Je prends l'expression «les origines» en un sens technique qui les distingue de la « genèse ». Étudier la genèse d'un phénomène c'est en dégager et décrire les premières esquisses et le suivre jusqu'à son plein épanouissement. J'entends par « origines » la réalisation des conditions de possibilité de ce même phénomène. Il est loisible d'intervertir les termes ou d'en trouver de plus idoines, il est constant qu'ils désignent deux démarches intellectuelles radicalement différentes. La première est familière aux historiens qui, en cherchant « les origines de… » — l'Égypte pharaonique, Rome, l'Empire chinois, du système incaïque, etc—, s'attachent en fait à ce que j'appelle la genèse, à repérer les indices les plus reculés et les plus menus pouvant jeter quelques lumières sur les premiers temps, quitte à les intégrer dans une explication toujours courte et jamais satisfaisante, car elle se résume pour l'essentiel soit à des diffusions et à des emprunts, soit à un évolutionnisme peu élaboré. L'analyse des origines est un genre peu pratiqué, pour ne pas dire qu'il reste à inventer.