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Perelman et la philosophie anglo-saxonne*
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
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En parlant des rapports entre la Nouvelle Rhétorique et la France, Pierre-André Taguieff décrivait la situation comme celle d'un rendez-vous manqué. En parlant des rapports entre la philosophie pérelmanienne et la philosophie anglo-saxonne, il faut surtout parler de rendez-vous clandestins. Car dans l'ensemble, ces rendez-vous divers sont d'autant plus évidents (en termes pérelmaniens, interrogeables) qu'ils témoignent sans doute de l'influence réelle d'une philosophie. D'une philosophie dont on retrouve, dans le milieu anglo-saxon, un «air de famille» mais sans que Chaïm Perelman ne soit expressément nommé.
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 29 , Issue 2 , Spring 1990 , pp. 247 - 266
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 1990
References
Notes
1 Sur la question du sens commun, voir mon ouvrage Claude Buffier and Thomas Reid: Two Common-Sense Philosophers, Montréal et Toronto, McGill-Queen's University Press, 1981.Google Scholar
2 Sur la question de l'égalité, voir mon ouvrage La thématique contemporaine de l'égalité. Répertoire, résumés, typologie, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1984. Sur le lien entre la question du sens commun et la question de l'égalité, voir mon article «Du sens commun à l'égalité», Présentation, Société royale du Canada, 1988. Sur la filiation cartésienne d'un tel rapport, voir mon étude «L'héritage cartésien: l'égalité épistémique», Philosophiques, vol. 15, n° 1 (1988), p. 77–94.CrossRefGoogle Scholar
3 Interrogation informatisée du Philosopher's Index par le système Dialog, avril 1987, à partir du descripteur «Perelman» et pour la période allant de 1940 à 1986. L'interrogation procura quarante-cinq entrées, dont les deux tiers portaient sur la théorie de l'argumentation.
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17 Rawls se réfère ici à The Idea of Justice and the Problem of Argument ainsi qu'à De la justice de Ch. Perelman. Pour une critique de Rawls par Perelman, voir son «John Rawls et la théorie de la justice», dans J. Ladrière et P. Van Parijs, dir., Fondements d'une théorie de la justice. Essais critiques sur la philosophie polilique de John Rawls, Louvain-la-Neuve, Éditions de l'Institut supérieur de philosophie, 1984.
18 The Morality of Law, New Haven, CT, Yale University Press, 1964.Google Scholar
19 C'est en effet la thèse soutenue par le biais de la notion de «justice formelle»; voir notamment, chez Perelman, Justice et raison, Bruxelles, Presses de l'Université de Bruxelles, 1970.
20 Voir par exemple C. Perelman, «Égalité et intérêt général», dans L'égalié, t. 8, Bruxelles, E. Bruylant, 1982, p. 615–625, et «Égalité et justice», dans L'égalité, t. 5, 1977, p. 324–330.
21 En termes pérelmaniens, c'est le problème historico-logique de la définition des «catégories essentielles» dans un contexte de pluralisme et de discrimination, c'est-à-dire que le passage de la justice formelle à la justice matérielle procède notamment par la dénonciation des préjugés (par exemple, racistes ou sexistes) dans la definition des catégories et leurs exclusions.
22 Sur le semi-formalisé, voir François Rigaux, «Le juge, ministre du sens», dans G. Haarscher et L. Ingber, dir., Justice et argumentation, p. 90.
23 L'expression est de Leben, Charles, «Chaïm Perelman et les valeurs fragiles», Revue française de théorie juridique (1985), p. 107–154.Google Scholar
24 Voir F. Rigaux, «Le juge, ministre du sens».
25 Voir Guy Haarscher, «Après Perelman», dans G. Haarscher et L. Ingber, dir., Justice et argumentation, p. 224; outre le Traité de l'argumentation de Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, voir de Perelman, Le raisonnable et le déraisonnable en droit, audelà du positivisme juridique, Paris, LGDJ, 1984.
26 Voir Kluback, William, «Raymond Aron and Chaïm Perelman: Men for the Same Cause», dans G. Haarscher et L. Ingber, dir., Justice et argumentation, p. 212Google Scholar. Cette conjonction de l'éthique et de l'épistémologique se traduit aussi dans le rapport entre croyance et conduite, l'une des fonctions de l'argumentation étant d'assurer en outre le contrôle des instincts, voire la résistance aux passions. Sur cette question, voir Perelman, C., «The Rhetorical Point of View in Ethics», Communication, vol. 6 (1981), p. 319.Google Scholar
27 Sur la good-reason approach, voir Toulmin, Stephen, An Examination of the Place of Reason in Ethics, Cambridge, Cambridge University Press, 1959Google Scholar; Baier, Kurt, The Moral Point of View, Ithaca, NY, Cornell University Press, 1958Google Scholar; Gauthier, David, Practical Reasoning, Oxford, Clarendon Press, 1963Google Scholar; Nielsen, Kai, «The “Good-Reason” Approach and Ontological Justifications of Morality», Philosophical Quarterly, vol. 9 (1959), p. 116–130CrossRefGoogle Scholar; Rawls, John, «Two Concepts of Rules», Philosophical Review, vol. 64 (1955), p. 3–32CrossRefGoogle Scholar; Rawls, John, «The Sense of Justice», Philosophical Review, vol. 72 (1963), p. 281–305.CrossRefGoogle Scholar
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29 Sur l'égalité comme présupposé du discours pratique, voir notamment Nagel, Thomas, «The Justification of Equality», dans ses Mortal Questions, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, p. 106–127Google Scholar, et, du même auteur, The Possibility of Altruism, Oxford, Clarendon Press, 1970Google Scholar. Sur cette même question, voir les entrées 108 (D. Browne), 237 (A. Flew), 292 (A. H. Goldman), 325 (A. Gutmann), 401 et 402 (L. I. Katzner), 445 (G. Leibholz), 463 (J. R. Lucas), 538 (T. Nagel), 707 (R. L. Simon), 747 (S. Strasnik), 795 (A. Weale) et 806 (S. W. White), toutes dans mon répertoire La thématique contemporaine de l'égalité, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1984. Sur l'égalité comme présupposition logico-pragmatique de l'argumentation, voir aussi de Ferry, Jean-Marc, Habermas, l'éthique de la communication, Paris, Presses universitaires de France, 1987Google Scholar, et Jacques, Francis, Différence et subjectivité, Paris, Aubier, 1982Google Scholar et Dialogiques, Paris, Presses universitaires de France, 1979.Google Scholar
30 Voir C. Perelman, Justice et raison, p. 26; Traité de l'argumentation, p. 295; Le champ de l'argumentation, Bruxelles, Presses de l'Université de Bruxelles, 1970, p. 288. Sur cette question, voir les entrées «égalité procédurale», «égalité juridique», «égalité devant la loi» ct «égalité des chances» de mon répertoire La thématique contemporaine de l'égalité. Voir aussi mon étude «Les dilemmes de l'égalité», parue dans L'homme et la société, Nouvelle série, n° 85–86, Paris, l'Harmattan, 1987, p. 112–125.
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33 Sur ces questions, voir mon étude «Les problèmes contemporains de l'égalité», dans A. Jacob, dir., Encyclopédic philosophique, t. 1, sect. 12, Paris, Presses universitaires de France, 1989, p. 202–207. Sur l'entre-deux préjudiciel qui semble circuler entre les «bonnes raisons» et la justification de l'inégalité, voir mon ouvrage La raison en procès. Essais sur la philosophie et le sexisme, Montréal, HMH; Utrecht, HES; Paris, Nizet, 1987, ainsi que mon étude «Égalitarisme et féminisme: quatre figures», Mots. Mots / Ordinateurs / Textes / Sociétés, vol. 13 (1986), p. 65–83.
34 À part Justice et raison, voir de C. Perelman, «Égalité et justice», dans L'égalité, t. 5, 1977, p. 324–330; «Égalité et intére^t général», dans L'égalité, t. 8, 1982, p. 615–624; «Égalité et valeurs», dans L'égalité, t. 1, 1971, p. 319–326; «Liberté, égalité et intérêt général», dans L'égalité, t. 5, 1977, p. 6–13; «L'égalité et intérêt général», dans L'Exigence d'égalité, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1981, p. 151–162. Sur cette question, voir Léon Ingber, «La pensée de Perelman et la recherche de l'égalité», ainsi que Raymond Vander Elst, «Justice et sécurité juridique», tous deux dans Justice et argumentation, p. 9–27.
35 Outre A Theory of Justice, «Two Concepts of Rules» et «The Sense of Justice», voir de Rawls, John, «Outline of a Decision Procedure for Ethics», The Philosophical Review, vol. 60, n° 2 (1951), p. 177–197.CrossRefGoogle Scholar
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42 J'ai esquissé quelques pistes dans «L'avenir de l'égalité», dans Doctrines et concepts. Cinquante ans de philosophie de langue française, ASPLF, Paris, Vrin, 1988, p. 347–361.
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- Cited by