Published online by Cambridge University Press: 22 January 2009
Nous avons choisi d'étudier une région restreinte d'Afrique et une période limitée pour mieux pouvoir poser et tenter de résoudre des problèmes qui nous semblent au cœur même de toute réflexion sur l'histoire de la traite des Noirs: l'origine ethnique des captifs, la proportion d'hommes et de femmes, la mortalité, les rythmes annuels, le rapport entre l'offre africaine et la demande européenne. Nous avons essayé de montrer que tous ces problèmes, trop souvent abordés en ordre dispersé, sont en réalité inextricablement liés.
1 Davies, Kenneth G., The Royal African Company (London, 1957).Google Scholar
2 Unger, W. S., ‘Bijdragen tot de geschiedenis van de Nederlandse slavenhandel’, Economisch-Historisch Jaarboek, XXVI (1956), 133–74 et XXVIII (1958–60), 3–133.Google Scholar Sur les recherches hollandaises, voir l'excellente chronique bibliographique Emmer, de Pieter C., ‘The History of the Dutch Slave Trade. A Bibliographical Survey’, The Journal of Economic History, XXXII (1972), 728–47.CrossRefGoogle Scholar
3 Ly, Abdoulaye, La Compagnie du Sénégal (Paris, 1958).Google Scholar Les activités négrières des compagnies françaises du XVIIIe siècle, en particulier de la Compagnie des Indes, aisées à connaître pourtant, n'ont fait l'objet d'aucune synthèse; l'ouvrage déjà ancien de Weber, Henry, La Compagnie française des Indes (1604–1875) (Paris, 1904)Google Scholar, est fort succinct sur la traite des Noirs.
4 La thèse de Manuel Nunes Dias, Fomento ultramarino e mercantilismo: a Companhia Geral do Grão Pará e Maranhão (1755–1778), a été publiée en 14 épisodes par la Revista de História (São Paulo). Le chapitre sur la traite se trouve dans le tome XXXVII (1968), 55–83.
5 Carreira, António, ‘As Companhias Pombalinas de navegação, comércio e tráfico de escravos entre a costa africana e o nordeste brasileiro’, Boletim Cultural da Guiné Portuguesa, XXIII (1968), 5–88, 301–454Google Scholar; XXIV (1969), 59–188, 285–474. Ces articles ont été réunis par l'auteur sous forme de livre (Porto, 1969).
6 Gaston-Martin, , Nantes au XVIIIe siècle. L'ère des négriers (1714–1774) (Paris, 1931)Google Scholar; cf. en particulier les pages 338–44 (‘Les conflits avec les compagnies privilégiées’).
7 Carreira démontre, à l'encontre de tous les historiens antérieurs, que le monopole de la C.G.G.P.M. a commencé avec le départ de la ‘première flotte’, c'est-à-dire en 1758 (‘As Companhias Pombalinas’, XXIII, 45). Cette démonstration est convaincante. D'ailleurs, en 1757 encore, d'autres négriers que ceux de la Compagnie vont chercher des captifs à Cacheu et Bissau: nous avons trouvé la mention du départ de Lisbonne de deux navires en janvier et février 1757 (Arquivo Histórico Ultramarino, Cabo Verde, maço 9 (1727–1826)).
8 Archives Nationales (A.N.), Col. C6 13 (mention d'une lettre de David à la Cie du 30 avril 1736, dans ‘Extraits des lettres de la Compagnie écrites à la concession du Sénégal concernant le Bissaux’); Bibliothèque Nationale, nouv. acq. fr. 9341, f. 131 (Note de Margry sur David).
9 Voir par exemple: A.N., Col. C6 10 (Mémoire de Levens à la Cie, Paris, 26 août 1733; lettre de Devaulx, St-Louis, 30 août 1733); A.N., Col. C6 II (lettre du Conseil du Sén. à la Cie, ler août 1738).
10 Peres, Damião, ed., Planta da Praça de Bissau e Suas Adjacências por Bernardino Antonio Alvares de Andrade (Lisboa, 1952)Google Scholar; Santos, N. Valdez dos, ‘As fortalezas de Bissau’, Boletim Cultural da Guiné Portuguesa, XXVI (1971), 481–519.Google Scholar
11 Selon Carreira, il y en eût 108, mais à trois reprises il dédouble un même voyage (S. Sebastião en 1771 et 1772, S. António en 1767 et 1768, S. Luis ajouté en 1767 par confusion avec le S. Paulo).
12 Cela fait donc une moyenne de quatre voyages par navire—et non de cinq, comme un tableau de Carreira (‘As Companhias Pombalinas’, XXIII, 52–3Google Scholar) pourrait le laisser entendre (175 voyages pour 44 navires). Carreira, en effet, compte les voyages vers les îles du Cap-Vert où le nombre des captifs est toujours très faible; il compte les voyages où la C.G.G.P.M. ne fait que charger à frêt; il compte même un voyage de Lisbonne à Pará où un seul captif est embarqué!
13 Faro, Jorge, ‘O movimento comercial de porto de Bissau de 1788 a 1794’, Boletim Cultural da Guiné Portuguesa, XIV (1959), 231–58.Google Scholar
14 Ibid.
15 Arquivo Histórico Ultramarino (A.H.U.), Maranhão, maço 61.
16 Archives Départementales de la Loire-Atlantique, B 4592, f. 131–131v, 175v–6; Marine 402, 404. Le capitaine du St-Michel a eu les pires ennuis avec le curé de Cacheu, qui l'a accusé de ne pas être bon catholique et a interdit aux habitants de trafiquer avec lui (A.H.U., Guiné, caixa 9): y avait-il là, sous-jacente, l'expression d'une hostilité commerciale?
17 A.N., Col. C6 10, lettre de Devaulx, St-Louis, 30 août 1733.
18 9 nantais et 2 bordelais: A.D. Loire-Atl., B 4593 f. 135–5v, 144–7, 156v–7, 162v–3, B 4594 f. 65–5v, 112v–3, 115–6; Marine 413, 415, 417; C 740; 8 J 2 et 3—A.N., Col. C6 15, lettre du Ch Desmenager, Gorée, 12 mai 1766.
19 Mémoire manuscrit du Musée des Salorges (Nantes). Ce mémoire a disparu lors des bombardements de 1944. Nous le connaissons uniquement par Halgouet, H. du, Nantes. Ses relations commerciales avec les Iles d'Amérique. Ses armateurs (Rennes, 1939), 209 et suiv.Google Scholar
20 A. D. Loire-Atl., B 4593 f 156V–7; Marine 420. Le rôle de désarmement ne mentionne même pas le nom de Mosneron!
21 A.N. Col. C6 15, lettre de Poncet de la Rivière, Gorée, 10 septembre 1764.
22 Textes cités par Carreira, ‘As Companhias Pombalinas’, XXIII, 80–3.Google Scholar
23 Carreira ne relève pas la coupure de 1766 et pense que la concurrence étrangère s'est manifestée durant tout le monopole de la C.G.G.P.M. Mais il n'en apporte aucune preuve.
24 A. D. Loire-Atl., C 740. Il s'agit de la Minerve, corvette du Duc de Praslin, qui a été chassée par une frégate portugaise ‘du Buisseau où la traite avait toujours été permise’.
25 Cette traite semble avoir été d'une importance minime. La corvette du St-André, armé à Nantes, négocie deux fois à Bissau en 1772 (la première fois, 35 captifs). Le Jeune Louis de La Rochelle séjourne à Bissau de juin 1772 à février 1773; les officiers de ce dernier navire déclarent que les ‘papels qui sont les natifs de [ce lieu aiment?] les français, que l'on est en sûreté et que les p[ortugais] n'avaient point de droit pour nous empêcher la [traite]’ (le document est rongé sur ses bords et nous avons mis entre crochets les mots que nous avons cru deviner) (A.D. Charente-Maritime, B5770, P.-V. des Ier juin 1772, 13 déc. 1772 et 7 avril 1773).
26 A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diario H f. 324.
27 A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diario H f. 506; A.D. Loire-Atl., B 4596 f. 4, 54V–55V; Marine 417; A.D. Ille-et-Vilaine 4 fg 52; A.N., Affaires Etrangères B1 687. En septembre 1772 déjà, des marchandises avaient été prises à des Français par des agents de la Compagnie portugaise (A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diario H f. 328).
28 Cf. note 18 above.
29 La présence de l'Escaramouche à Bissau est signalée par un navire nantais; ce négrier débarqua 52 captifs au Cap Français (A.D. Loire-Atl., B 4593 f. 144–7; Petites Affiches Américaines, 1765Google Scholar; A.D. Charente-Maritime, B 5757).
30 A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diario F/3 f. 325v, 329.
31 A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diarios E/2 f. 322; F/1 f. 68,69,411; Livros das Carregações 49/E, 50/F. Les chiffres de Carreira (186 captifs pris en Sierra Leone) sont très inférieurs à la réalité et ne tiennent compte que des renseignements fournis par les ‘livros das carregações’.
32 Bernardino de Andrade, qui connaissait bien la région pour y avoir séjourné onze ans, notait dans son ‘informação’ de 1777: ‘Porto dos Idolos:.… No principio do anno de 1775 principiaráo os Inglezes de Liverpool a fortificar hu'a ã caza de negocio neste Porto’; ‘Porto de Camaçunda:.… Os Inglezes não querem dar passagem ás nossas Embarcaçoens’ (António Alberto de Andrade, ‘Bernardino Álvares de Andrade, um “guineense” esquecido’, Boletim Cultural da Guiné Portugueta, XXV (1970), 193)Google Scholar. Dès 1763, les navires français, aux Iles de Los (Idoles) et en Sierra Leone, n'achetaient pratiquement plus leurs captifs qu'aux Anglais (les contrats étaient négociés en Europe, avant le départ).
33 De 1718 à 1742, nous avons pu calculer, dans six bateaux de la Compagnie française des Indes ayant chargé leurs captifs à Bissau et dans trois inventaires de commis français au me˜me lieu, la proportion femmes/hommes: elle était de 45 pour cent (287 femmes, 349 hommes) (A.N., Col. C6 5 et 9; Archives du port militaire de Lorient, 1 P 256 B; A.N., Marine 4 JJ 15, 62, 65, 66).
34 A.N., Col. C6 5. Il existe aussi deux listes nominatives de captifs achetés à Bissau par les Français en 1718 et 1725, mais l'origine ethnique est rarement décelable, et certains captifs sont des ‘esclaves de case’ qui peuvent être venus de Gorée ou de Saint-Louis (A.N., Col. C6 5 et 9). La liste de 1718 a été publiée par Gabriel Debien dans sa très intéressante recherche sur ‘L'origine ethnique des esclaves antillais’, Bulletin de l'IFAN, B, XXVII (1965), 320–3Google Scholar; les interprétations sur l'origine ethnique des noms, dues à un informateur manjaco, sont trop précises: Mamedou peut certes avoir été Mandinga—mais il peut aussi bien avoir été Fula ou Beafada. Sur les 129 noms des deux listes, seuls 5 sont des noms de peuples.
35 Nous admettons qu'un captif qu'on appelle ‘Nalu’ est d'origine nalu. Dans le cas des peuples ‘esclavagistes’, un Mandinga, par exemple, peut aussi bien être un Mandinga enlevé par les membres d'une autre ethnie qu'un esclave mandinga.
36 A.N., Marine 4 JJ 30 (n°69: Journal de la Marie, 1740–1).
37 A.N., Col. C6 10 (‘Mémoire concernant le retardement de l'élévation d'un fort au Bisseaux’, Lorient, 7 avril 1726).
38 A.N., Marine 4 JJ 64 (n°42: Journal du Fier).
39 Carreira, , ‘As Companhias Pombalinas’, XXIII, 325–9.Google Scholar
40 Mollien, G., Voyage dans l'intérieur de l'Afrique fait en 1818 (Paris, 1820), II, 214, 225. 248–9.Google Scholar
41 Koelle, Sigismund W., Polyglotta Africana (London, 1854).Google Scholar Cf. Vansina, Philip D. Curtin et Jan, ‘Sources of the Nineteenth Century Atlantic Slave Trade’, Journal of African History, V (1964), 185–208.Google Scholar
42 A.N., Col. C6 15, lettre de Poncet de la Rivière, 10 sept. 1764.
43 On possède très peu d'informations sur les causes directes de mortalité. La seule maladie invoquée est, à de multiples reprises, la variole (‘bexigas’). Cependant deux des traversées les plus meurtrières sont sans conteste celles du N.S. das Necessidades en 1761 (Cacheu-Maranhão; taux de mortalité: 35.2 pour cent) et du N.S. do Cabo en 1767 (Bissau-Pará; 35.5 pour cent); or ce sont les deux seules où des révoltes sont expressément mentionnées.
44 Pour Cacheu: A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diarios F/2 f. 19, 517; F/3 f. 549, 824–5; H f. 148. Pour Bissau: Diarios E/2 f. 324, 343; F/1 f. 62; H f. 359.
45 Au contraire, si l'on se réfère aux ports d'arrivée, il n'y a pas de différences significatives. Entre Cacheu-Pará et Cacheu-Maranhão—ou entre Bissau-Pará et Bissau-Maranhão—la différence des taux de mortalité est de moins de un pour cent.
46 Références dans Rodney, Walter, A History of the Upper Guinea Coast 1545–1800 (Oxford, 1970), 109.Google Scholar
47 Cultru, P., Premier voyage du sieur de la Courbe fait à la coste d'Afrique en 1685e (Paris, 1913), 233–4.Google Scholar
48 Labat, J. B., Nouvelle relation de l'Afrique occidentale (Paris, 1728), V, 198.Google Scholar
49 Mettas, Jean. ‘Honfleur et la traite des Noirs au XVIIIe siècle’. Revue française d'histoire d'outre-mer, LX (1973), 24.Google Scholar
50 Meyer, Jean, L'armement nantais dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle (Paris, 1969).Google Scholar
51 A.H.U., Pará, caixa 37.
52 A.H.M.F., C.G.G.P.M., Diario H f. 532–3.
53 On peut se demander de même si la recherche du monopole sénégalais par les négociants français du XVIIIe siècle n'est pas liée à la traite de la gomme. Pour la compagnie de Guyane, le fait est probable.
54 De 1788 à 1794, pratiquement 2 négriers sur 3 (32 sur 50) vont à Bissau (Jorge Faro, ‘O movimento comercial’; A.H.U., Guiné, caixa 15; A.N., Aff. Etr. B111 384). En 1793–4, 230 captifs sont conduits de Cacheu à Bissau, par voie de terre ou à bord d'embarcations locales, pour etre chargés vers l'Amérique (A.H.U., Guiné, caixa 15). La prééminence de Bissau s'affirme donc. Les dangers des bancs du rio Cacheu, la ‘bonté de la rade’ de Bissau y étaient pour beaucoup.
55 Faro, Jorge, ‘O movimento comercial’.Google Scholar
56 A.N., Col. C6 18. Hubert Deschamps se réfère à cette source dans Le Sénégal et la Gambie (Paris, 1968, 2e éd.), 54–ainsi que dans, Walter RodneyUpper Guinea, 251.Google Scholar Ce mémoire est encore utilisé par dans, Philip D. CurtinThe Atlantic Slave Trade. A Census (Madison, 1969), 226–7Google Scholar; dans, par Boubacar BarryLe Royaume du Waalo. Le Sénégal avant la conquête (Paris, 1972), 209–10—mais pour d'autres données, d'ailleurs tout aussi contestables.Google Scholar
57 A-H-U., Guiné, caixa 11 (dossier daté du 2 nov. 1778).
58 Golberry, S.M.X., Fragmens d'un voyage en Afrique (Paris, 1802), 11, 231.Google Scholar
59 C'est cependant sur elles que s'appuie Rodney (Upper Guinea, 248Google Scholar) pour chiffrer la traite portugaise dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
60 ‘Suite au mémoire sur le commerce présenté en 1784 à Monseigneur le Maréchal de Castries par M. de Lajaille’ (A.N., Col. C6 18).
61 Mémoire sur la traite des Noirs, anonyme et non daté (dossier de 1778), A.N., Col. C6 17. Philip D. Curtin cite et reproduit ce mémoire pour les traites portugaise, hollandaise et danoise (Atlantic Slave Trade, 223, n. IGoogle Scholar), mais fort à propos ajoute: ‘its authority is uncertain’.
62 Goulart, Mauricio, Escravidão africana no Brasil (São Paulo, 1949).Google Scholar Ces chiffres, repris par Curtin (Atlantic Slave Trade, 207Google Scholar), ont été quelque peu rectifiés, pour les années 1771–80, Klein, par Herbert S. (‘The Portuguese Slave Trade from Angola in the Eighteenth Century’, The Journal of Economic History, XXXII (1972), 894–918)CrossRefGoogle Scholar: la moyenne annuelle passe de 12,600 captifs déportés en 1761–70 à 16,200 en 1771–80.
63 Ce nombre est pourtant admis par Rodney (Upper Guinea, 250Google Scholar), qui date ce mémoire —et donc ses informations—de 1788!
64 Communication de Johannes Postma à Copenhague (Slave Trade Session, 19–23 août 1974): il faudrait quadrupler le chiffre de 3.000.