On peut lire, en tête du Prospectus annoncant, en 1829, la première livraison des Annales d'hygiène publique et de médecine légale, que « la medecine n'a pas seulement pour objet d'étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l'organisation sociale; quelquefois elle aide le législateur dans la confection des lois, souvent elle éclaire le magistrat dans leur application, et toujours elle veille, avec l'administration, au maintien de la santé publique. Ainsi appliquée aux besoins de la société cette partie de nos connaissances constitue l'hygiène publique et la médecine légale ». Au premier abord, rien de bien remarquable; s'agit-il de la collaboration des médecins et des magistrats? Depuis quelque vingt ans, le Code pénal et surtout la pratique des tribunaux l'ont sanctionnée; quant au statut d'une hygiène auxiliaire de l'administration, s'appliquant, comme le souligne plus loin le Prospectus, à « prêter ses lumières à la science du gouvernement è, le projet en est très clairement ébauché depuis les Encyclopédistes. Alors, l'État partenaire naturel de l'hygiéniste? Mais cette pensée, inaugurée par Turgot, puis affirmée avec force par la Constituante, demeurera la préoccupation la plus constante des artisans du programme sanitaire, et ce jusque vers 1920, quand l'idée de prévention voudra, à l'inverse, libérer la médecine sociale du carcan trop étroitement administratif scellé pour elle dans la loi de 1902; encore convient-il d'observer que ce souhait de voir s'assouplir la relation de la médecine sociale avec la puissance politique intervient peu ou prou au moment où l'hygiéniste pénètre — discrètement — l'appareil de l'État.