cette question peut-être un peu délaissée, sans doute parce que très problématique (voir par exemple David et Roig (Reference David and Roig2021)). Les contributions forment un ensemble cohérent, solide, très utile et éclairant.