Published online by Cambridge University Press: 28 July 2009
À Buchenwald, pendant la guerre, David Rousset et quelques autres détenus se trouvent un jour devant la chambre du Blockältester (doyen de bloc):
C'est une pièce misérable, étroite comme certains réduits de la zone à Paris. Un lit, une table, deux chaises, un poêle, quelques photos de femmes sur les cloisons, une carte du front russe. Ce coin sordide est un paradis. Nous sommes là, quelquesuns, à regarder, et quelle envie dans les yeux! C'est le signe de toutes les puissances, de tous les privilèges. Le rire me prend: qui jamais aurait pu imaginer que nous en serions à lorgner ce gîte de paria comme la réalisation de rêves impossibles, la satisfaction de véhéments désirs? (1).
(1) Rousset, David, Les jours de notre mort (Paris, Le Pavois, 1947), p. 102Google Scholar.
(2) L'Ancien Régime et la Révolution, vol. I, t. II des (Œuvres complètes éditées par Mayer, J. P. (Paris, Gallimard, 1952), pp. 222–224 (texte cité partiellement infra)Google Scholar.
(3) Paris, Grasset, nouvelle édition 1973.
(4) Le passage qui suit résume, en reprenant abondamment les formules de l'auteur, les idées présentées dans le premier chapitre du livre.
(5) Mensonge romantique et vérité romanesque, p. 90.
(6) Ibid, notamment ch. I et III.
(7) Les deux notions sont historiquement et logiquement liées. Il faut citer notamment le célèbre ouvrage deStouffer, S.A. et al. , The American Soldier (2 vol., Princeton, Princeton University Press, 1949–1950)Google Scholar qui, s'il ne mentionne pas l'expression de «groupe de référence» contribua largement au déVeloppement des recherches sur ce thème par son utilisation du concept de «frustration relative» (Relative Deprivaettion). Cette dernière notion conduit logiquement à une notion du type de la première puisque la relativité de la frustration implique l'existence d'une référence.
(8) Sur l'histoire du concept, cf. Hyman, Herbert H. and Singer, Eleanor (eds), Readings in Reference Groups Theory and Research (New York, The Free Press, 1968), pp. 5–8Google Scholar.
(9) Cf. op. cit. p. 7.
(10) Cf. op. cit. p. 17, et Williams, M.A., Reference Groups: a review and commentary, The Sociological Quarterly, XI (1970) 4, P. 545CrossRefGoogle Scholar. D'autre part, il subsiste aujour d'hui quelques variantes quant à l'utilisation du concept (cf. Williams, M.A., art. cité, pp. 545–553Google Scholar). Nous nous en tiendrons ici aux définitions et distinctions adoptées par H. Hyman et R. K. Merton.
(II) Two Functions of Reference Group, in Swanson, Guy E., Newcomb, Theodore M. and Hartley, Eugene L. (eds), Readings in Social Psychology (New York, Holt, Rinehart and Winston, 1952), pp. 510–514Google Scholar. Cet article a été reproduit dans différents recueils de textes et en traduction française dans Lévy, André, Psychologie sociale. Textes fondamentaux (Paris, Dunod, 1965), pp. 139–145Google Scholar.
(12) Cf. Hyman, and Singer, , op. cit. pp. 8–9Google Scholar.
(13) Op. cit. pp. 9–10.
(14) Social Theory and Social Structure (Glencoe, The Free Press, 1957), ch. VIII et ixGoogle Scholar. Dans les éditions ultérieures (1962, 1968, augmentées mais non révisées), les chapitres consacrés au groupe de référence n'ont pas été modifiés. En traduction française, Éléments de théorie et de méthode sociologique, traduction et adaptation par Mendras, Henri (Paris, Plon, 1965), ch. VII et VIIIGoogle Scholar. Sauf exception (indiqué;e), les notes suivantes renvoient à l'édition française.
(15) Éléments de théorie… p. 208.
(16) Ibid. p. 255.
(17) Ibid. p. 253.
(18) Ibid. pp. 226–228 et 253.
(19) Ibid. pp. 269–277.
(20) Ibid. pp. 228–229.
(21) Ibid. pp. 213–217.
(22) Ibid. p. 265.
(23) Ibid. pp. 215–216 et 267–268.
(24) Cf. in Hyman, H.H. and Singer, E., Readings in Reference Groups Theory and Research: l'introduction générate à cet ouvrage, pp. 3–21Google Scholar, et les introductions aux différentes parties, pp. 23–27, 115–122, 319–324. Une version allégée de l'introduction générale a été publiée dans International Encyclopaedia of Social Sciences, XIII (1968), artGoogle Scholar. «Reference Group» (H. Hyman).
(25) Cf. Hyman, and Singer, , op. cit. p. 18Google Scholar.
(26) Ibid. pp. 118–119.
(27) Runciman, W.G., Relative Deprivation and Social Justice (London, Routledge and Kegan Paul, 1966)Google Scholar. Nous nous référons ici à l'extrait publié par Hyman, H. et Singer, E., Reference Groups and Inequalities of class, in Readings… pp. 207–221Google Scholar.
(28) Ibid. p. 208.
(29) Ibid. p. 219.
(30) Festinger, L., A Theory of Social Comparison Processes, in Readings… pp. 123–146Google Scholar; cf. également p. 127 (Hyman).
(31) ‘[ … ] some similarity in status attributes between the individual and the reference group must be perceived or imagined, in order for the comparison to occur at all’. Merton, R.K., Social Theory and Social Structure, op. cit. (édition de 1968), p. 296Google Scholar.
(32) Readings… p. 119.
(33) On se reportera utilement à l'article Williams, de Robin M., Relative Deprivation, in Coser, L. (ed.), The Idea of Social Structure, Papers in Honour of R.K. Merton (New York, Harcourt, 1975), pp. 355–378Google Scholar, article théorique très riche qui vise à faire la synthèse des acquis de la recherche et dont nombreb de propositions recoupent l'interprétation proposée infra.
(34) Les sociologues américains utilisent différentes expressions pour désigner la correspondance et la non-correspondance entre ces niveaux: status crystallisation, status inconsistency, status discrepancy, imbalanced ranks.
(35) Cette perspective est relativement neuve, semble-t-il, puisque, depuis l'Antiquité, philosophes et sociologues ont en règle générale pensé la société à travers la grille d'un unique critère de stratification: pauvres/riches, classes dominantes/classes dominées, Upper Class/Middle Class… L'idée de la distorsion des inégalités se trouve cependant chez Aristote (Politique, éd. Tricot, par (Paris, Vrin, 1962), t. I, pp. 205–206)Google Scholar; elle est développée par Tocqueville dans son analyse de la société de l'Ancien Régime et, sur un plan théorique, par Max Weber dont la distinction entre classes sociales et groupes de status est devenue classique. Elle reste encore relativement peu exploitée, nous semble-t-il, puisque les seules recherches qu'elle a inspirées portent sur les effets de cette distorsion sur le comportement des individus (c'est–à–dire concernent notre sujet) et que le problème de la mesure de la distorsion dans les differéntes sociétés n'a pas été jusqu'ici traité (du moins à notre connaissance).
(36) Benoit-Smullyan, E., Status, Status Types and Status Interrelations, American Sociological Review, IX (1944), 151–161CrossRefGoogle Scholar.
(37) Homans, G., La congruence du status, Journal de psychologie normale et pathologique, LIV (1957), 22–34Google Scholar; cf. également les travaux antérieurs cités p. 22, n. 1.
(38) Lenski, G., Status Crystallisation: A non vertical dimension of social status, American Sociological Review, XIX (1954), 4O5–413Google Scholar
(39) En raison du petit nombre des répondants, Lenski invite à la prudence quant à l'interprétation des différences d'attitude entre les sujets différemment non congruents.
(40) Joseph, and Lopbeato, Sally Cook, ‘Theoretical Needs of Status inconsistency Research’, texte présenté à la réunion du comité de recherche sur la stratification sociale de l'Association internationale de 1954), sociologie, tenue à Genève les 16–18 décembre 1975 (ronéoté, p. 5)Google Scholar.
(41) Lenski, G., Social Participation and Status Crystallisation, American Sociological Review, XXI (1956)Google Scholar; d'après Hodge, R.W. and Siegel, P.M., Non-vertical Dimensions of Social Stratification, in Lauman, E.O., Siegel, P.M. and Hodge, R.W., The Logic of Social Hierarchies (Chicago, Markham Publishing Company, 1970), p. 513Google Scholar.
(42) Cf. J.A. Geschwender, Continuities in Theories of Status Consistency and Cognitive Dissonance, in Lauman, E.O. et al. , The Logic… pp. 505–508Google Scholar.
(43) Goffman, I.W., Status Inconsistency and Preference for Change in Power Distribution, American Sociological Review, XXII (1957)Google Scholar; Lenski, G.E., Status Inconsistency Attachand the Vote: a four-nation test, American Sociological Review, XXXII (1967)Google Scholar; d'après Hodge, R.W. and Siegel, P.M., art. cité pp. 512–513Google Scholar.
(44) Bell, D. (ed.), The Radical Right (New York, Doubleday, 1963)Google Scholar (notamment les contributions de S.M. Lipset) [Nouvelle édition, complétée, de The New American Right, 1955]; Rush, G.B., Status Consistency and Right-Wing Extremism, American Sociological Review, XXXII (1967), pp. 86–92CrossRefGoogle Scholar.
(45) Ringer, B.B. and Sills, D.L., Political Extremists in Iran, Public Opinion Quarterly, XVI (1953), 689–701Google Scholar. D'après Geschwender, J.A., art. cité p. 506Google Scholar.
(46) Cf. Geschwender, J.A., art. cité pp. 505–506Google Scholar; Hunt, L.L. and Cushing, R.G., Status Discrepancy, Interpersonal Attachament and Right-Wing Extremisms, Social Science Quarterly, LIII (1970), p. 586, n. 3Google Scholar.
(47) Kendel, W.F., The Relationship Between Status Consistency and Politico-Economic Attitudes, American Sociological Review, XXI (1956)Google Scholar; d'après Hodge, R.W. and Siegel, P.M., art. cité p. 514Google Scholar.
(48) Kelly, K.D. and Chambliss, W.J., Status Inconsistency and Political Attitudes, American Sociological Review, XXXI (1966), 375–382CrossRefGoogle Scholar; Olsen, M.E. and Tully, J.D., Socioeconomic-ethnic Status Inconsistency and Preference for Political Change, American Sociological Review, XXXVII (1972), 560–574CrossRefGoogle Scholar. Olsen, et Tully, citent également quelques autres travaux qui vont dans le même sens (art. cité pp. 560–561)Google Scholar.
(49) Critiques de M. Hyman, H.M. Jr. Blalock, D.S. Eitzen, R.W. Hodge et P.M. Siegel, etc.; cf. Meyer, J.W. and Hammond, P.E., Forms of Status Inconsistency, Social Forces, L (1971), p. 92Google Scholar; Eitzen, D.S., Social Class, Status Inconsistency and Political Attitudes, Social Science Quarterly, LIII (1970), 602–609Google Scholar; Hodge, R.W. and Siegel, P.M., art. cité p. 514Google Scholar.
(50) Cf. , J. and Lopbeato, S.C., art. cité pp. 1O–11Google Scholar. Sur le problème de fond — est–il logiquement possible de procéder à cette distinction? — cf. les positions contradictoires Hodge, de R.W. and Siegel, P.M., art. cité pp. 514–515Google Scholar, et Hope, K., Model of Status Inconsistency and Social Mobility Effects, American Sociological Review, XL (1975), 322–343CrossRefGoogle Scholar.
(51) Lopreato, , art. cité p. 1Google Scholar.
(52) Lenski, , art. cité (1954), pp. 410–411Google Scholar, et: Comment on Kenkel's, Communication, American Sociological Review, XXI (1956), pp. 368–369Google Scholar.
(53) Homans, G.C., Social Behavior: Its elementary forms (New York, Harcourt, Brace and World, 1961), pp. 72–78 et ch. XIIGoogle Scholar.
(54) Ainsi un certain nombre de conclusions présentées comme infirmant celles de Lenski ne sont pas tout à fait convaincantes dans la mesure où, alors que celui-ci insistait sur la non-congruence entre status acquis et status attribué, ses critiques ont eu parfois tendance à privilégier la non-congruence entre deux status acquis. Cf. sur ce point Segal, D. R., Status Inconsistency, Cross-pressures and American Political Behavior, American Sociological Review XXXIV (1969), p. 334Google Scholar.
(55) Cf. Anderson, B. and , M.Zelditch, JrRank Equilibration and Political Behavior, Archives européennes de sociologie, V (1964), p. 117Google Scholar; Olsen, M.E. and Tully, S.D., art. cité pp. 561–3Google Scholar; , J. et Lopreato, S.C., art. cité, p. 10Google Scholar.
(56) Cf. B. Anderson and M. Jr. Zelditch, ibid. Ces résultats s'accordent avec les conclusions dominantes des travaux relatifs à la traduction politique de la mobilité sociale descendante (les perspectives ne sont pas exactement identiques mais elles se recoupent). Il apparaît en effet à travers nombre d'enquêtes que les victimes de la régression sociale tendent à adopter des attitudes nettement conservatrices. Cf. Wilenski, H.L. and Edwards, H., The Skidder: Ideological adjustements of downward mobile workers, American Sociological Review, XXIV (1959), 215–231CrossRefGoogle Scholar; Lipset, S.M. and Zetterberg, H.L., Social Mobility in Industrial Societies, in Bendix, R. and Lipset, S.M., Social Mobility in Industrial Society (Los Angeles, University of California Press, 1959), pp. 69–74Google Scholar.
(57) Cf. les recherches de Lenski, (1954) art. citéGoogle Scholar; Jackson, art. cité; et Geschwender, , art. cité, p. 506Google Scholar. Contrairement au cas précédent, ces résultats ne recoupent pas les conclusions dominantes des travaux traitant des effets politiques de la mobilité ascendante — puisque celle–ci semble également inciter au conservatisme (avec cependant des différences entre les pays d'Europe et les États-Unis). Cf. Lipset, and Zetterberg, , art. cité, pp. 64–70Google Scholar, Lopreato, , Upward Mobility and Political Orientation, American Sociological Review, XXXII (1967), 586–592CrossRefGoogle Scholar. Notons enfin que l'ensemble de ces résultats (sur les effets politiques de l'ascension et de la régression sociales) sont eux aussi contestés: cf. Jackman, M.R., Social Mobility and Attitude Toward the Political System, Social Forces, L (1972), 462–472CrossRefGoogle Scholar.
(58) Cf. sur ce point la typologie élaborée par Hunt, and Cushing, art. cité, p. 592Google Scholar.
(59) Dans ce sens Kelly et Chambliss (art. cité) ont étudié simultanément la non-congruence objective et la non-congruence subjective — ils ont trouvé peu de différence entre les deux mesures. Cf. également Segal, art. cité.
(60) Tarde, G., Les lois de l'imitation (1895) (Paris, F. Alcan, 1921)Google Scholar.
(61) Veblen, Th., The Theory of the leisure Class (1899)Google Scholar, trad. fr.: Théorie de la classe de loisirs (Paris, Gallimard, 1970)Google Scholar.
(62) Cf. par exemple: Baudrillard, J., Le systéme des objets (Paris, Gallimard, 1968)Google Scholar; d'Iribane, Ph., La politique du bonheur (Paris, Le Seuil, 1973)Google Scholar; Attali, J. et Guillaume, M., L'anti-iconomique (Paris, P.U.F., 1974)Google Scholar.
(63) Riesman, D., The Lonely Crowd (1995)Google Scholar; trad. fr.: La Joule solitaire (Paris, Arthaud, 1964)Google Scholar.
(64) Duesenberry, J.S., Income, Saving and the Theory of the Consumer Behavior (Cambridge, Harvard University Press, 1949), ch. IIIGoogle Scholar.
(65) Cf. Caire, Guy, Théorie et pratique de la politique des revenus (Paris, P.U.F., 1970), pp. 55–56Google Scholar.
(66) Cf. notamment Bourdieu, P., Boltanski, L., de Saint-Marjin, M., Les stratégies de reconversion, Informations star les sciences sociales, XII (1973) 5, 61–113 (en particulier pp. 95–6)CrossRefGoogle Scholar.
(67) Dahl, R., Qui gouverne? (Paris, A. Colin, 1971), pp. 95–6Google Scholar.
(68) Éléments de théorie… pp. 239, 250.
(69) Cf. Runciman, W.G., Problems of Research on Relative Deprivation, in Hyman, H.H. and Singer, E., Readings… p. 70Google Scholar.
(70) Mensonge romantique… p. 146.
(71) Ibid. p. 148.
(72) Ceci dit en termes très schéinatiques. Le problème de la médiation comparative positive et négative sera traité infra.
(73) Boudon, Raymond, La crise de la sociologie (Genève, Droz, 1971), p. 65CrossRefGoogle Scholar.
(74) Ainsi, par exemple, ce trait de la «culture de la pauvreté» exprimé par l'un des Enfants de Sanchez: «“Celui qui est né pour être une casserole ne quitte pas la cuisine rdquo;. Combien de fois n'ai–je pas entendu prononcer cette phrase par mon père, ma tante, des amis, des voisins» Lewis, O., Les enfants de Sanchez (Paris, Gallimard, 1963), p. 549Google Scholar.
(75) Girard, R., Mensonge romantique… pp. 91–92Google Scholar.
(76) Il s'agit là de deux pôles entre les-quels s'échelonnent les situations intermédiaires: la médiation peut conduire à remettre en cause non l'inégalité elle-même mais son amplitude.
(77) Cette proposition ne s'accorde pas avec les conclusions de certains sociologues pour qui une comparaison défavorable n'engendre pas nécessairement l'insatisfaction. Ainsi, à la suite d'une enquête portant sur une partie du personnel d'une raffinerie canadienne, M. Patchen a indiqué qu'un certain nombre de sujets, comparant leurs revenus avec ceux (plus élevés) de membres d'une strate supérieure de la hiérarchie de l'entreprise, n'en éprouvent pas d'insatisfaction car cette inégalité de revenus leur paraît justifiée par des différences entre inégaux (ancienneté, âge, capacités, responsabilité…) (A Conceptual Framework and Some Empirical Data Regarding Comparisons of Social Rewards, in Hyman, and Singer, , Readings… pp. 166–184)Google Scholar. Cependant, cette analyse (comme les autres analyses de ce type) ne nous paraît pas parfaitement convaincante pour deux raisons: ie la comparaison ici n'est pas spontanée, elle est suscitée par les questions posées; il n'est pas certain que, hors de la présence de l'enquêteur, ces Autres servent de médiateurs; 2e a supposer que la médiation soit indépendante de l'enquête, il faut tenir compte de son intensité; or celle-ci ne serait-elle pas alors très faible ?
(78) En d'autres termes, Tarde, G. avait dit la même chose quand il avait expliqué que «le plus imité est le plus supérieur parmi les proches». Les lois de l'imitation p. 243Google Scholar.
(79) Au sens de: à un rang plus élevé dans l'une des hiérarchies sociales.
(80) Girard, , op. cit. p. 91Google Scholar.
(81) Cité par GIRARD, ibid. p. 92.
(82) GIRARD, ibid.
(83) Nous rejoignons ici l'interprétation que Tarde donnait du «malaise de nos sociétés modernes»: «[…] les individus de ces classes et de ces nations tendent à une assimilation imitative beaucoup plus grande, beaucoup plus rapide qui rencontre encore dans les mœurs et même dans les lois d'irritantes entraves, d'autant plus irritantes peut-être qu'elles se montrent moins décourageantes […] L'envie est le symptôme d'une transformation sociale qui, en rapprochant les classes en diminuant l'inégalité de leurs ressources, a rendu possible non seulement comme autrefois la transmission des desseins et des pensées de l'un à l'autre, leur communion patriotique el religieuse, leur participation au même culte, mais encore le rayonnement du luxe et du bien-être de l'une à l'autre». Op. cit. pp. 71 et 219. Tarde décrit le passage de la mediation externe (normative) à la médiation interne (normative et comparative).
(84) Précisons pour éviter toute ambiguité: appliquée à la médiation négative, l'expression «réduction de la distance subjective» signifiera le renforcement du sentiment de différence de «nature» ou/et du sentiment de similitude de situation.
(85) Ainsi l'étude d'Helen Strauss sur un groupe d'aveugles montre que ceux-ci ont d'autant plus tendance à élire des non-aveugles comme référence qu'ils en sont davantage entourés: Reference Group and Social Comparison Processes among the Blind, Totally, in Readings… pp. 222–237Google Scholar.
(86) Étéments de théorie… p. 229.
(87) Linton, R., De l'homme (trad. franç. Paris, Éd. de Minuit, 1958), P. 156Google Scholar.
(88) Éléments de théorie… p. 229.
(89) Ibid. p. 210.
(90) Ibid.
(91) Cette interprétation s'accorde avec les résultats de l'enquête de W.H. Form and J.A. Geschwender, Social Reference Basis of Job Satisfaction: The case of manual workers, in Hyman, H.H. and Singer, E., Readings… pp. 185–198Google Scholar. Il résulte en effet de cette enquête que: ie Le degré de job satisfaction des ouvriers interrogés s'èlève avec leur degré de mobilité ascendante au sein de la catégorie des ouvriers; 2e Cette satisfaction tient probablement au fait que le groupe de référence choisi est le milieu d'origine (pères, frères, autres individus d'origine identique); 3e Le choix du groupe de référence s'explique par l'existence d'une barrière difficile à franchir entre «manual workers» et «white-collar frustraworkers».
(92) Ajoutons que ce sentiment de satisfaction des nouveaux promus peut, dans le cas des organisations de salariés, être limité ou contrarié par le jeu d'un phénomène structurel mis en lumière par A. Sauvy et F. Leridon: plus les promotions sont étendues et fréquentes au sein de l'organisation, plus la masse salariale distribuée augmente et moins il reste de ressources disponibles pour l'augmentation des revenus de chaque catégorie. Le revenu moyen de l'ensemble peut done croître tandis que le revenu des différentes catégories Sera resté constant ou même aura diminué. Les nouveaux promus pourront alors avoir le sentiment que leur nouvelle catégorie d'appartenance est défavorisée et, insensibles à leur promotion, interpréteront le reculou le maintien du revenu moyen de leur catégorie comme une injustice sociale. Sauvy, A. et Leridon, F., DU calcul des revenus dans une population à la frustration sociale, Population 4 (10–12 1961), 605–624CrossRefGoogle Scholar.
(93) Boudon, Raymond, La logique de la frustration relative, Archives europiéennes de sociologie. XVIII (1977), 3–26CrossRefGoogle Scholar.
(94) Cf. notamment L'inégalité des chances (Paris, Colin, 1973)Google Scholar; en collaboration avec Cibois, Ph. et Lagneau, J.. Enseignement supéreur court et pièges de l'action collective, Revue française de sociologie, XVI (1975) 2, 159–188Google Scholar.
(95) Boudon, Raymond, Les limites des schémas déterministes dans l'explication sociologique, Cahiers Vilfredo Pareto. Revue europiénne des sciences sociales, XV (1976) 38–39, 417–435Google Scholar.
(96) L'Ancien Régime et la Révolution, pp. 223–224 (souligné par nous). Cf. également, dans le même sens, l'interprétation de Taine, , Les origines de la France contemporaine, t. I: L'Ancien Régime 4 (Paris, Hachette, 1877)Google Scholar, notamment Livre IV, ch. III.
(97) L'Ancien Régime et la Révolution, p. 46.
(98) L'interprétation présentée ici recoupe un certain nombre d'idées développées par des sociologues anglo-saxons: (a) M. Zel-Ditch et B. Andebson fondent leur interprétation des effets de la non-congruence du status sur le processus de comparaison avec autrui (On the Balance of a Set of Ranks, in Berger, J., Zelditch, M. and Anderson, B., Sociological Theories in Progress (Boston, Houghton, Mifflin and Co, 1966), pp. 244–268)Google Scholar; dans sa critique de la théorie de la justice distributive Homans, G., Runciman, W.G. insiste sur la nécessité de subordonner l'analyse des effets de la non-congruence à l'étudedes groupes de référence comparatits (Justice, Congruence and Professor Homans, Archives europiéennes de sociologie, VIII (1967), 115–128Google Scholar; (b) selon Meyer, J. et Hammond, P., l'interprétation doit reposer sur le processus d'évaluation de la situation du sujet par rapport aux règles de congruence en vigueur dans la société (Forms of Status Inconsistency, Social Forces, L (1971), 91–101)CrossRefGoogle Scholar. Les deux perspectives, nous semble-t-il, sont complémentaires. — Pour un point de vue différent et le recours à une analyse stratégique, cf. Kahpik, Lucien, Trois concepts sociologiques: le projet de référence, le status, social et le bilan individuel, Archives européennes de socio-logie, VI (1965), 215–220Google Scholar.
(99) Le terme d'inconsistency ne doit done être utilisé qu'avec la réserve suivante: si, dans les sociétés modernes, la congruence de certains éléments du status (notamment l'éducation, la profession, le revenu) apparaît comme la norme, il est entendu que tel n'est pas le cas dans toutes les sociétés: la dispersion des inégalités peut être impliquée par les normes sociales légi-times — auquel cas l'individu «non congruent» est conforme à la norme.
(100) Par «norme sociale d'évaluation», nous entendons un principe qui régit l'allocation dea biens, ici les relations entre inégalités économiques et sociales, qui est perçu comme légitime par les membres d'une société ou certains d'entre eux et par rapport auquel le sujet mesure sa propre situation.
(101) La situation peut se compliquer quand existent plusieurs normes sociales concurrentes. Cette idée de la pluralité et de la divergence possibles des règles sociales qui fbcent les relations entre les attributs du status a été développée par J.W. Meyer et P.E. Hammonds (art. cit.). Mais leur interprétation ne nous semble pas toujours convaincante dans la mesure oú ils ne mettent pas en relief le fait qu'au niveau du vécu et hors le cas de désaccords idéologiques sur les relations entre inégalités (done d'absence de consensus sur les sources légitimes d'inégalités), ces différentes normes sociales d'évaluation reflètent généralement les différentes situations des individus pris comme médiateurs.
(102) Notons cependant que la réduction de la distance «affective» peut aussi avoir un effet contraire: ainsi, il semble que l'amitié entre deux individus ne peut que contrarierle jeu de la médiation envieuse.
(103) Les collectivés d'un type particulier — par exemple les couvents, les prisons, les asiles — à propos desquelles il est impossible d'exclure a priori que l'appartenance soit liée à l'influence de facteurs psychologiques.
(104) Cf. sur ce point les remarques suggestives deBaechler, Jean à propos du suicide: Le suicide aujourd'hui, Contre point, 4 (été 1971), p. 80Google Scholar.
(105) W.G. Runciman a élaboré à ce sujet une typologie à quatre cases à partir parfaides critères suivants: degré de satisfaction de l'individu en ce qui concerne sa position au sein de son propre groupe, degré de satisfaction de l'individu en ce qui concerne la position de son groupe dans la structure sociale (Problems of Research on Relative Deprivation, in Hyman, et al. , Readings… pp. 4 sq.)Google Scholar. Pour séduisante qu'elle soit, cette typologie ne nous paraît pas parfaidestement satisfaisante car, outre qu'elle ne prend pas en compte la comparaison de l'individu avec un membre d'un autre groupe, elle introduit entre les deux types de comparaison distingués une coupure qui, nous semble-t-il, ne correspond pas à la réalité.
(106) Ce problème a été soulevé par de nombreux sociologues (cf. Hyman, and Singer, , Readings… pp. 23–24, p. 118Google Scholar; Meyer, and Hammond, , art. cit. p. 92, etc.)Google Scholar, mais essentiellement sous forme d'interrogations. Le seul travail empirique, à notre connaissance, qui ait été consacré spécifi quement à ce sujet est celui Patchen, de M., The Effect of Reference Group Standards on Job Satisfaction, in , Hyman and , Singer, op. cit. pp. 325–338Google Scholar. Ce travail porte sur des enfants de 13–14 ans et aboutit à la conclusion qu'il n'y a pas de liaison néces-saire entre frustration relative et remise en cause des normes du groupe. — Notons enfin que l'une des rares propositions plausibles et de bon sens que l'on peut formuler à ce sujet est que la médiation collective, dans la mesure oil elle exclut la responsabilité personnelle, incite ` la critique sociale.
(107) Nous paraphrasons ici Robert Castel, présentation Goffman, de E., Asiles (Paris, éd. de Minuit, 1968), p. 31Google Scholar.
(108) En raison de la connotation du mot totalitaire, il nous semble préférable de démarquer simplement l'expression anglaise plutôt que de reprendre la traduction de L. et C. Lainé: «institution totalitaire».
(109) Asiles, notamment pp. 45–54.
(110) Préface à Mauhel, Micheline, Un camp très ordinaire (Paris, éd. de Minuit, 1975), p. 11Google Scholar.
(111) En d'autres termes, H. Arendt a-t-elle raison quand elle conclut sa longue et célèbre analyse du procès Eichmann sur «l'effrayante, l'indicible, l'impensable banalité du mal»? Arendt, Hannah, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal (Paris, Gallimard, 1966), p. 277Google Scholar.
(112) Sur la société de cour (nous nous bornerons à tirer nos exemples du règne de Louis XIV), nos sources sont les suivantes: Io sources «classiques»: Saint-Simon, , Mémoires (Paris, Gallimard [éd. de la Pléiad, e] t. I à IV: 1948–1953)Google Scholar; Bruyere, La, Les Caractères, «De la Cour», «Des Grands» (Paris, Garnier-Flammarion, 1965), pp. 202–240Google Scholar; Fayette, Madame de LaMémoires (Paris, Gallimard, 1962)Google Scholar; de Sévigné, Madame, Correspondance (Paris, Gallimard [éd. de la Pléiade, , t. I [1646–1675], 1972Google Scholar; t. II [1675–1680], 1974). 2o études modernes: Taine, H., Les origines de la France contem poraine, I. L'Ancien Régime (Paris, Hachette, 1877), Livre IIGoogle Scholar; Levron, Jacques, La vie quotidienne à la Cour de Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles (Paris, Hachette, 1965)Google Scholar et Les courtisans (Paris, Seuil, 1960)Google Scholar; Élias, N., La société de cour (Paris, Calmann-Lévy, 1974)Google Scholar.
Sur la société concentrationnaire: Io qua tre grands livres (à la fois témoignages et analyses): Langbein, H., Hommes et femmes à Auschwitz (Paris, Fayard, 1975)Google Scholar; Kogon, E., L'État S.S. (Paris, Seuil, 1970)Google Scholar; Rousset, David, L'univers concentrationnaire et Les jours de notre mort (Paris, éd. Pavois, du, 1946 et 1947)Google Scholar. zo l'étude psycho sociologique de Bettelheim, B., Le cœur conscient (Paris, R. Laffont, 1972) et l'ouvrage médical du professeur ChGoogle Scholar. Richet, et du docteur Mans, A., Pathologic de la déportation (Paris, Plon, 1956)Google Scholar. 3o les témoignages de: Martin-Chauffier, Louis, L'homme et la bête (Paris, Gallimard, 1947)Google Scholar; Miche-line Maurel, Un camp très ordinaire, op. cit.; Wiesel, Élie, La nuit (Paris, éd. Minuit, de, 1958)Google Scholar. — Nous prendrons ici la société concentrationnaire comme un tout. II y a certes des variantes selon les camps, mais l'unité des situations et des comporte) ments est profonde, ce qui justifie, nous semble-t-il, la perspective choisie.
(113) «Un homme qui sait la cour est maître de son geste, de ses yeux, et de son visage; il […] contient son humeur, déguise ses passions, dément son cœur, parle, agit contre ses sentiments», Bruyère, La, Les caractères, p. 202Google Scholar.
(114) Taine, , L'Ancien Régime, p. 135Google Scholar.
(115) Taine, , L'Ancien Régime, p. 112Google Scholar.
(116) Goffman, , La mise en scène de la vie quotidienne (Paris, éd. de Minuit, , 1973), 2 tomesGoogle Scholar.
(117) Taine, , L'Ancien Régime, p. 171Google Scholar.
(118) Cf. Rousset, D., Les jours de notre mort, glossaire pp. 770–775 et passimGoogle Scholar; Langbein, H., Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 70–72Google Scholar; Kogon, E., L'État S.S., pp. 348–349Google Scholar; Bettelheim, B., Le cœur conscient, p. 258Google Scholar.
(119) L'État S.S., pp. 348–349.
(120) Cf. Taine, , L'Ancien Régime, pp. 135–138Google Scholar.
(121) Mémoires, cité par Levron, J., La vie quotidienne à la cour… pp. 207–208Google Scholar. La mésaventure est arrivée à Marie-Antoinette mais le sens de l'anecdote vaut a fortiori pour la cour de Louis XIV.
(122) «Une simple chair anonyme », dit Martin-Chauffier, Louis, L'homme et la bête, p. 86Google Scholar.
(123) Mémoires, t. IV, p. 994.
(124) Taine, , L'Ancien Régime, pp. 134 et 112Google Scholar.
(125) Mémoires, t. IV, p. 982.
(126) Cf. Taine, , L'Ancien Régime, pp. 129–134Google Scholar.
(127) «Qui est plus esclave qu'un courtisan assidu sinon un courtisan plus assidu ?», Bruyère, La, Les caractères, p. 218Google Scholar.
(128) Sauf, bien entendu, les autres systèmes concentrationnaires, notamment sovié tique et chinois. Si l'on en croit Pas-Qualini, J. (Prisonnier de Mao, Paris, Gallimard, 1975)Google Scholar, le système chinois apparaît de loin le plus perfectionné et le plus raffiné puisque le détenu y est contraint à un degré encore plus extrême de soumission: non seulement il est tenu, au-delà de 1'obéissance pure et simple, à collaborer avec ses geôliers, mais encore il se doit de les approuver et de les remercier.
(129) Sur la passivité devant la mort des détenus, cf. Kogon, , L'État S.S., pp. 357–358Google Scholar; Langbein, , Hommes et femmes à Austisan chwitz, pp. 105–106Google Scholar; Rousset, , Les jours de notre mort, pp. 17–18Google Scholar; Bettelheim, , Le cœur conscient, pp. 275–278Google Scholar. Sur les «collatemes borateurs», dans les camps (l' «aristocratie» des détenus), cf. infra. Sur les tâches ignobles accomplies par les prisonniers, cf. l'exemple-limite du kommando spécial d'Ausde chwitz: Langbein, op. cit. ch. ix. Sur les quelques cas de refus et de révoke, cf. Langbein, , op. cit. p. 197, pp. 200–202Google Scholar.
(130) Les Caractères, p. 203.
(131) Ibid., pp. 202–224.
(132) Ibid., p. 217.
(133) Ibid., p. 203.
(134) Saint-Simon, Mémoires, passim; de La Fayette, Madame, Mémoires… pp. 41–43, 55, 62–63Google Scholar; de Sévigné, Madame, Correspondance, par exemple t. I, pp. 204, 382, 491–492, t. II, pp. 27–28, 45, 85, etcGoogle Scholar. Cf. également dans le même sens Elias, N., La société de cour, pp. 60–61, 76Google Scholar.
(135) Correspondance, t. II, p. 779.
(136) Kogon, , L'État S.S., p. 12Google Scholar.
(137) Rousset, , Les jours de notre mort, p. 418Google Scholar.
(138) Lanbgein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 90Google Scholar.
(139) Kogon, , L'État S.S., p. 348Google Scholar. Cf. également Martin-Chauffier, , L'homme et la bête, p. 104, p. 130Google Scholar; Richet, et Mans, , Pathologie de la déportation, pp. 43–44, pp. 102–103Google Scholar. D'autre part, il s'est sans doute formé dans de nombreux camps des réseaux et des groupes de solidarité, mais ces réseaux jouaient en faveur de certains et done à la défaveur des autres, ils se constituaient dans la lutte avec d'autres groupes (cf. les combats entre les politiques et les droits communs, les rouges et les verts, pour obtenir les postes de direction dans la hiérarchie des détenus), enfin ils étaient par obligation clandestins. Ils n'avaient done guère pour effet d'amélio-rer la nature des rapports humains dans la vie quotidienne. Sur «la guerre de classe clandestine dans les camps» (l'expression est de Bettelheim, , Le cœur conscient, p. 210)Google Scholar, cf. Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 12–14Google Scholar; Rousset, , Les jours de notre mort, pp. 123–124, etc.Google Scholar
(140) Les caractères, p. 203.
(141) Sur ces différents points (qui seront développés infra), cf. notammentÉlias, , La société de cour, pp. 91–96 et 77–78Google Scholar.
(142) Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 104Google Scholar. Sur la violence dans les camps, cf. toute la littérature concentrationnaire et les analyses de Bettelheim, , Le cœur conscient, pp. 138Google Scholar s.. et deArendt, H., Le système totalitaire (Paris, Seuil, 1972), pp. 190 sqqGoogle Scholar. Cette violence explique largement à elle seule la passivité dont ont fait preuve les prisonniers devant la mort. Passivité dont on s'est parfois étonné: pourquoi ne se sont-ils pas révoltés puis qu'ils n'avaient plus rien à perdre ? En fait, les condamnés à mort avaient quelque chose à perdre: une mort relativement «douce» Comme l'a écrit H. Arendt, «Bien des choses sont pires que la mort et les S.S. firent en sorte qu'aucune d'entre elles ne fût jamais très éloignée de l'esprit, de l'imagination des victimes» (Eichman à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, p. 21). Dans le même sens, cf.Langbein, , op. cit., p. 105Google Scholar; Rousset, , Les jours de notre mort, p. 183Google Scholar.
(143) Cf. Kogon, , L'État S.S., p. 38, pp. 43–44Google Scholar; Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 13, etc.Google Scholar
(144) Rousset, , Les jours de notre mort, p. 130Google Scholar.
(145) Cf.Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 67Google Scholar; Kogon, , L'État S.S., p. 44Google Scholar; Rousset, , L'univers concentrationnaire, p. 81Google Scholar.
(146) Le développement qui suit n'est qu'apparemment en contradiction avec ce qui a été dit plus haut du caractère indifférencié, égalitaire de la société concentrationnaire. Ce point sera traité infra, section 3,2.
(147) Rousset, , L'univers concentrationnaire, p. 105Google Scholar; cf. également Les jours de notre mort, p. 316.
(148) Cf. Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 4–5Google Scholar.
(149) Cf. Élias, , La socété de cour, p. 52Google Scholar.
(150) Ibid., pp. 119–120.
(151) «Les fêtes fréquentes, les promenades particulières, les voyages, érit Saint-Simon, furent les moyens que le Roi saisit pour distinguer et mortifier en nommant les personnes qui à chaque fois en devaient être, et pour tenir chacun assidu et attentif à Il sentait qu'il n'avait pas à beaucoup près assez de grâces à répandre pour faire un effet continuel. Il en substitua done aux véritables d'idéales, par la jalousie, les petites préférences qui se trouvaient tous les jours et pour ainsi dire à tous moments par son art. Les espérances que ces petites préférences et ces distinctions faisaient naître, et la considération qui s'en tirait, personne ne fut plus ingénieux que lui à inventer ces sortes de choses. Marly, dans la suite, lui fut en cela d'un plus grand usage et Trianon, où tout le monde, à la vérité, pouvait lui aller faire sa cour, mais où les dames avaient l'honneur de manger avec lui et où, à chaque repas, elles étaient choisies; le bougeoir qu'il faisait tenir tousles soirs par un courtisan qu'il voulait distinguer, et toujours entre les plus qualifiés de ceux qui s'y trouvaient, qu'il nommait tout haut au sortir de sa prière. Le justaucorps à brevet fut une autre de ces inventions […]. Les plus distingués de la cour par eux-mêmes ou par la faveur les demandaient au Roi, et c'était une grîce que d'en obtenir.» Mémoires, t. IV, p. 996.
(152) Lettres sur l'état de courtisan, cité par Levron, , Les courtisans, p. 142Google Scholar.
(153) La société de cour, p. 92–93.
(154) Mémoires, t. X, ch. CLXXXV (Paris, Dalloye, 1843)Google Scholar, cité par Élias, , La société de cour, p. 93Google Scholar (Nous n'avons pas retrouvé dans l'édition de la Pléade place de cette citation).
(155) L'Ancien Régime, p. 117. Sur la consommation ostentatoire à la cour, cf. également Élias, La société de cour, ch. 1 et II.
(156) Cf. Taine, L'Ancien Régime, Livre I et Élias, La société de cour, ch. I et II.
(157) Mémoires, t. IV, p. 980.
(158) Op. cit. p. 1004. La mode vestimentaire est un autre exemple de la médiation royale (pour les femmes, ce sont les maôtresses du roi qui donnent le ton), cf. Levron, , La vie quotidierme à la cour…, pp. 112 sqqGoogle Scholar.
(159) Saint-Simon, , Mémoires, t. I, pp. 288–289Google Scholar.
(160) Cf. Richet, Charles et Mans, Antonin, Pathalogie de la déportation, p. 103Google Scholar; Martin-Chauffier, Louis, L'homme et la bête, pp. 99, 121–122Google Scholar; Langbein, H., Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 93–94Google Scholar; Bettelheim, B., Le cœur conscient, p. 259Google Scholar.
(161) Le cœur conscient, p. 188; cf. dans le même sens, Kogon, E., L'État S.S., pp. 359–360Google Scholar.
(162) Cf. Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 69Google Scholar.
(163) Le cœur conscient, pp. 181 sqq.
(164) L'homme et la bête, p. 148. Cf. dans le même sens, Bettelheim, , op. cit. p. 260Google Scholar.
(165) Le cœur conscient, p. 194.
(166) Hommes et femmes à Auschwitz, p. 74.
(167) Cf. notamment Rousset, Les jours de notre mort, passim; Richet, et Mans, , Pathologie de la déportation, pp. 43–44Google Scholar; Wiesel, , La nuit, pp. 96–97Google Scholar.
(168) Cette dégradation des rapports entre détenus tient également à d'autres facteurs: la politique S.S. de corruption des relations humaines, et aussi les effets psychologiques des contraintes subies: la régression infantile provoquée chez nombre de prisonniers par les conditions d'existence (cf. notamment les analyses de Bettelheim, , op. cit. pp. 151 sqq.Google Scholar), le désir de vengeance et la libération de l'agressivité sur les codétenus (cf. à nouveau Bettelheim pp. 241–242), le sentiment de l'injustice et le rèjet des règies morales (cf. l'analyse decGoffman, , Asiles, pp. 100–103Google Scholar, qui peut, semble–t–il, s'appliquer également aux camps de concentration).
(169) Cf. Richet, et Mans, , Pathologie de la déportation, p. 103Google Scholar; Rousset, , Les jours de notre mort, p. 98, p. 86Google Scholar (texte cite infra), etc.; Bettelheim, , Le cœur conscient, p. 203 noteGoogle Scholar.
(170) Rousset, , Les jours de notre mort, p. 86Google Scholar.
(171) Nous n'avons pas trouvé de données suffisantes pour traiter de l'effet des médiations normatives susceptibles d'être concurrentes. Cependant de telles médiations ont joué sans aucun doute et détourné certains sujets des sentiments triangulaires: la vocation religieuse éloigne bien entendu des vanités de la cour, la foi a sans doute aidé certains prisonniers à supporter les duretés des camps…
(172) Rousset, , Les jours de notre mort, p. 181Google Scholar.
(173) Cf.Kogon, , L'État S.S., pp. 58 sqqGoogle Scholar, Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 11–12Google Scholar; Rousset, Les jours de notre mort, passim et glossaire, etc.
(174) « Pour que vive un tel système, écrit D. Rousset, il lui faut des privilèges, et ils sont considérables. D'abord, la nourriture […]. A Helmstedt, ils [les kapos et les hauts fonctionnaires] avaient la nourriture des militaires. Quant aux sommets de la bureaucratie, ils mangent comme les S.S. Ces avantages officiels sont singulièrement multipliés par le trafic illicite […] Les bureaucrates ont une pièce à part, un lit, un placard. Dans certains cas comme à Neuengamme, un Block leur est réservé […]. Les bureaucrates sont moins battus que le commun. Ils battent les autres. Plus leur grade est élevé, moins ils reçoivent de coups et plus ils en dispensent […] Les bureaucrates sont armés: Gummi, gourdin, matraque, et de ce fait ils gagnent une assurance complètement étrangère à la plèbe. Ils sont mieux habillés et ressemblent donc un peu plus à des hommes. Ils ne travaillent pas, ne sont pas soumis à cet extraordinaire marché d'esclaves qui préside le matin à la formation des Kommandos […]. Ils peuvent fumer plus que les autres, boire de l'alcool aussi, détendre done les nerfs […]. Ils ont deux fois, dix fois, mille fois plus de possibilités que la grande masse des détenus de sauver leur vie ». L'univers concentrationnaire, pp. 137–142. Cf. également Les jours de notre mart, passim; Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, p. 12Google Scholar et deuxiéme partie, ch. vi; Martinchauffier, , L'homme et la bête, p. 93Google Scholar.
(175) L'on peut également noter, l'on en croit David Rousset, que la quête du prestige, la recherche de la consommation symbolique n'étaient pas absentes du comportement des bureaucrates. Dans Les jours de notre mort, il décrit les « snobs de Neuengamme » (p. 244), la « mode » Buchenwald: « Actuellement, e'est de porter la veste en drap épais avec de grandes poches dites « poches à tenir la soupe ». Les bottes! Les bottes sont vraiment le signe de la puissance, la marque extérieure de l'aristocratie […]. Il est de bon goût de porter un cache-col, d'avoir des gants, de posséder une montre, un fume-cigarette, une tabatière… » (p. 571; cf. également, p. 632). Nous retrouvons ici, aussi surprenant que cela paraisse, un pur désir triangulaire — puissance du désir de vanité.
(176) Cf. Rousset, , L'univers concentrationnaire, pp. 137–142 et Les Jours de notre mort, passimGoogle Scholar. Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 4–5Google Scholar; etc.
(177) Cf.Rousset, , L'univers concentrationnaire, p. 138Google Scholar; Maurel, , Un camp très ordinaire, pp. 39–40Google Scholar.
(178) Hommes et femmes à Auschwitz, P. 27.
(179) Les jours de notre mort, p. 469; cf. également Maurel, , Un camp très ordinaire, pp. 39–40, p. 128Google Scholar.
(180) Cf. Rousset, Les jours de notre mort, passim; Richet, et Mans, , Pathologic de la déportation, pp. 35, 41, etc.Google Scholar
(181) Rousset, , Les jours de notre mort, p. 571Google Scholar.
(182) Rousset, , L'univers concentrationnaire, p. 66Google Scholar.
(183) Rousset, , Les jours tie notre mort, p. 197Google Scholar.
(184) Wobmser-Migot, (Olga), L'ère des camps, Paris, U.G.E., Coll. 10/18, 1973, p. 158Google Scholar. Sur les sources d'inégalités dans les camps, cf. notamment Kogon (E.), L'état S.S., ch. 3 et 20; Langbein (H.), Hommes et femmes à Auschwitz, deuxième partie, ch. 1; Rousset (D.) Les jours de notre redre mort, passim.
(185) De là peut-être egalement un élément d'explication de la brutalité extrême des kapos. Un kapo analphabète qui a un pouvoir illimité sur des « intellectuels » peut se sentir frustré par la non-cohérence de son status et la conscience que « ses » prisonniers perçoivent son autorité comme illégitime et il peut exprimer ou compenser cette frustration par une brutalité redoublée.
(186) Pour la comparaison, cf.Richet, et Mans, , Pathologic de la déportation, p. 102Google Scholar; Rousset, Les jours de notre mart, passim. Sur la haine qu'inspirent les détenus privilégiés, cf. Rousset, , L'univers concentrationnaire, pp. 142–143Google Scholar; Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 145–146Google Scholar. Sur l'attitude des prisonniers vis-à-vis des S.S., cf. Langbein, , op. cit. pp. 73–74Google Scholar; Bettelheim, , Le cœur conscient, pp. 193, sqq.Google Scholar
(187) Cf. note pré;cédente.
(188) Mémories, t. IV, p. 1004.
(189) Mémoires… p. 41.
(190) Mémoires, T. IV, p. 994. Saint-Simon développe cette idée notamment à propos du service militaire quasiment imposé aux hommes de cour: « Qui était d'âge à servir n'osait différer d'entrer dans le service. Ce fut encore une autre adresse pour ruiner les seigneurs et les accoutumer à l'égalité et à rouler pêle-mêle avec tout le monde. (…). Grands et petits, connus et obscurs furent done forcés d'entrer et de persévérer dans le service, d'y être un vil peuple en toute égalité » (p. 982 et 984).
(191) Cf. Bluche, (F.) « L'origine sociale des Secrétaires d'état de Louis XIV XVII siècle, 42–43, Ier trimestre, 1959, p. 8–22Google Scholar.
(192) Mémoires, t. IV, p. 994.
(193) Mémoires, t. III, p. 1031.
(194) Mémoires, t. IV, p. 1069.
(195) Mémoires, t. IV, p. 1024.
(196) Cf. par exemple le récit caractéristique par Madame de La Fayette des incidents nés d'une promotion de « cordonsbleus » qui ne correspondait pas parfaitement à la hiérarchie des rangs hérités (Mémoires… pp. 41–43). Cf. également les sentiments à l'égard de Madame de Montespan de la reine (« Cette pute me fera mourir », disait souvent de la favorite la reine qui « supportait avec peine sa hauteur avec elle ». Saint-Simon, , Mémoires, t. IV, p. 1012)Google Scholar et de la cour (« La plus enviée », dit Madame de Sévigné, pour la désigner, Correspondence, t. I, p. 414) et les sentiments à l'égard des bâtards du Dauphin (Saint-Simon, , Mémoires, t. III, p. 1030 sqq.Google Scholar), etc.
(197) L'univers concentrationnaire, p. 142. Cf. également dans le même sens Langbein, (H.) Hommes et femmes à Auschwitz, p. 12Google Scholar.
(198) Cf. notamment Rousset, Les jours de notre mort, passim Maurel, Un camp très ordinaire, passim.
(199) Elias, , La société de cour, p. 98Google Scholar.
(200) Notons également que, parmi les facteurs qui contribuent au sentiment d'insécurité du courtisan, il en est un qui joue un rô1e très important: la peur de l'exil. « Il arrivait parfois que le courtisan, sans s'en douter, tombât en disgrâce près du roi et reçut ordre de quitter la Cour, C'était le malheur le plus affreux qui pût lui arriver […] Cette disgrâce n'était jamais annoncée à l'avance. Et c'est bien ce qui rendait si précaire la vie de courtisan. Aujourd'hui fort bien connu, il ne savait jamais s'il ne serait pas demain jeté en exil […] L'on comprend en conséquence pourquoi les courtisans manifestent souvent cette fébrilité, cette agitation perpétuelle: ils étaient anxieux de leur sort. » Levbon, , Les courtisans, p. 110Google Scholar.
(201) Mémoires, t. III, p. 1180 (souligné par nous).
(202) Ibid.
(203) Dans le cas des relations domestiques/maîtres, la médiation externe est courante: il y a dans les offices un mimétisme des salons (cf.Bluche, François, La vie quotidienne de la noblesse française au XVIIIe siécle (Paris, Hachette, 1973, p. 32Google Scholar). Un exemple frappant de faible distance physique jointe à une distance sociale considérable est fournie par l'anecdote célèbre de Madame de Chatelet se baignant nue devant son valet de chambre et se plaignant négligeament de ce que celui-ci, troublé par sa nudité, ne l'arrosait pas convenablement d'eau chaude. Aux yeux de la marquise, le rapprochement des corps n'avait évidemment aucune signification, même si le domestique ressentait, en dépit de la distance sociale, un désir que l'on peut croire authentique. (Cette anecdote est rappelée par Elias, N., La société de cour, p. 25 note)Google Scholar.
(204) L'Ancien Régime, p. 129.
(205) Les caractères, p. 202.
(206) Mémoires…, pp. 53–54.
(207) Selon la formule fameuse de Constant, Benjamin, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, Court de politique constitutionnelle, éd. Laboulaye, , t. III (Paris, Guillaumin, 1872), p. 547Google Scholar.
(208) Martin-Chauffier, , L'homme et la bête, p. 139Google Scholar. Cf. dans le même sens, Kogon, , L'état S.S., p. 143Google Scholar, et Langbein, , Hommes et femmes à Auschwitz, pp. 69–70Google Scholar.
(209) Mémoires, t. III, p. 1180.
(210) de La Fayette, Madame, Mémoires…, p. 55Google Scholar; Saint-Simon, , Mémoires, t. II, pp. 682–683, t. III, p. 860Google Scholar.
(211) de Sévigné, Madame, Correspondance, t. I, p. 204Google Scholar.
(212) Saint-Simon, , Mémoires, t. III, pp. 430 sq.Google Scholar, de Sévigné, Madame, Correspondance, t. I, pp. 491–492Google Scholar.
(213) Saint-Simon, , Mémoires, t. IV, p. 1012Google Scholar.
(214) Ibid., t. III, pp. 1030 sq.
(215) Cf. notamment l'attitude de Saint-Simon plein de ressentiment à l'égard du statut des bâtards (Mémoires, t. III, pp. 1030 sq., t. IV, pp. 1069 sq.) comme à l'égard de Madame de Maintenon (ibid, t. IV, ch. LVI et LVII).
216. Pour une période légèrement postérieure, les Mémoires du due de Luynes ténoignent dans le même sens: les dues y apparaissent en compétition avec les princes de sang, les princes étrangers avec les dues et pairs, le grand chambellan avec le premier gentilhomme de la Chambre, les premiers gentilshommes avec le capitaine des gardes, Cf. Bluche, , La vie quotidienne de la noblesse française au XVIIIe siecle, p. 93Google Scholar.
217. Cf. supra note 168.