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L'histoire et sa théorie
Published online by Cambridge University Press: 05 May 2010
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À Quelles conditions générales doit s'astreindre une épistémologie de l'histoire si elle veut réellement construire une théorie adéquate à la complexité de son objet? Dans l'énoncé même de cette question s'exprime, bien entendu, un jugement sur ce que les analyses épistémologiques de l'histoire ont, jusqu'à présent, généralement fourni. Ces analyses renvoient à des conceptions différentes des conditions générales d'une épistémologie de l'histoire. Nous nous proposons:
(1) d'examiner ces conceptions;
(2) d'avancer quelques propositions concernant les conditions générales d'une épistémologie de l'histoire plus féconde et plus adéquate à son objet.
- Type
- Articles
- Information
- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 15 , Issue 4 , December 1976 , pp. 608 - 623
- Copyright
- Copyright © Canadian Philosophical Association 1976
References
1 cet article était déjà rédigé, lorsque nous avons pu lire dans Dialogue la remarquable étude critique de Silvain Auroux «Qu'est-ce que l'épistémologie?». Nous renvoyons le lecteur à cette étude pour la discussion de certains points qui ne sont, ici, qu'esquissés. (Sylvain Auroux, «Qu'est-que l'épistémologie?». Dialogue, juin 1976).
2 L'analogie entre science et linguistique que suppose ce modéle d'épistémologie descriptive a été suggérée par Chomsky, et reprise par Scheffler. (Cf. Chomsky, Noam, «The Logical Structure of Linguistic Theory», Cambridge, Mass., MIT Press, 1955, chap. 3Google Scholar; Syntactic Structures, Paris — The Hague, Mouton, 1968, pp. 14, 49 et 50Google ScholarScheffler, Israel, The Anatomy of Science, New York, Alfred A. Knopf, 1963, Intr.)Google Scholar.
3 Une deuxiéme variante d'épistémologie normative serait représentée par toutes les interventions qui ne se restreignent pas à la forme ou à la « grammaire» du langage scientifique mais portent aussi, et surtout, sur les contenus théoriques mêmes. On peut considérer toutes les formes de réductionnisme naturaliste dans les sciences sociales comme des cas d'interventions normatives de cette espéce.
4 Hempel, Carl, «The Function of General Laws in History», Journal of Philosophy, 39 (1942)Google Scholar.
5 Hempel, Carl. Explanation in Science and in History». in: Colodny, R.C. (ed.). Frontiers of Science and Philosophy, 1962, PittsburgGoogle Scholar.
6 Popper, Karl, Misère de I'historicisme, Plon, Paris, 1956, p. 142Google Scholar.
7 Popper, Karl, The Open Society and Its Enemies, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1966, Vol. II, pp. 64/65Google Scholar
8 C'est la conclusion à laquelle arrive A. Child après avoir montré que cette explication «historique» consiste dans une tautologie «réductive» et inutile, (cf. Child, Arthur, «Thoughts on the Historiology on Neo-Positivism», The Journal of Philosophy, LVII, 20–21 (1960)Google Scholar.
9 Scriven, M., «Truisms as the Grounds for Historical Explanations», in: Gardiner, P. (ed.). Theories of History, New York, Free Press of Glencoe, Inc, 1959Google Scholar.
10 Rescher, N. — Helmer, O., «On the Epistemology of Inexact Sciences», Management Sciences, VI, 1 (1959)Google Scholar.
11 Allan Donagan, «Explanation in History», in: P. Gardiner (ed.), Theories of History, ibid.
12 Cf. Barthes, Roland, «Introduction a l'analyse structurale des recits». Communications, 8 (1966) p. 10CrossRefGoogle Scholar«Le discours de l'histoire», Information sur les sciences sociales, 6, 4 (1967), p. 73Google Scholar.
13 Le discours interprétatif est généralement associé à une démarche de type herméneutique. Cependant, lorsque nous utilisons l'expression «épistémologie interprétative» nous ne supposons aucune demarche de ce genre et l'expression comporte une signification semblable à celle qui se trouve chez Bunge, dans la classification des concepts scientifiques selon leur fonction. Dans cette classification, les concepts interprétatifs sont des concepts non-formels qui se présentent dans I'interprétation de descriptions et qui appartiennent à une théorie. C'est par ces caractéristiques qu'ils se distinguent des concepts descriptifs et prescriptifs. (Cf. Bunge, Mario, Scientific Research I: The Search for System, Springer Verlag, New York Inc., 1967, par. 2.6)CrossRefGoogle Scholar.
14 Remarquons que si nous utilisons les majuscules pour distinguer l'objet reel, objectif «Histoire» de l'histoire en tant que discours sur cet objet reel, objectif. c'est parce que nous ne disposons, en français — ni, par ailleurs, semble-t-il, dans aucune autre «grande» langue moderne (allemand, anglais, espagnol. italien, russe, etc.) que d'un seul terme. II s'agit, à premiére vue, d'un fait linguistique étrange sur lequel déjà Hegel s'était penché: «L'histoire, affirme Hegel, réunit dans notre langue et le cóté objectif et le côté subjectif, et signifie aussi bien I'historiam rerum gestarum que les res gestas, elles-mêmes: elle est ce qui s'est passé, non moins que la narration historique», et cette synthèse des deux significations dans un seul mot n'était pas, pour Hegel, un «hasard superficiel», mais correspondait à une nécessité d'ordre supérieur. (Cf. Hegel, G.W.F., Sämtliche Werke, ed. , Glockner, Stuttgart, 1928)Google Scholar.
15 Cf. Roland Barthes, «Le discours de l'histoire», ibid.
16 Cf. Dray, William, Laws and Explanation in History, Oxford, (1957. chap. V)Google Scholar.
17 Certes, plusieurs travaux ont été consacrés à ce qu'on peut considérer comme des modalités de conceptualisation de l'Histoire — ou comme des «paradigmes» scientifiques —, à savoir, par exemple, l'«individualisme» méthodologique et le «holisme» ou «collectivisme» méthodologique. Certes, des épistémologues de l'histoire ont constaté à plusieurs reprises l'existence de différentes théories de l'Histoire — la théorie «conspirative», la théorie «du conflit », la théorie «révisionniste», etc. On peut cependant remarquer:
(a) La pauvreté relative de ces analyses: il y a plusieurs formes d'«individualisme» et de «holisme» méthodologiques ainsi que, par ailleurs. d'autres possibilités — le «systémisme». par exemple;
(b) L'absence presque complète d'analyses portant sur les relations R1 et R2;
(c) L'absence complète d'analyses portant sur les relations R1 et R2, R3 et R4. Ainsi. par exemple, des discussions assez sophistiquees se sont engagées autour de la notion d'explication «rationnelle» proposée par W. Dray mais l'idée n'est venue à personne — à commencer par W. Dray lui-même — d'examiner à quelle modalité de conceptualisation de l'objet de l'histoire répondrait une telle forme d'explication. On aurait pu voir alors qu'il ne s'agit pas d'une forme d'explication mais d'une classe complexe d'explications dont chaque variante répond à une conceptualisation particuliére de cet objet. De sorte que la discussion autour de la «vraie» forme de ces explications se serait avéréc parfaitement inutile.
18 Dans les épistémologies de l'histoire néo-positivistes ou d'origine positiviste, des analyses de cette double dimension sont inexistantes: l'analyse vise généralement la reconstruction de la «grammaire» du discours historique et. parfois, l'examen des différentes théories de l'histoire. Elles se restreignent done à la seule dimension «gnoséologique» du discours. La théorie marxiste s'est attachée, par contre, à l'examen de la dimension idéologique mais fournit peu d'indications sur la relation entre forme du discours historique et effet ideéologique.
19 Nous avons développé ce point dans: «Con?icto de paradigmas y analisis filosofico de las ciencias sociales», Revista Latinoamericana de Filosofia, 1, 3 (1975).