En juillet 1887, un voyageur sans bagage franchit la frontière suisse. Il gagne une petite bourgade qui domine le lac de Constance et d'où le regard embrasse un paysage admirable: Heiden. Les enfants qui s'ébattent sur la place arrêtent un instant leurs jeux pour voir passer cette silhouette sombre et voutée. D'un pas qui trahit la lassitude, l'inconnu se dirige vers l'hôtel Paradis. Là, quelques sous lui suffiront pour vivre. Il est si pauvre que, lorsqu'il donne son linge a laver, il doit garder le lit, n'ayant aucun vetement de rechange. L'homme porte une barbe déjà blanche et l'on croirait un vieillard. En fait, il n'a que 59 ans au moment où la misère et le malheur le poussent à chercher refuge en ce lieu écarté. Sa santé est déplorable, il est miné par de trop dures et trop longues privations. Sa main droite, atteinte d'un eczéma, lui inflige des douleurs telles qu'il ne peut plus écrire.