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La philosophie du langage de Wittgenstein selon Michael Dummett*

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Denis Sauvé
Affiliation:
Cégep de Saint-Hyacinthe

Abstract

According to Michael Dummett, Wittgenstein rejects in the Philosophical Investigations the “realist” approach of the Tractatiu, and replaces it with the idea that meaning is “use”; Wittgenstein, Dummett holds, draws the “metaphysical consequences” of this by subscribing to a form of non-realism. In this paper I defend a version of Dummett's point that the Tractarian semantics is replaced in the Investigations by the notion that meaning is use, but I criticize his contention that Wittgenstein, as a consequence, subscribes to some variety of metaphysical non-realism.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1998

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References

Notes

1 «Wittgenstein's Philosophy of Mathematics», dans Pitcher, G., dir., Wittgenstein : The Philosophical Investigations, Garden City, NY, Doubleday, 1966, p. 446447.CrossRefGoogle Scholar

2 Les abréviations pour les references aux écrits de Wittgenstein seront les suivantes: «T» pour Tractatus logico-philosophicus, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1961Google Scholar; «PU» pour Philosophische Untersuchungen, texte établi par Anscombe, G. E. M. et Rhees, R., Francfort, Suhrkamp, 1969Google Scholar; «BB» pour The Blue and the Brown Books, Oxford, Blackwell, 2e éd., 1969Google Scholar; «WLC» pour Wittgenstein's Lectures, Cambridge 1932–35, texte établi par Ambrose, A., Chicago, University of Chicago Press, 1982Google Scholar; «PG» pour Philosophische Grammatik, texte établi par Rhees, R., Francfort, Suhrkamp, 1969Google Scholar; «Z» pour Zettel, texte établi par Anscombe, G. E. M. et von Wright, G. H., Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1967Google Scholar; «LSDPE» pour «The Language of Sense Data and Private Experience (Notes Taken by R. Rhees of Wittgenstein's Lectures, 1936)», dans Ludwig Wittgenstein : Philosophical Occasions, 1912–1951, textes établis par Klagge, J. et Nordmann, A., Indianapolis et Cambridge, Hackett, 1993.Google Scholar

3 Brian McGuinness trouve discutable l'idée que Wittgenstein adopte dans le Tractatus un point de vue réaliste au sens d'un réalisme sémantique du type de celui de Frege. Cf. «The So-called Realism of Wittgenstein's Tractatus», dans Block, I., dir., Perspectives on the Philosophy of Wittgenstein, Cambridge, MA, MIT Press, 1981. Cf. ci-dessous note 9.Google Scholar

4 Dummett, M., The Logical Basis of Metaphysics, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1991, p. 305.Google Scholar

5 Dummett, M., Origins of Analytical Philosophy, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1994, en particulier p. 162166.Google Scholar

6 Ibid., p. 162.

7 Ibid., p. 164.

9 Dans «The So-called Realism of Wittgenstein's Tractatus», McGuinness conteste l'interprétation voulant que Wittgenstein adopte dans le Tractatus un point de vue réaliste du type du réalisme «classique» de Frege. La raison est apparemment la suivante. Dans le Tractatus, dit McGuinness, les objets simples auxquels renvoient les signes figurant dans les propositions complètement analysées constituent leur «domaine de référence». McGuinness pose la question: si «[ces] objets sont requis par la theorie du langage de Wittgenstein, pourquoi ne lé'appellerions-nous pas un réaliste vis-à-vis eux?» (p. 72) et repond : «[…] les objets de Wittgenstein ne sont pas des objets concrets don't on puisse dire de facon sensée qu'ils existent ou non» (p. 72). En effet une conséquence de leur simplicité est qu'«ils sont communs a tous les mondes possibles. Ils forment la substance du monde ou la forme du monde. Ils sont ce qu'il y a d'inaltérable et de persistant (bestehend) tandis que la configuration des objets, les etats de choses, est ce qui varie d'un monde possible à l'autre» (p. 62). Et, dit McGuinness, il ne peut y en avoir d'«expérience» au sens habituelou de «connaissance par familiarité» (acquaintance) (p. 72) : ils sont, «eti epekeina tes ousias (au-delà de l'être) et par conséquent cela prête a confusion de considérer Wittgenstein comme un réaliste à leur egard» (p. 73). Il ne fait pas de doute, du moins il me semble, que la semantique du Tractatus est une sémantique «réaliste» (référentialiste): si les objets auxquels réfèrent les signes dans les propositions complètement analysées sont tels que les décrit McGuinness, Wittgenstein est «réaliste» a leur égard bien qu'il n'y ait pas à proprement parler selon lui d'«expérience» de ces objets. On peut évidemment demander — c'est la question soulevée par McGuinness — comment concevoir une référence à des objets tels que ceux-là, une question à laquelle cependant Wittgenstein ne répond pas dans le Tractatus. On peut voir ici une lacune ou une difficulté dans le système du Tractatus, mais je ne pense pas que cela suffise pour mettre en doute le realisme de Wittgenstein.

10 On pourrait citer également ce passage : «À première vue, il peut sembler […] que nous avons ici deux sortes de mondes, des mondes construits à partir de différents matériaux; un monde mental et un monde physique. Le monde mental tend en fait à être imaginé comme un monde gazeux ou, plutot, éthéré. Mais permettez-moi de vous rappeler le rôle étrange que le gazeux et l'éthéré jouent en philosophie, — lorsque nous nous rendons compte qu'un substantive n'est pas employé comme ce que nous appellerions en général le nom d'un objet et lorsque, par consequent, nous ne pouvons nous empêcher de nous dire qu'il s'agit du nom d'un objet éthéré. Je veux dire que nous connaissons déjà l'idee d'«objets éthérés» comme échappatoire lorsque nous sommes dans l'embarras à propos de la grammaire de certains mots et quand tout ce que nous savons est qu'ils ne sont pas employés comme noms d'objets matériels. Ceci renferme déjà une allusion à la façon dont va se dissoudre le problème des deux matériaux, l'esprit et la matièren (BB, p. 47).

11 Wittgenstein et le cercle de Vienne, d'après les notes de F. Waismann, texte établi par McGuinness, B., trad, par Granel, G., Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1991, p. 78 (trad, modifiée).Google Scholar

12 Ibid., p. 127 (trad, modifiée).

13 Cf. BB, p. 103 : «[…] ce qui caractérise un ordre en tant tel ou une description en tant que telle […] est le role que [son] énonciation […] joue dans la pratique […] du langage». Cf. aussi PU, §21.

Au sujetde la relation interne qui existe selon Wittgenstein entre la signification d'une expression et ce que peut observer un interprète (ou traducteur) radical sur les circonstances de son emploi, cf. mon article, «Interprétation, signification et “usage” chez Wittgenstein», Dialogue, vol. 35, no4 (1996), p. 735752.CrossRefGoogle Scholar

14 On peut noter une autre difference : s'il est d'une certaine façon possible de définir «ostensivement» l'expression «le nombre trois», il est évident que la définition ne consiste pas dans ce cas à prononcer les mots «le nombre trois» en désignant ou en montrant du doigt le nombre en question.

15 Une conception des états mentaux proche de celle de Wittgenstein est, je pense, celle de Baker, Lynne Rudder dans Explaining the Attitudes: A Practical Approach to the Mind, Cambridge, Cambridge University Press, 1995CrossRefGoogle Scholar. Cf. en particulier chaps. 6–8.

16 Wittgenstein suggère une analogie : on peut imaginer que, dans un contexte différent du contexte courant, la cérémonie de couronnement d'un roi ait une signification complètement différente de celle qu'elle a pour nous — ou même qu'elle n'ait aucune signification — si elle a lieu par exemple dans une contrée oùl'or est un métal peu dispendieux, où le tissu de la robe du roi est facile à confectionner, etc. (cf. PU, §584).

17 Mon interpretation est proche de celle de Baker, G. P. et Hacker, P. M. S. (dans leur ouvrage, Wittgenstein : Meaning and Understanding, Oxford, Blackwell, 1980, entre autres p. 635)Google Scholar. Dans Wittgenstein on Meaning (Oxford, Blackwell, 1984)Google Scholar, C. McGinn par contre écrit : «[…] il est clair que [Wittgenstein] ne pense pas qu'il est faux de décrire la comprehension [l'attente, l'espoir, etc.] comme des états [ou des processus]. Cela va à l'encontre de l'une des thèses majeures de l'exegese de G. Baker et P. Hacker dans Wittgenstein : Meaning and Understanding […]» (p. 107). McGinn cite les paragraphes 572 et 573 des Recherches et remarque : «Ainsi Wittgenstein ne s'objecte pas réellement à l'emploi du mot “état” pour [désigner] des phénomènes comme ceux mentionnes ici [l'attente, la croyance, l'espoir, etc.] et il ne semble pas y avoir de raison de supposer qu'il ferait exception pour [le cas de la] compréhension. Son objection vise plutôt l'idee que la croyance et la compréhension sont des états de Yesprit et non de la personne : il nous invite à nous en tenir à la pratique ordinaire qui consiste à attribuer ces etats aux individus qui l es ont et non a inventer un autre type d'entite — l'esprit o'u l'âme — comme leur sujet Métaphysique réel» (p. 106–107). La remarque de McGinn paraît juste, mais on peut se demander si Hacker et Baker, dans leur exégèse des Recherches, disent autre chose. En un sens, pour Wittgenstein, il n'y a pas lieu de s'opposerau fait de parler au sujet de la connaissance de l'alphabet de l'«état» de celui qui connaît l'alphabet ni, en ce sens, d'un «état» de croyance ou d'attente. Le problème vient de ce qu'on est tenté de parler à leur sujet d'«états de l'esprit» (ou d'une condition du cerveau ou d'autres états observables [cf. PU, §571]). Wittgenstein, dans le passage que cite McGinn, fait observer que réponder (correctement) à la question «de quoi l'opinion est-elle un état?» en disant: «C'est l'état de telle ou telle personne» ne nous éclaire pas sur l'usage de l'expression «x est de telle ou telle opinion». Des questions qui, dit-il, «pénètrent plus profondément» sont: «Que considérons-nous dans des cas particuliers comme des critères du fait que quelqu'un a telle ou telle opinion? Quand disons-nous : il en est venu a ce moment-la a avoir cette opinion? Quand [disons-nous]: il a change d'opinion? Et ainsi de suite» (PU, sact;573). Dans le paragraphe qui précède, que cite également McGinn, il écrit: «L'attente est grammaticalement un état [un état au sens de la grammaire courante]; tel que : être de [telle ou telle] opinion, esperer quelque chose, savoir quelque chose, pouvoir faire quelque chose». II ajoute : «Mais pour comprendre la grammaire de ces etats [ici, semble-t-il, leur grammaire philosophique, c'est-à-dire l'usage de l'expression], on doit demander : “Qu'est-ce qui compte comme critère [pour etablir] que quelqu'un se trouve dans cet etat?”». Autrement dit, «x est de telle ou telle opinion» réfère suivant la grammaire courante à un état — comme (disons) «temps» réfère au temps ou «trois» a un nombre — mais on comprend l'usage, la grammaire philosophique, de cette expression en se rappelant les critères pour établir que quelqu'un est de telle ou telle opinion (cf. également Hacker, P. M. S., Wittgenstein : Meaning and Mind, Oxford, Blackwell, 1990, p. 261).Google Scholar

18 M. Dummett, The Logical Basis of Metaphysics, p. 305.

19 M. Dummett, Origins of Analytical Philosophy, p. 164.

20 Wittgenstein fait remarquer dans un cours: «Un nom que nous associons à une chose peut avoir toutes sortes de fonctions différentes. Le nom d'un diamant, Koh-i-noor, n'a pas la même fonction que le nom d'une personne. Je peux appeler une personne en employant son nom mais je ne peux pas en faire autant avec le nom d'un diamant. Pour attribuer un nom à une personne, je dois donner [un son, une inscription] enrapport avec des conventions pour son usage» (LSDPE, p. 292).