Published online by Cambridge University Press: 19 April 2010
La mise en œuvre de la première disposition commune aux Conventions de Genève a récemment connu un développement dans le contexte des violations du droit international humanitaire liées au conflit israélo-palestinien. Ce conflit, qui a donné lieu à de nombreuses résolutions et décisions sur le plan politique, en particulier au sein de l'ONU, a également fait l'objet d'une action multilatérale des États parties en tant que tels, sur la base de l'article premier commun. Entre 1997 et 2001, s'est déroulé dans une certaine discrétion un processus qui, sur le plan juridique, a montré voire ouvert une voie, peut-être nouvelle, sur la manière dont les États parties, compte tenu de leur obligation première en matière de mise en œuvre des Conventions de Genève, comprennent leur rêle, y compris face à l'ONU, aux parties à un conflit et aux acteurs humanitaires (en particulier le CICR).
1 Cf. Chazournes, Laurence Boisson de/Condorelli, Luigi, «Common Article 1 of the Geneva Conventions revisited: Protecting collective interests», RICR 837 (2000), pp. 67–87.Google Scholar
2 Le texte de la déclaration se trouve à l'annexe 1.
3 Cette applicabilité découle ipso facto de l'occupation d'un territoire lors d'un conflit armé et peut être considérée comme un fait obvie. Elle est du reste expressément affirmée dans d'autres résolutions, postérieures, du Conseil de sécurité: par exemple 446, 452 (1979); 465, 468, 469, 476, 478, 484 (1980); 592 (1986); 605 (1987); 607 (1988); 636, 641 (1989); 672, 681 (1990); 694 (1991); 726, 799 (1992); 904 (1994). D'autres résolutions du Conseil de sécurité y font implicitement référence, la dernière en date étant la résolution 1397 (2002).
4 Cf. Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève 1994, pp. 770–771.
5 Cf Lapidoth, Ruth, «The expulsion of civilians from Areas which came under Israeli Control in 1967: Some Legal Issues», European Journal of International Law, 2 (1991), p. 100CrossRefGoogle Scholar: «According to the [opinion of the Government of Israel], since the West Bank and Gaza have been illegally occupied by Jordan and by Egypt respectively in 1948, and the West Bank was illegally annexed by Jordan in 1950, these areas cannot be considered to be part of ‘the territory of a High Contracting Party’ within the meaning of the second paragraph of [Art. 2 of the Fourth Geneva Convention]». Israël a d'une part fait valoir cette opposition de principe au cours des consultations et d'autre part cherché à “limiter les dégâts» en évitant une condamnation unilatérale à l'issue de réunions multilatérales polémiques et politisées. Sur ce second point, en vertu d'une logique humanitaire, Israël a pu obtenir satisfaction; pour les autres États parties, l'applicabilité de jure de la Quatrième Convention constituait au contraire une base juridique non négociable.
6 Israël non seulement refusait l'applicabilité de la Quatrième Convention (et donc l'objet du processus ici envisagé) mais aussi contestait, avec les États-Unis d'Amérique (et, en 1999, quelques autres États), l'opportunité et même la légalité, d'une action collective et multilatérale des États parties pour “faire respecter» la Convention au sens de son article 1er. Dès le début et par principe, il n'était donc pas question pour Israël de participer ou d'assister en qualité d'observateur à la Conférence voulue par les instigateurs du processus.
7 A/ES10/16-S/1997/798et Add.i; cf. Documents officiels du Conseil de sécurité, 52’ année, Supplément d'octobre, novembre et décembre 1997, document S/1997/798.
8 Ces trois principes ou maximes ont été énoncés pour la première fois dans la déclaration de la Suisse devant l'Assemblée générale de l'ONU le 13 novembre 1997; cf. supra.
9 Le texte de la déclaration se trouve à l'annexe 1.
11 Par exemple: « Participation (only High Contracting Parties/admission of other participants or observers (which ones? with possibility to take the floor)? status and denomination of Palestinian representatives?)? presence of the media and public?».
12 Timing and venue (1. Date, etc.; 2. Programme; 3. Participation; 4. Reconvening; 5. Logistics and costs); Objectives (6. General; 7. Substantial); Modalities (8. Chair and Secretariat; 9. Procedure of the Conference; 10. Procedure of follow-up).
13 Ainsi, le représentant des États de la Ligue arabe a déclaré: “We condemn in the strongest possible terms the killings and targeting of Palestinian and Israeli civilians in the unfolding wave of violence that swept the Palestinian Occupied Territories». Celui du CICR a précisé: “Le fait que les colonies ont été créées en violations des dispositions de la Quatrième Convention de Genève ne signifie pas que les civils qui y résident peuvent faire l'objet d'attaques. Ils sont protégés par le droit humanitaire en tant que civils, dans la mesure où ils ne prennent pas activement part aux combats ». Le haut commissaire aux droits de l'homme a déclaré de même: “Despite the fact that the settlers’ presence in the occupied Palestinian territories is illegal, those who are not taking part in military hostilities remain civilians».
14 Le CICR a souligné “que les groupes armés palestiniens qui opèrent à l'intérieur ou à l'extérieur des territoires occupés sont également liés par les principes du droit international humanitaire (…). Ces règles stipulent notamment que seuls des objectifs militaires peuvent être attaqués. Par conséquent, les attaques indiscriminées – telles que des attentats à l'explosif par des groupes ou individus palestiniens armés dirigés contre des civils israéliens ou les actes ayant pour but de répandre la terreur au sein de la population civile – sont absolument et inconditionnellement interdites (…). Les manifestations de la population civile sous occupation contre les forces occupantes, les émeutes, ne sont pas des actes de guerre. Par conséquent, il ne convient pas d'y faire face par des méthodes ou des moyens militaires. Lorsqu'elles sont confrontées à la population civile, les forces israéliennes doivent faire preuve de retenue (…)». Pour le texte intégral, voir annexe 2.
15 II faut relever à ce sujet que la Déclaration se rapporte au conflit israélo-arabe et au contexte israélo-palestinien. Elle concerne donc la situation dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, mais n'ignore pas les conséquences de cette situation au-delà de cette zone, en particulier en Israël: par exemple, les actes de terrorisme commis par des personnes provenant des territoires occupés et qui font donc déborder l'usage de la force et la violence au-delà de ces territoires, ou encore la détention (illégale) de prisonniers palestiniens en Israël.
16 À cet égard, la déclaration du Canada à la Conférence est significative: “Vous vous rappellerez que nous n'avons pas assisté à la première réunion en juillet 1999, parce que nous pensions qu'une telle réunion pourrait s'avérer nuisible au processus de paix et risquer de politiser les Conventions de Genève. (…). La présence du Canada aujourd'hui démontre donc avec plus d'intensité notre engagement ferme envers le droit international humanitaire, consacré dans les Conventions de Genève. (…) Nous sommes venus parce qu'il est d'autant plus urgent aujourd'hui que les parties mettent fin à la violence et reprennent les négociations». On peut citer également la conclusion du discours de l'UE, qui rend “hommage à tous ceux qui, du côté palestinien aussi bien que du côté israélien, continuent à œuvrer pour la paix et la réconciliation. J'ai l'espoir que cette conférence les encouragera dans leur détermination ».
17 Le résultat du vote était de 133 oui, quatre non (dont les deux États qui avaient expressément refusé de participer à la Conférence) et 16 abstentions (dont deux États qui avaient pris part à la Conférence).
18 Le président suisse de la Conférence a ainsi déclaré dans son discours de clôture: “L'espoir que j'exprime maintenant en votre nom à tous est que cette Déclaration sera suivie d'effets concrets sur la situation humanitaire dans le contexte israélo-palestinien. C'est à cela que se mesurera le succès ou non de la Conférence de ce jour, et non à la question de savoir qui est venu, qui n'est pas venu, ou ce qui aurait pu être fait autrement ou ce qui devrait être fait en plus, ici ou ailleurs. Le véritable suivi de cette Confé-rence devra être la mise en œuvre du droit humanitaire. Tout simplement.»
19 Discours de clôture du président suisse de la Conférence.