Les préhistoriens ont récemment fait faire des progrès décisifs à leur discipline, loin de son statut originel d'enquêtes par des amateurs et des érudits locaux et dans un sens de plus en plus rigoureux et compréhensif. De son côté la sociologie, telle du moins que les Archives européennes de sociologie la conçoivent, se donne pour champ d'études l'aventure entiere des hommes. Après avoir intégré à nos analyses et à nos réflexions la matière couverte traditionnellement par l'histoire et l'ethnographie, le moment paraît venu de parachever l'effort en nous intéressant aussi aux sociétés préhistoriques. Pour une première tentative, il est bon de s'attaquer d'emblée au problème fondamental, celui de la mutation néolithique. De sa solution dépend la vision même que nous pouvons avoir des destinées historiques et sociales, sinon du genre Homo en général, du moins de l'espèce Homo sapiens sapiens apparue, on ne sait ni comment, ni même où, encore moins pourquoi, il y à trente-cinq a quarante mille ans. D'autre part, la question a bénéficié, ces dernières quinze années, d'une masse considérable de travaux, qui permettent de la poser sur des fondements plus solides et qui réclament peut-être une conceptualisation nouvelle. Comme il arrive toujours quand un champ scientifique est parcouru à vive allure, les athlètes manquent de recul et en perçoivent mal les lignes de force. Sans prétendre se substituer aux praticiens, il est permis de mettre leurs efforts à profit pour tenter de renverser la problématique en la «sociologisant».