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Rationalité, communication, égalité
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
Abstract
Language plays a crucial role in human forms of action coordination. This paper examines problems concerning the satisfaction of a major and complex condition of coordination of actions grounded in dialogue, i.e., equality of argumentative competence. It is, indeed, the satisfaction of this condition that defines the autonomy of the subjects participating in and committed to a dialogue situation. From a political point of view, this question can be examined as a problem of dialogical democracy. This paper proposes the autonomy of subjects as a major condition for the realization of such a political form.
- Type
- Articles
- Information
- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 37 , Issue 4 , Fall 1998 , pp. 703 - 718
- Copyright
- Copyright © Canadian Philosophical Association 1998
References
Notes
1 Arnason, Johann P., «L'autre de la raison et la raison de l'autre», dans Habermas, la raison, la critique, sous la direction de C. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Éditions du Cerf, 1966.Google Scholar
2 C'est tout le problème de la «contingence» qui s'ouvrirait inéluctablement avec chaque phrase que l'on prononce, ou, dans les termes de Wittgenstein, celui de l'«indétermination» qui travaillerait a priori la structure d'un enchaînement linguistique (voir, en particulier, Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 111, 123, 137–140, et Ludwig Wittgenstein, Grammaire philosophique, traduction par M. A. Leucorrhee, Paris, Gaillard, 1980, p. 3).
3 Voir, en particulier, Jürgen Habermas, Théorie de l'agir communicationnel, tome 1, traduction par Jean-Marc Ferry; tome 2, traduction par Jean-Louis Schlegel, Paris, Fayard, 1987 (dorénavant: TAC), et Habermas, Jürgen, Between Facts and Norms, traduction par William Rehg, Cambridge, MA, The MIT Press, 1996Google Scholar (dorénavant: FN). La présentation de ces éléments de la théorie ne suivra nullement les exposés de Habermas lui-même, car elle répondra aux objectifs de cet article. J'ajouterai même des éléments qui ne se trouvent pas chez Habermas. Bien entendu, cette présentation se voudra cependant fidèle à la perspective théorique habermasienne.
4 J'ai examiné ce thème en rapport avec la problématique de la violence dans «L'éducation au dialogue, éducation pour la paix. Une approche philosophique», Revue des sciences de l'éducation, vol. 1 (1997), p. 101–112.Google Scholar
5 TAC, tome 1, p. 296.
6 L'énoncé de ces caractéristiques formelles est inspiré des critères proposés par Dahl pour qu'un processus politique puisse être considéré comme démocratique (voir Dahl, Robert, Democracy and Its Critics, New Haven-Londres, Yale University Press, 1989, chap. 8).Google Scholar
7 Dahl formule ainsi le présupposé qui sous-tend le postulat de l'autonomie personnelle : «A11 members are sufficiently well qualified, taken all around, to participate in making the collective decisions binding on the association that significantly affect their good or interests. In any case, none are so definitely better qualified than the others that they should be entrusted with making the collective and binding decisions». Et il ajoute : «The set of persons to whom such a principle may be applied could be called the demos, the populus, or the citizen-body. Its members are full citizens» (ibid., p. 98).
8 La distinction engendre des conséquences que je n'examinerai pas ici. Habermas, en effet, remarque qu'un discours portant sur ce qui est bon pour un groupe particulier d'individus ou pour un individu en particulier — discours qu'il appelle «éthique» — n'implique pas les mêmes exigences qu'un discours portant sur des normes à prétention universelle — discours qu'il appelle «moral» (voir, à cet égard, Jürgen Habermas, De l'éthique de la discussion, Paris, Éditions du Cerf, 1992, chap. 5 : «De l'usage pragmatique, éthique et moral de la raison pratique»).
9 «Habermas, signale S. Chambers, does not deny that discourse requires an interest in mutual understanding, but he never deals fully with the possibility that citizens might generally lack such an interest or not possess the competencies to pursue such an interest» (Chambers, Simone, «Discourse and Democratic Practices» dans The Cambridge Companion to Habermas, sous la direction de Stephen K. White, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 247)Google Scholar. Or, si la deuxième remarque de Chambers nous paraît tout à fait pertinente — et c'est justement sur elle que nous portons notre attention — la première ne l'est pas. En effet, non seulement Habermas tient compte de la possibilité pour un acteur de ne pas vouloir s'engager dans un processus d'intercompréhension, mais encore il fait de cette «liberté communicationnelle» une pièce importante dans la notion de l'autonomie privée de l'individu. Certes, cette élaboration de Habermas se trouve seulement dans Between Facts and Norms et elle aurait pu être inconnue de Chambers lors de la rédaction de son article. Quoi qu'il en soit, on peut considérer cet intérêt comme présupposé dans le dialogue (FN, p. 119–120).
10 FN, p. 14.
11 Habermas lui-même fait référence à cette présupposition : «[…] “validity” (Gültigkeit) must be understood in epistemic terms as “validity (Geltung) proven for us.” A justified truth claim should allow its proponent to defend it with reasons against the objections of possible opponents, in the end she should be able to gain the rationally motivated agreement of the interpretation community as a whole» (ibid.).
12 Husserl, Edmund, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, première partie, traduction par E. Gerrer, dans Les études philosophiques (1949), p. 127–159Google Scholar; 229–301. Aussi, Habermas, Jürgen, La pensée postmétaphysique, Paris, Armand Colin, 1993Google Scholar, chap. 5 : «Actions, actes de parole, interactions médiatisées par le langage et monde vécu».
13 Voir, en particulier, Schutz, Alfred, The Phenomenology of the Social World, traduction par G. Walsh et F. Lehnert, Evanston, IL, Northwestern University Press, 1967.Google Scholar
14 «Comme tout savoir non thématisé, l'arrière-plan constitué par le monde vécu est présent d'une manière implicite et préréflexive. Ce qui le caractérise, c'est (1) le mode qui est le sien, celui d'une certitude immédiate». Or, l'évanouissement de cette certitude n'est nullement un phénomène quotidien, c'est pourquoi la forme de la communication qu'est l'argumentation est «pour ainsi dire, non quotidienne» (Habermas, La pensée postmétaphysique, p. 92–93 et 89, respectivement).
15 Je laisse ici de côté la thèse habermasienne, si importante pour une sociologie de la modernité, d'une exceptionnelle exigence argumentative dans les sociétés non traditionnelles traversées non seulement par un pluralisme de valeurs mais aussi, comme ce serait le cas dans les sociétés du capitalisme avancé, par des formes envahissantes d'une rationalité instrumentale. Il faut quand même remarquer que c'est sur cette thèse que s'appuie la théorie du droit développée par Habermas, la norme juridique ayant justement comme conséquence, sinon comme finalité, de diminuer la pression de l'exigence argumentative (voir FN, spécialement chap. 1).
16 Kant, Emmanuel, «Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières?», dans Emmanuel Kant, La philosophie de l'histoire (Opuscules), Paris, Denoël-Gonthier, 1947.Google Scholar
17 «J'entends par usage public de notre propre raison celui que l'on fait comme savant devant l'ensemble du public qui lit» (ibid., p. 48).
18 (1) et (2) constituent done, des formes de solution du problème de la coordination des actions, tandis que (3) constituerait la forme de résolution pacifique du problème de l'impossibilité d'une coordination des actions. Habermas réfère à (1) et (2) dans les termes suivants : «Coordination problems […] typically take two forms. They have to do either with the regulation of a conflict caused by the clash of individual action orientations or with the choice and cooperative realization of collective goals». L'intérêt de cette formulation est qu'elle peut être reliée à deux problèmes cruciaux dans l'interaction humaine, à savoir, «suivant quelles règies devons-nous vivre ensemble?» et «quels objectifs devons-nous nous proposer et suivant quelles voies?» (voir FN, p. 139).
19 La reconnaissance de l'impossibilité de l'entente via le dialogue suppose, en effet, une reconnaissance rationnelle des différences (voir, à cet égard, Roberto Miguelez, «L'education au dialogue, éducation pour la paix», cité supra, n. 4).
20 Voir, à cet égard, Habermas, Jürgen, Raison et légitimité, Paris, Payot, 1978Google Scholar, spécialement chap. 3, et Jean-Marc Ferry, Habermas. L'éthique de la communication, Paris, PUF, 1987, p. 368–369, dont j'ai tiré cette définition.
21 C'est chez Max Weber que l'on trouve la formulation la plus précise de cette forme de rationalité, mais elle avait déjà été thématisée dans le contexte de l'économie politique classique sous la forme de la rationalité de l'homo æconomicus. C'est pourquoi le choix le meilleur est représenté surtout par la formule : maximisation du bien / minimisation des coûts.
22 La dimension morale de cette attitude est au centre de la réflexion de Habermas qui écrit: «Ego doit tout d'abord remplir la condition d'une sympathie éprouvée pour la situation de l'autre, il doit quasiment s'identifier à lui, afin de pouvoir adopter précisément la perspective à partir de laquelle Alter, dans le cas d'un conflit moral, pourrait faire valoir ses attentes, ses intérêts, ses orientations axiologiques, etc. Dès lors, Ego doit pouvoir supposer que l'adoption de perspective n'est pas entreprise unilatéralement, mais réciproquement» (Habermas, De l'éthique de la discussion, p. 59).
23 C'est Albrecht Wellmer qui a soulevé cette question : les citoyens, a-t-il signalé, ont le droit de ne pas être rationnels, ce qui peut vouloir dire qu'ils ont le droit de ne pas être rationnels aussi bien que celui de ne pas vouloir l'être (voir Wellmer, Albrecht, «Models of Freedom in the Modern World», dans Hermeneutics and Critical Theory in Ethics and Politics, sous la direction de Michael Kelly, Cambridge, MA, MIT Press, 1990, p. 245).Google Scholar
24 FN, p. 325 et 326.