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Col Gilles , Danino Charlotte et Bikialo Stéphane (dir.), Polysémie, Usages et Fonctions de « Voilà ». Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, 427. Berlin/Boston: De Gruyter, 2020, vi + 320pp. 9783110565119

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Col Gilles , Danino Charlotte et Bikialo Stéphane (dir.), Polysémie, Usages et Fonctions de « Voilà ». Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, 427. Berlin/Boston: De Gruyter, 2020, vi + 320pp. 9783110565119

Published online by Cambridge University Press:  08 June 2022

Morgane Jourdain*
Affiliation:
Department of Comparative Language Science University of Zürich Affolternstrasse 56 8050 Zürich-Oerlikon Switzerland [email protected]
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
© The Author(s), 2022. Published by Cambridge University Press

L’ouvrage Polysémie, Usages et Fonctions de « Voilà » se donne l’objectif d’explorer les différentes fonctions et les contextes de production de voilà, à travers divers types et modalités de discours. Il comporte 8 contributions précédées d’une introduction, rédigée par Gilles Col et Charlotte Danino (1–32), qui ne se contente pas de fournir un aperçu d’études antérieures sur voilà, mais propose une réelle cartographie de ce terme, à partir d’une analyse de corpus sur ses statuts syntaxiques et fonctions sémantiques potentiels dans le discours parlé et oral. Chaque contribution fait ainsi un gros plan sur une partie différente de cette vision d’ensemble, créant un fil rouge tout au long de la lecture, ce qui rend l’ensemble cohérent et structuré.

Les deux premiers chapitres traitent de voilà dans le discours littéraire en diachronie. La première contribution, par Charlotte Danino, Anne C. Wolfsgruber et Marie-Dominique Joffre (33–80), propose une analyse ancrée dans l’approche constructiviste, analysant l’association forme/fonction de voilà afin de comprendre l’élargissement des contextes dans lesquels ce terme peut être utilisé, depuis le latin jusqu’au 18ème siècle. Cette étude illustre les différentes constructions dans lesquelles voilà apparaît, chacune avec des propriétés sémantiques spécifiques, expliquant ainsi la diversité des utilisations du terme. La seconde contribution, par Stéphane Bikialo, Catherine Rannoux et Julien Rault (81–122), analyse l’extension de l’usage modal de voilà dans le discours littéraire du 16ème au 21ème siècle, en lien avec son processus de pragmaticalisation, qui suit donc celui de grammaticalisation décrit dans le premier chapitre. Les auteurs traitent de cette question par une approche énonciative et décrivent les effets produits par voilà dans différents genres de discours.

L’ouvrage s’oriente ensuite vers le français parlé. La contribution suivante par Frédéric Lambert et Gilles Col (123–152) tente de démontrer le rôle de la valeur aspectuelle de voilà sur ses interprétations dans différents usages discursifs en français parlé, en considérant trois classes d’utilisation de ce terme: voilà accompagné d’un connecteur, les cas de reformulation et les emplois déictiques. Les auteurs montrent que les différentes fonctions discursives de voilà découlent en réalité de sa valeur de résultatif. Ensuite, Mélanie Petit (153–178) concentre son étude sur la prosodie de voilà dans le discours médiatique. Les contours intonatifs identifiés n’ont pas de correspondance directe avec une fonction sémantique spécifique de voilà, mais permettent de nuancer certaines fonctions. L’emploi conclusif de voilà associé à un contour descendant peut permettre de clore un sujet, tandis qu’un contour en cloche a pour but d’insister sur l’évidence des propos.

Les deux contributions suivantes comparent voilà à certains équivalents dans d’autres langues. Juliette Delahaie et Immaculada Solìs Garcia (179–206) mettent voilà en regard avec le terme claro en espagnol dans des dialogues nécessitant de marquer l’accord entre locuteurs. En utilisant deux corpus similaires contenant des données authentiques d’agences de voyage ainsi que des dialogues semi-guidés, les auteures identifient certaines valeurs propres à voilà en français, en relation avec l’orientation locuteur/interlocuteur et les connaissances partagées. Pierre-Don Giancarli (207–258) compare quant à lui les valeurs aspectuelles et temporelles de voilà (que)/ il y a (que)/ ça fait (que) avec leurs équivalents en anglais et en corse. Ceci permet de mettre en relief le fait que ces marqueurs en français se composent d’une partie prépositionnelle localisant un événement dans le temps et d’un élément pivot permettant de mesurer la durée d’un intervalle, tandis que l’anglais et le corse requièrent l’utilisation de marqueurs spécialisés pour changer d’opération.

L’étude de Dominique Knutsen, Gilles Col et Jean-François Rouet (259–298) diffère des autres chapitres de l’ouvrage en incluant une expérience, une tâche d’appariement, en plus d’une analyse de corpus, afin de tester si voilà est utilisé par les locuteurs afin de résoudre une difficulté liée à l’énonciation ou l’interlocution. Cette contribution montre que la charge cognitive d’un participant est prise en charge par son interlocuteur qui produit voilà. La dernière contribution, par Charlotte Danino et Gilles Col (299–320) propose une analyse multimodale de voilà sur la gestualité co-verbale à partir d’un corpus d’émission télévisuelle. Cette étude exploratoire fournit une liste de gestes différents, qui ne se limite pas au pointage mais inclut différents types de mouvements ainsi que le regard, qui sont associés à certaines fonctions de l’interaction, particulièrement en lien avec l’engagement des interlocuteurs et la gestion de l’attention.

Les contributions se répondent et se suivent de manière fluide et logique. On pourrait toutefois regretter une absence d’analyse quantitative ou statistique, au profit d’un cadre uniquement qualitatif. Autre faiblesse, la plupart des contributions séparent voilà selon plusieurs fonctions sémantiques et pragmatiques, sans pour autant justifier au niveau méthodologique les critères leur permettant d’effectuer ces catégorisations, ce qui nuit à la réplicabilité de ces études. Pour autant, ce livre a pour mérite de traiter d’un très large éventail de fonctions et de types de registres, et de fournir des analyses variées et détaillées. Il intéressera les linguistes travaillant sur voilà ainsi que sur l’organisation du discours en français.