Les Téké tsaayi sont un rameau détaché du tronc téké il y a plusieurs siècles. Ayant quitté les savanes très claires qui bordent le Zaïre à la hauteur du Malebu pour fuir le pouvoir politique qui s'y était développé (“pour échapper au Makoko”), ils s'établirent en forêt sur les contreforts orientaux de ce qui est aujourd'hui les Monts du Chaillu et ils imposèrent à ses habitants leur système politique bicéphale.

En 1966 j'entrepris une étude qui, selon les règles anthropologiques du moment, devait se confiner à une observation exhaustive d'un village. Les 147 habitants de Vouka, sur la haute Louessé, affluent de la rive droite du Niari-Kouilou, furent donc soumis au dispositif en vigueur. Localisation spatiale, parenté et alliances, production (peu observée), rites religieux etc. …Les matériaux obtenus furent pauvres, très disparates, et fort lacunaires. Les généalogies étaient incomplètes à cause des morts de la guerre de l'impôt. La métallurgie du fer avait cessé pendant cette même guerre; il en était de même pour les rites. Les vieux se plaignaient que leurs enfants préféraient parler la langue nzabi, celle des voisins (et champ d'étude de Georges Dupré). Mon inexpérience n'était pas seule en cause. Une déculturation était évidente, conséquence d'une dévastation démographique. Face à cette situation, les bases mêmes de la recherche étaient à redéfinir. Et il fallait d'abord se tourner vers l'histoire de la colonisation et en évaluer l'impact.