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L'indication formelle: Heidegger et le discours de la phénoménologie
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
Abstract
Throughout the 1920s Heidegger's answer to the question of how to conceive of the phenomenon as a phenomenon has been the “formal indication,” that is a non-subsuming, non-generalizing type of discourse. Through a detailed interpretation of the sporadic explanations he gives on the matter, I try to point out some of the inconsistencies in his conception, and then work them out. I try to show in particular how Heidegger's emphasis on the method of phenomenology, which expresses his unrelenting desire to let the phenomenon be seen in itself, led him to overlook the essential role of language in phenomenological analysis.
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- Articles
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 42 , Issue 3 , Summer 2003 , pp. 499 - 530
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 2003
References
Notes
1 Lettre du 20 août 1927, reproduite dans Zur philosophischen Aktualität Heideggers, Im Gespräch der Zeit, tome 2, édités par D. Papenfuss et O. Pöggeler, Francfort, Klostermann, 1990, p. 36; j'ai, pour ma part, tiré ce passage d'un texte de Theodor Kisiel intitulé «L'indication formelle de la facticité: sa genèse et sa transformation», dans Heidegger 1919–1929. De l'herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein, sous la direction de Jean-François Courtine, Paris, Vrin, 1996, p. 205. Heidegger reprendra d'ailleurs ses analyses de l'indication formelle dans le cours du semester d'hiver 1929–1930 (Die Grundbegriffe der Metaphysik: Welt - Endlichkeit - Einsamkeit, dans Gesamtausgabe, vol. 30 : Marburger Vorlesung, Francfort, Klostermann, 1983, §70aGoogle Scholar; trad, franc, par Panis, Daniel, Les concepts fondamentaux de la métaphysique : monde, finitude, solitude, Paris, Gallimard, 1992).Google Scholar
2 Phänomenologie des religiösen Lebens, dans Gesamtausgabe, vol. 60: Freiburger Vorlesung, Wintersemester 1920–1921, Sommersemester 1921, Francfort, Klostermann, 1995, p. 63. Je traduis les passages tirés de ce cours.
3 Ibid., p. 58 sq.
4 Ibid.
5 Ibid., p. 59 (pour les deux passages).
6 Ibid., p. 63 sq.
7 Ibid., p. 64 (pour les trois citations).
8 Die Grundprobleme der Phänomenologie, dans Gesamtausgabe, vol. 24, Francfort, Klostermann, 1975, (respectivement) p. 29, 29 et 31; trad, franç, par Courtine, Jean-François, Les probléèmes fondamentaux de la phénoménologie, Paris, Gallimard, 1985Google Scholar. Je suis la traduction de Courtine en variant où cela s'impose.
9 Ibid., p. 32 sq.
10 Sein und Zeit, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 17e edition, 1993 [1927] §7C, p. 36; trad, franç, par Martineau, Emmanuel, Être et temps, Paris, Authentica, 1985.Google Scholar
11 À titre d'exemple, dans un ouvrage intitulé Heidegger und die hermeneutische Philosophie (Fribourg-Munich, Alber, 1983, p. 288)Google Scholar, Otto Pöggeler résume de la façon suivante le sens de l'indication formelle : «L'indication formelle ouvre anticipativement [erschlieβt vorgreifend] l'étant eu égard à sa constitution d'être, de différentes façons cependant en tant que direction [Direktion] ou simple correction [Korrektion].» Ce faisant, il reprend, sans plus, la détermination du sens méthodique de l'indication formelle dans les travaux du jeune Heidegger. La publication des nombreux cours de Heidegger, dont Phänomenologie des religiösen Lebens, permet désormais de saisir le sens de l'indication formelle. S'appuyant sur ces cours, Theodor Kisiel a d'ailleurs montré la centralité de l'indication formelle pour la genèse de la problématique ontologique b'Être et temps — depuis le phénomène originaire (Urphänomen) de la vie jusqu'à l'existence et l'être —, sans toutefois fournir une analyse rigoureuse, systématique et complète de son sens.
12 Sein und Zeit, (respectivement) §7B, p. 31 et §7C, p. 35.
13 Ibid.,§18, p. 87.
14 Cf. ibid., §34, p. 161 sq.
15 Phänomenologie des religiösen Lebens, p. 63 sq.
16 Ibid., §7C. Heidegger parle aussi de concept formel. Il introduit ainsi (§7A, p. 31) le «concept formel de phénomène», lequel se révèle cependant «vulgaire» (§7C, p. 35). Il passe alors à la détermination du concept phénoménologique de phénomèna Seulement, il s'agit encore d'un concept formel de phénomène, du pré-concept phénoménologique de phénomène done.
17 Die Grundbegriffe der Metaphysik, p. 425.
18 Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs, dans Gesamtausgabe, vol. 20 : Marburger Vorlesung, Sommetsemester 1925, Francfort, Klostermann, 1979, p. 117 (ma traduction).
19 Pour l'interprétation heideggérienne du noein aristotélicien, voir, entre autres, l'opuscule de 1923 intitulé Interprétations phénoménologiques d'Aristote (trad.franç, par J.-F. Courtine, Mauvezin, Trans-Europ-Express, 1992), qui devait servir d'introduction à un ouvrage sur Aristote. Voir aussi Platon: Sophistes, dans Gesamtausgabe, vol. 19 : Marburger Vorlesung, Wintersemester 1924–1925, Francfort, Klostermann, 1992; trad, franç, par Courtine, Jean-François, Platon, Sophistes, Paris, Gallimard, 2001Google Scholar. Il est par ailleurs intéressant de noter que Heidegger emploie aussi l'expression Vernehmenlassen (littéralement, «faire-percevoir») pour dire Sehenlassen (Sein und Zeit, §7B, p. 34).
20 Ibid., §7B, (respectivement) p. 33 et 34.
21 Heidegger écrit: «La “verite” de l'aisthesis et de la vision des “idées” est le découvrir originaire» (ibid., §44b, p. 226).
22 Ibid., §33, p. 154 (pour les deux passages).
23 Cf. ibid., §4, p. 13; §7C, p. 37; §18, p. 85 et §66, p. 333.
24 Ibid., (respectivement) §32, p. 149 et §69b, p. 363 (cités tous deux plus haut).
25 Ibid., §31, p. 146.
26 Ibid.
27 Cf. ibid., §63, p. 311.
28 Cf. Logik. Die Frage nach der Wahrheit, dans Gesamtausgabe, vol. 21 : Marburger Vorlesung, Wintersemester 1925–1926, Francfort, Klostermann, 1979, p. 146. Je traduis les passages tirés de ce cours.Google Scholar
29 Cf. ibid., p. 12 sqq.
30 La formule «auf den Begriff bringen» apparaît pour la première fois dans Être et temps (p. 312). Il faut cependant attendre le cours du semestre d'hiver de 1927–1928 pour voir comment l'expression naît de l'interprétation phénoménologique de la distinction kantienne entre les modes analytique et synthétique du concevoir (Phänomenologische Interpretation von Kants Kritik der reinen Vernunft, dans Gesamtausgabe, vol. 25 : Marburger Vorlesung, Wintersemester 1927–1928, Francfort, Klostermann, 1977, p. 285Google Scholar sq.; trad, franç, par Emmanuel Martineau, Interprétation phénoménologique de la Critique de la raison pure de Kant, Paris, Gallimard, 1982).
31 Kant, Kritik der reinen Vernunft, Hambourg, Felix Meiner, 1990, A79/B104; trad franç, par A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, PUF (Quadrige), 1993, p. 93; j'ai légèrement modifié la traduction.
32 Heidegger, Phänomenologische Interpretation von Kants Kritik der reinen Vernunft, p. 286.
33 Kant, Kritik der reinen Vernunft, A79/B103; trad. Franç., p. 92.
34 Cf. Heidegger, Phänomenologische Interpretation von Kants Kritik der reinen Vernunft, p. 285 sq.
35 Et void ce que Kant affirme au commencement du §10: «La Logique générale fait abstraction, comme il a été déjà dit plusieurs fois, de tout contenu de la connaissance et attend que des représentations lui soient données d'ailleurs, d'où que ce soit, pour les convertir d'abord en concepts, ce qui se fait analytiquement » (Kritik der reinen Vernunft, A76/B101; trad, franç., p. 92).
36 Sein und Zeit, §63, p. 312.
37 Logik. Die Frage nach der Wahrheit, p. 410, note 1. Pour ajouter aux problèmes soulevés plus haut quant à la distinction entre les deux types de saisie (ontique et ontologique), notons que Heidegger emploie le même terme — Umstellung — dans Être et temps pour désigner le passage de l'affairement avec l'étant à sa saisie : «Le voir pur et simple des choses les plus proches dans l'avoir affaire avec… inclut si originairement la structure d'explicitation que la saisie de quelque chose comme-libre [als-freie], pour ainsi dire, a justement besoin d'une certaine transposition [Umstellung]» (§32, p. 149).
38 Die Grundbegriffe der Metaphysik, p. 428 sq.
39 Au long, voici ce que Heidegger en dit: «Dans l'indication [Anzeichen] ou dan le signe précurseur, “ce qui vient” “se montre”, mais non pas au sens d'un eétant seulement survenant qui ad-viendrait à ce qui est déjà sous-la-main; ce “qui vient” est quelque chose à quoi nous nous préparons, ou “à quoi nous ne nous attendions pas”, “qui nous prend au dépourvu” parce que nous nous consacrions à autre chose» (Sein und Zeit, §17, p. 80).
40 Ibid., §32, p. 153.
41 Ibid., §17, p., 80.
42 Heidegger écrit: «Sans doute l'on peut toujours dire ontiquement de cet étant [c'est-à-dire du Dasein] que “je” le suis. Et pourtant, l'analytique ontologique qui fait usage de tels énoncés doit les soumettre à des réserves fondamentales. Le “Je” ne peut être compris qu'au sens d'une indication formelle non contraignante de quelque chose qui, pour peu qu'on le rétablisse dans le contexte phénoménal d'être où il prend place à chaque fois, est peut-être appelé à se dévoiler comme son “contraire”» (ibid., §25, p. 116).
43 Respectivement, ibid., §34, p. 161 (pour les deux premières citations); Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs, p. 370 et 373; Logik. Die Frage nach der Wahrheit, p. 151, 151 et 152. Trois remarques s'imposent. D'abord, il ne faut pas confondre ici les deux niveaux d'«expression» : il y a d'une pattausdrücken qui, au niveau du discours, signifie «expliciter» et, d'autre part, aussprechen qui, au niveau du langage, signifie «parler». Ensuite, Sprache a tantôt le sens plus large de langage (par exemple, «être-exprimé du discours»), tantôt celui plus étroit de langue (par exemple, «tout d'ébruitements»). Et, enfin, Verlautbarung vient traduire le terme grec phônê (dans phônê sêmantikê, par exemple). On remarquera, par ailleurs, que la conception de Heidegger suit le sens de la distinction entre être ou accomplissement d'être (discourir) et étant (langage).
44 Die Grundbegriffe der Metaphysik, p. 430.
45 Logik. Die Frage nach der Wahrheit, p. 410.
46 Die Kategorien- und Bedeutungslehre des Duns Scotus, Fruhe Schriften, dans Gesamtausgabe, vol. 1, Francfort, Klostermann, 1978, p. 334; trad. Franç, par Gaboriau, Florent, Traité des catégories et de la signification chez Duns Scot, Paris, Gallimard, 1970Google Scholar. Cf. aussi Sein und Zeit, §20, p. 93.
47 Sein und Zeit, §20, p. 93.
48 Dans un recent article («How Heidegger Defends the Possibility of a Correspondance Theory of Truth with Respect to the Entities of Natural Science», http://socrates.berkeley.edu/%7Ehdreyfus/html/papers.html, 2001), Hubert L. Dreyfus interprète le concept d'indication formelle dans le cadre d'une réflexion sur le discours des sciences naturelles. Il voit en cette conception une façon de rendre compte de la possibilité d'établir la référence d'un terme à un genre naturel (natural kind) sans pour autant connaître les caractéristiques essentielles de ce dernier. Lien sur lequel peut ensuite s'établir une conception réaliste de la vérité comme correpondance entre discours et réalité. Il appuie cette interprétation sur un passage tiré d'un cours, qu'il traduit comme suit: «The empty meaning structure [of the formal designator (Anzeige)] gives a direction towards filling it in. Thus a unique binding character lies in the formal designator; I must follow in a determinate direction that, should it get to the essential, only gets there fulfilling the designation by appreciating the nonessential » (Phänomenologische Interpretation zu Aristoteles, dans Gesamtausgabe, vol. 61, Francfort, Klostermann, 1985, p. 33). Ce faisant, Dreyfus néglige complètement le fait que Heidegger a conçu l'indication formelle comme discours phénoménologique, c'est-à-dire, précisément, comme discourse à propos de ce qui ne se laisse pas saisir comme une entité. En fait, pour Heidegger, le discours scientifique pris en lui-même ne pose pas réelement problème, au contraire : les sciences naturelles investiguent, analysent et déterminent des étants sous-la-main, done saisissables. Dreyfus a cependant le mérite de mettre au jour un présupposé, à savoir que selon la lettre de la conception heideggérienne, un lien référentiel pour ainsi dire fixe lierait l'indication au phénomène et ce, par-devers la phénoménalité du phénomene, c'est-adire comme si le phénomène qu'elle indique était un étant, comme si on pouvait fixer l'identité du phénomène en lui-même.
49 Dans le cours Les concepts fondamentaux de la métaphysique, Heidegger affirme d'ailleurs que les concepts philosophiques ne sont pas isoles; ils ont, dit-il, «le caractère du renvoi l'un à l'autre [Verweisung des einen auf den anderen]» (Die Grundbegriffe der Metaphysik, p. 432).