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Les pratiques pseudo-scientifiques (à propos de similarités et de différences)
Published online by Cambridge University Press: 05 May 2010
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L'astrologie, affirme Francis Bacon, «est tellement infectée de superstitions qu'on a peine à y trouver quelque chose de sain». A la différence de l'astronomie, qui est «assez bien fondée sur les phénomènes; mais [qui] s'élève peu, et manque tout à fait de solidité», Bacon estime que l'astrologie «en bien des choses … manque même de fondement». Tout en soulignant que certaines parties doivent en être retenues et épurées, Bacon en rejette l'essentiel comme «extravagances astrologiques». Mais comment au juste l'astronomie se différencie-t-elle de l'essentiel de l'astrologie? Que veut dire Bacon lorsqu'il affirme que l'astrologie est sans fondement et remplie de superstition? Le problème philosophique tient à ce que, en dépit de la vraisemblance des remarques de Bacon, il ne semble y avoir aucun moyen satisfaisant pour distinguer des parodies de science de la science authentique. Science et pseudoscience diffèrent en espèce, pense-t-on, mais la réflexion philosophique semble révéler qu'au mieux elles diffèrent en degrés.
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- Articles
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 22 , Issue 2 , June 1983 , pp. 239 - 251
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 1983
References
1 Bacon, F., De la dignité et de l'accroissement des sciences, dans Riaux, M. F., éd., Oeuvres de Bacon (première série; Paris: Charpentier, 1849), 159Google Scholar. Les citations qui suivent sont tirées des pages 157 et 165.
2 Popper, K. R., Conjectures and Refutations (New York: Harper & Row, 1963), 37Google Scholar. Popper, on doit le remarquer, pose souvent le problème comme celui de démarquer la science de la métaphysique. Mais, ce faisant, il se crée des difficultés, puisqu'il tient aussi à opposer métaphysique et pseudo-science. (A ce sujet, cf. également la note 8 ci-dessous.)
3 Sagan, C., «An Analysis of Worlds in Collision», in Goldsmith, D., ed., Scientists Confront Velikovsky (Ithaca: Cornell University Press, 1977), 41–104Google Scholar, et Grünbaum, A., «How Scientific is Psychoanalysis?», in Stern, R., Horowitz, L. S. et Lyons, J., eds., Science and Psychotherapy (New York: Haven Publishing, 1977), 219–254.Google Scholar
4 Laudan, L., «The Demise of the Demarcation Problem», section 5 (à paraître).Google Scholar
5 Ibid., 13.
6 Dewey, J., Human Nature and Conduct (New York: Modern Library, 1922), 239Google Scholar. Cf. aussi Dewey, J. et Tufts, J. H., Ethics (édition révisée; New York: H. Holt, 1936), 304–312.Google Scholar
7 Dans cet exemple et ceux qui suivent, mon point sera qu'une certaine théorie, suivant la caractérisation qu'en donnent ses critiques, est structurellement inadéquate. Je serais le premier à reconnaître que les caractérisations elles-mêmes sont extrêmement contestables.
8 Cf. Paterson, C., Evolution (London: British Museum [Natural History], 1978), 147Google Scholar. Patterson, comme Popper, tente d'atténuer cette assertion radicale en qualifiant la théorie darwinienne de programme de recherche métaphysique. (Cf. ibid., 149.) Mais si nous pouvons procéder ainsi dans le cas de Darwin, pourquoi pas dans les cas de Marx, Freud, Velikovsky et les autres?
9 Andreski, S., Social Science as Sorcery (London: Andre Deutsch), 61Google Scholar. Cf. aussi Mills, C. Wright, The Sociological Imagination (New York: Oxford University Press, 1959), 25–33.Google Scholar
10 Comparez aussi les rôles que la«résistance»et les«préjugés» de classe sont souvent dits jouer dans la psychanalyse et le marxisme.
11 Popper, , Conjectures and Réfutations, 37Google Scholar. La discussion selon Popper est en quelque sorte moins claire queje ne l'ai rendue. Dans le cas de la psychanalyse, par exemple, Popper passe de l'analyse de la théorie même à l'analyse de ce qui a été «discussed or agreed upon by analysts», et il soutient que l'emploi par l'analyse de concepts tel «ambivalence» rend «difficult if not impossible (for them) to agree upon (criteria of refutation)» (cf. ibid.). Ici et ailleurs (cf. par ex., Popper, K. R., Unended Quest [La Salle: Open Court, 1976], 41–43Google Scholar), Popper fait peu attention aux différences entre théories, attitudes et méthodes pseudo-scientifiques.
12 Une telle conception se fait jour dans l'oeuvre de Popper. Cf. aussi la note 11 ci-dessus et la remarque d'Imre Lakatos suivant laquelle Popper soutient que: «a theory is ‘scientific’ if one is prepared to specify in advance a crucial experiment (or observation) which can falsify it, and it is pseudoscientific if one refuses to specify such a ‘potential falsifier’» (Lakatos, I., The Methodology of Scientific Research Programmes [Cambridge: Cambridge University Press, 1978], 3CrossRefGoogle Scholar, les italiques sont ajoutées).
13 Cf. Gardiner, M., Fads and Fallacies in the Name of Science (New York: Dover, 1952), chap. 1.Google Scholar
14 Cf. Kuhn, T., The Structure of Scientific Revolutions (2e édition; Chicago: Chicago University Press, 1970), 181–187Google Scholar; Lakatos, , Scientific Research Programmes, 47–51Google Scholar; Laudan, L., Progress and Its Problems (Berkeley: University of California Press, 1977), 78–81.Google Scholar
15 On pourrait suggérer qu'un énoncé pseudo-scientifique est tout énoncé qui est ou peut être incorporé à une pratique pseudo-scientifique. Mais cela mène à des difficultés, parce que les pratiques pseudo-scientifiques comprennent maintes assertions non pseudo-scientifiques et que pour toute assertion donnée, il y a toujours une pratique pseudo-scientifique à laquelle elle puisse être incorporée.
16 Pour ce type de critique de l'homéopathie, cf. Cioffi, F., «Freud and the Idea of a Pseudo-Science», in Cioffi, F. et Berger, R., eds., Explanation in the Behavioural Sciences (Cambridge: Cambridge University Press, 1970), 472–473Google Scholar. Remarquons qu'ici l'homéopathie diffère de pratiques scientifiques nouvelles, incontrôlables. Celles-ci se trouvent simplement être incontrôlables, tandis que l'homéopathie est en principe incontrôlable suivant les techniques normales. Dans un cas, les hypothèses auxiliaires qui rendraient la pratique testable, sont censées exister, tandis que dans l'autre leur existence est explicitement exclue.
17 On pourrait arguer que le compte rendu de la pseudo-science que présente cet article s'effondre si une analyse a posteriori est normalement requise avant l'évaluation a priori. Car cela semble indiquer qu'il n'y a pas de réelle différence entre critique prospective et critique rétrospective? Toutefois, si cela était—par un raisonnement semblable—des phrases contradictoires ne pourraient également être évaluées que rétrospectivement. La difficulté s'efface une fois qu'on s'est aperçu que la conception de l' a priori dont nous avons besoin n'est pas la notion absolue du philosophe, mais la notion relative plus commune d' «être antérieur à l'investigation empirique».
18 Ceci ne revient pas à nier que certaines pseudo-sciences (par exemple, la Scientologie) engendrent fréquemment dommage et souffrance. Il est évident que la pseudo-science, comme la science même, peut avoir des conséquences désastreuses.
19 Dans la préparation de cet article, j'ai tiré profit des commentaires d'Hilliard Aronovitch, de Larry Laudan, de Rachel Laudan et d'un lecteur de cette revue.
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