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Lecture actuelle de Durkheim

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

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‘Si vous voulez mûrir votre pensée, attachez-vous à l'étude scrupuleuse d'un grand maître, démontez un système dans ses rouages les plus secrets. C'est ce que j'ai fait et mon éducateur fut Renouvier» (I). C'est le conseil que Durkheim avait donné un jour à un de ses él`ves et qu'il est un peu agaçant pour un sociologue de 1962 de retrouver chez le « père de la sociologie scientifique », chez le « premier sociologue qui ait fait de la véritable recherche empirique ». Simplement parce que, bien souvent, le sociologue européen de 1962 est quelqu'un à qui on avait conseillé, quand il faisait sa classe de philosophie, de faire exactement cela.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1963

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References

(1) Cité par Maublanc, R. dans Europe, XXII (1930), p. 299.Google Scholar

(2) Black, Max, ed., The Social Theories of Talcott Parsons (Glencoe, 1961), p. 315.Google Scholar

(3) Qu'une telle modification fondamentale soit survenue dans les positions théoriques de Durkheim peut, bien entendu, être contesté. On pourrait même arriver à nier toute évolution dans sa pensée. Nous partageons personnellement le point de vue des commentateurs qui ont montré qu'il y a eu modification. On pourrait même l'expliquer par certaines circonstances biographiques, qui ont eu leur importance: on consultera à ce propos la préface de Marcel Mauss à Durkheim, E., Le socialisme (Paris, 1928)Google Scholar où est mentionné notamment le besoin de se différencier du marxisme; ce même motif, l'un des plus importants sans doute pour comprendre Durkheim, est souligné par Aimard, Guy, Durkheim et la science économique (Paris, 1962), pp. 230Google Scholar sq. Il faudrait aussi rappeler que le thème de la conscience collective était celui par lequel la pensée durkheimienne s'était affirmée dans sa spécificite; c'est là vraisemblablement une des raisons qui conduisit Durkheim à le privilégier, quitte à négliger d'autres thèmes et tant d'autres problèmes auxquels il faisait écho. II faut faire aussi la part de la réaction idéaliste et spiritualiste qui s'est manifestée dans la civilisation européenne au début de ce siècle; on a déjà fait remarquer (voir Marica, G. E., Émile Durkheim: Soziologie und Soziologismus, Jena, 1932, chap, VIII, pp. 128 sq.)Google Scholar l'intotances nation bergsonienne qui caractérise certains passages des dernières œuvres de Durkheim.

Nous n'aurons recours à cette distinction entre deux moments de la pensée durkheimienne que comme expédient analytique permettant de définir, dans les prémisses de la recherche durkheimienne, une alternative systématique. Parsons insiste lui aussi sur l'évolution des positions durkheimiennes, mais il privilégie le terme de l'alternative opposé à celui que nous estimons le plus intéressant aujourd'hui.

(4) D.T.S., p. 4Google Scholar. — Les abréviations suivantes seront désormais utilisées: [D.T.S.] De la division du travail social (Paris, 1960)Google Scholar; [S.] Le suicide (Paris, 1960)Google Scholar; [Régles] Les rigles de la méthode sociologique 13 (Paris, 1956)Google Scholar; [S. Ph.] Sociologie et philosophie (Paris, 1951)Google Scholar; [F. E.] Les formes élémentaires de la vie religieuse (Paris, 1960)Google Scholar; [Wolff] Emile Durkheim, ed. by Wolff, K. (Columbus, 1960).Google Scholar

(5) Cf. Bourricaud, F., Esquisse d'une théorie de l'autorité (Paris, 1961), pp. 8 sq.Google Scholar

(6) Pourtant, une des premières critiques de fond adressées à l'œuvre durkheimienne, celle de Sorel, G. dans les deux premiers numeros du Devenir social (1895)Google Scholar, lui reprochait déjà cette équivoque du concept de contrainte. II est intéressant de noter qu'après ces observations de Sorel, cette critique semble disparaître des écrits français; tandis qu'elle réapparaît dans la littérature américaine avec les analyses de Parsons et tout récemment dans le livre de Rex, John, Key Problems of Sociological Theory (London, 1961), chap, IIICrossRefGoogle Scholar, lequel parle à ce propos de « participant theory ». On peut observer également que, lorsqu'il veut s'expliquer sur le sens concret de cette contrainte, Durkheim parle à la première personne (voir, par exemple, Règles, pp. 4 sq.Google Scholar) selon la tradition d'un certain langage philosophique.

(7) En 1898 déjà, dans son article sur les « Représentations individuelles et représentations collectives », Durkheim écrivait: « Quand nous avons dit de l'obligation ou de la contrainte qu'elle était la caractéristique des faits sociaux […] nous avons voulu seulement indiquer un signe commode auquel le sociologue peut reconnaître les faits qui ressortissent à sa science » (Sc. Ph., p. 35)Google Scholar. Il est significatif que dans la préface à la deuxième edition des Règles, Durkheim renonce, au moins partiellement, à insister sur le caractère de contrainte comme critère spécifique des faits sociaux. En 1960 encore, M. Georges Davy se plaint: « Les malentendus fâcheux, et qui ne sont au vrai que malentendus, auxquels donna lieu l'usage du terme contrainte […] », Revue française de sociologie, I (1960), p. 14.Google Scholar

(8) D.T.S. p. 371.Google Scholar

(9) Ibid. p. 370.

(10) Ibid. p. 147.

(11) Revue Bleue, IVe série, X (1898), pp, 713Google Scholar. Voir aussi Neyer, J., «Individualism and Socialism»Google Scholar, in Wolff, , pp. 3276Google Scholar

(12) S. p. 382.Google Scholar

(13) Dans la présente étude nous employons indifférennment les expressions de « conscience collective » et de « système de valeurs ». Cet emploi n'est pas tout à fait exact, il aurait besoin d'être spécifié; mais il n'y a pas d'inconvénients à l'utiliser dans nos analyses. Pour un approfondissement du rapport entre les termes ainsi que des définitions de détail, voir l'article de T. Parsons dans Wolff, , op. cit.Google Scholar

(14) S. Ph. pp. 103 sq.Google Scholar

(15) S. p. 381.Google Scholar

(16) Ibid. p. 379.

(17) D.T.S. 1Google Scholar. III, chap. 1 et 11.

(18) Ibid. p. 369.

(19) D.T.S. p. 376.Google Scholar

(20) Ibid. pp. 215 sq.

(21) Nous croyons même qu'il est néfaste, si l'on veut arriver à comprendre les lois de formation des besoins humains, de répéter le lieu commun que les besoins sont illimités. Même Parsons, qui a pourtant sur ce point des positions très complexes, finit par croire que les capacités d'expansion désirs individuels sont illimitées (The Structure of Social Action, Glencoe, 1949, p. 402)Google Scholar, ce qui est évidemment un non-sens.

(22) Le suicide, p. 324.Google Scholar

(23) F.E. p. 376.Google Scholar

(24) Ibid. p. 296.

(25) Ibid. p. 498.

(26) Parsons, Talcott, The Structure of Social Action (Glencoe, 1937), p. 391.Google Scholar

(27) Merton, R. K., Social Theory and Social Structure (Glencoe, 1957), chap. IV.Google Scholar

(28) Cela ne veut pas dire que, tel que le spécifie Merton, le concept d'anomie soit entièrement dénué d'utilité. C'est lors-qu'il est généralisé qu'il faut l'expliciter par celui de conflit. On sait d'ailleurs qu'une tendance de la criminologie contemporaine s'oriente dans le même sens. Vold, Voir G. B., Theoretical Criminology (New York, 1958).Google Scholar

(29) D.T.S. pp. 364 sq.Google Scholar

(30) F.E. p. 611.Google Scholar

(31) D.T.S. pp. XVI sq.Google Scholar

(32) S. Ph. p. 133.Google Scholar

(33) Ibid. p. 134.

(34) On se rappellera, par exemple, que Durkheim nous montre que le taux de suicides diminue dans les périodes de luttes et de conflits sociaux et qu'il attribue ce fait à la plus grande intégration sociale qui se manifeste alors. D'ailleurs, les passages où Durkheim donne une évaluation positive des conflits sociaux abondent dans son œuvre et non seulement dans Le suicide. Aussi jugeons-nous inexacte l'affirmation de Martindale: « It is surprising even to find reference to conflict in Durkheim's work; when it occurs it is treated diffeas a form of social sickness » (The Nature and Types of Sociological Theory, 1960, p. 128).Google Scholar

(35) En concluant un article sur Durkheim et le fonctionnalisme, Albert Pierce regrettait que les developpements de la pensée durkheimienne aient négligé toute théorie du changement social: « An extension of Durkheim's sociology would logically have seen the development of such a theory. For whether or not he had a clearly discernable theory of the patterns of social change, the fact of change itself was an inseparable part of his sociological theorizing » (Wolff, , p. 165)Google Scholar. Rien n'est plus juste. Mais nous pensons, à la différence de Parsons (The Structure of Social Action, op. cit. p. 448), que de telles préoccupations n'ont jamais été totalement absentes de la pensée de Durkheim.

(36) Paris, 1915.

(37) On sait que non seulement celle-ci mais aussi l'autre publication de propagande Qui a voulu la guerre? avait amené Durkheim à des positions très différentes de certaines de ses positions classiques. Dans un important ouvrage sur Durkheim (Émile Durkheim and his Sociology) Alpert soutient que Durkheim s'orientait vers une espèce de volontarisme. Cf. aussi Hinle, R. C. Jr., «Durkheim in American Sociology»Google Scholar dans Wolff, , op. cit.Google Scholar

(38) S. p. 382.Google Scholar

(39) Le paradoxe deviendrait encore plus fort si on devait accepter les idées durkheimiennes sur la sociologie de la connaissance (voir F.E. iie partie) selon lesquelles les catégories rationnelles se constituent par analogie d'après les formes de division et d'organisation des groupes sociaux.