Published online by Cambridge University Press: 13 May 2014
Les savoirs universitaires sur l'Afrique précoloniale ont été construits pour une large part grâce aux relations établies entre les spécialistes européens et des Africains qui (lettrés ou non), en raison de leur position sociale et de leurs qualités personnelles, possédaient une grande connaissance de leur culture. Mon enquête s'applique au champ de l'historiographie du Rwanda: j'examinerai quelles relations des chercheurs européens entretinrent avec un intellectuel autochtone, Alexis Kagame et comment, selon l'usage qu'ils eurent de son érudition, les uns l'instituérent historiens et les autres “informateur” alors qu'il donnait à ses écrits une portée toute différente, même si ces derniers avaient un caractère historique, même s'ils offraient une grande richesse d'information. Je ne veux nullement suggérer que ces relations furent exceptionnelles: d'autres savants européens, sur d'autres terrains, développèrent avec d'autres lettrés africains des relations comparables dans leur principe avec le cas présenté ici. En Europe aussi, le jeu des hiérarchies classant les intellectuels suscita, par exemple entre universitaires et érudits régionaux, des rapports homologues à ceux, établis en Afrique, par les intellectuels du “centre” avec ceux de la “périphérie”.
1. Kagame signa tous ses ouvrages: “Alexis Kagame du Clergé Indigène du Rwanda.”
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10. Ibid., 1.
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32. Kagame se disait auteur de “monographies.” Il le fut bien de fait, mais à la manière rwandaise, c'est à dire que ses rècits s'articulent sur une “histoire” de lignée père-fils. C'est ainsi qu'il recomposa l'histoire des armées: en ce qui concerne les recherches que j'ai menées au Rwanda, ce fut pour moi, sur le plan historique, la partie la plus “utile” de son oeuvre. J'ai aussi espaéré, avec Constance, la publication, qu'il annonça à plusieurs reprises, d'un travail sur “Les grandes families du Rwanda...”