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Interprétations anciennes du fragment 62 d'Héraclite

Published online by Cambridge University Press:  09 June 2010

Jean Pépin
Affiliation:
Conseil National de la Recherche Scientifique, Paris

Extract

Dans un contexte que l'on verra dans un moment, l'hérésiologue Hippolyte attribue à Héraclite les mots suivants: θνατoι θνητo, θνητo θνατoι, ζντεs τòν κεἰνων θνατoν, τòν, δ κεἱνων βoν τεθνετεspour ne rien préjuger de leur sens, il faut les traduire aussi littéralement que possible: « immortels mortels, mortels immortels, vivant la mort de ceux-là, mourant la vie de ceux-là » ; toutefois, on ne prend pas un grand risque en introduisant une copule entre le premier et le deuxième mot, entre le troisième et le quatrième, et en supposant une liaison causale entre les deux parties du fragment; on aurait alors, rejoignant à peu près la traduction proposée par Diels: « les immortels sont mortels, les mortels sont immortels, car la vie des uns est la mort des autres, et la mort des uns est la vie des autres. »

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Copyright © Canadian Philosophical Association 1970

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References

1 Héraclite, B 62 Diels-Kranz, I, p. 164, 9–10, Hippolyte, Eknchos IX 10, 6.

2 Parmenides unddie Geschichte der griechischen Philosophie, Bonn 1916, p. 195196Google Scholar.

3 Ainsi Kirk, G. S. et Raven, J. E., The Presocratic Philosophers. A Critical History with a Selection of Texts, Cambridge 1964, p. 210Google Scholar; Guthrie, W. K. C., A History of Greek Philosophy, I: The Earlier Presocratics and the Pythagoreans, Cambridge 1962, p. 464 et 478479Google Scholar.

4 Cf. B 88, p. 170, 9–10, = [Plutarque], Consol. ad Apollon. 10: ταυτó τ ἔνι ζν καì τεθνηκós B 77, p. 168, 14–15, = Numénius, testim. 46 Leemans: ζν μs τòν κεíνων [sc: τν φυχν] θs φνχs μτερoν θνατoν; et encore B 21, 26 et 36.

5 Sextus Empir., Hypot. pyrrhon. III 230: 'O ‘O δ ‘Hρκλειτós ωησιν, oτι τó ζν καì τó απoθανειν καí ν τᾥ ζν νμs αναβιυν και ζν.

6 Eraclito. Nnovi studi sull'orfismo, dans « Bibl. di Cultura moderna », Bari 1922, p. 8794Google Scholar.

7 Ainsi θεóι (θεoι) — ᾰνθρωπoι (ᾰνθρωπoι): B 30, 53, 83; θειos — νρ: B 78; δαμων — νρ: B 7g. Cf. O. Gigon, Untersuchungen zu Heraklit, diss. Basel, Leipzig 1935, p. 124–125.

8 Dichtung und Philosophie des frühen Griechentums, München 1962, p. 428 et n. 11.

9 Cf. encore op. cit., p. 539, et 540, n. 5–6. Même interprétation chez Bowra, C. M., Pindar, Oxford 1964, p. 96Google Scholar et n. 1, qui exclut même la possibilité que le second εν signifie ετερoν et aussi chez Bury, J. B., The Nemean Odes of Pindar, Amsterdam 1965, p. 103, note ad loc.Google Scholar

10 Pindare, Ném. VI, str. 1, 1–11; sauf pour le début, je recopie, à de minimes changements près, la trad. d'A. Puech, p. 80; en toute hypothèse, ce texte est rythmé par l'affirmation alternée de la parenté et de la dénivellation entre les dieux et les hommes, la seule difficulté restant de savoir si la première idée exprimée concerne l'une ou l'autre. La mère unique est la Terre, cf. Hésiode, Théog. 117, dont s'inspire d'ailleurs le vers 6 de Pindare (à moins que ce ne soit d'Od. VI 42: l'Olympe, résidence des dieux à jamais immuable); le « ciel d'airain » des vers 6–7 vient d'Il. XVII 25. Pour le début, Fränkel compare Hésiode, Trav. 108: ‘Ωs óμóθεν γεγαι θεoì θνητoí ανθρει θεντoí τ’, ανθρωπoι dont l'authenticité est malheureusement controversée. On aura remarqué enfin aux vers 7–9 l'idée que le νoνs humain est à la ressemblance divine.

11 Stobée, Anthol. II 7, 13, éd. Wachsmuth, II, p. 121, 16–21; l'auteur cite les vers 1–3 de Pindare à l'appui de l'existence en nous et de la valeur intrinsèque d'une « bienveillance naturelle » pour tous les hommes; il identifie la « mère unique » non à la Terre, mais à la Nature; cf. A. J. Festugière, Le dieu cosmique, p. 307.

12 [Plutarque], Pro nobil. 20, éd. Bernardakis p. 270, 17–20; la citation est faite à l'appui de la thèse selon laquelle Aπαντεs γρ μειs oí θνητoí υπò τπω των τεν τυγχνoμεν γενóμενoι (ibid., p. 268, 21–23; de même p. 272, 6–7); on sait que le texte grec conservé pour ce traité n'est que la rétroversion tardive et médiocre d'une traduction latine ancienne.

13 Clément D'Alex., Strom. V 14, 102, a, p. 394, 25–395, 4.

14 Schol. uetera in Pind. Nemea, ad VI 1, éd. Abel, p. 173, 10–174, 15: “Ev νρν, εν θεν γνos] κ μαs μντρòs νπρoμεν, φνσí, καí ζμεν τηs Λs oí τε θεoì καì ανθρωτoι. ’Eμφαíν τιν πρòs τoυs θεoυs oι τoν θεoυs τò γνos, καì, ‘Hσíoδos μαρτνρεῖ […] Oντωs εν εωτι θεν καì ανθρωτων τò γνos. À la place des points de suspension, le scholiaste s'explique sur le témoignage d'Hésiode: à l'aide de citations (Théog. 126–127 et Trav. 60–62), il montre que, par la médiation de Pandore, fiUe d'Héphaistos, Hésiode a établi une généalogie ininterrompue depuis le couple divin initial, Gaia et Ouranos, jusqu'aux hommes d'aujourd'hui.

15 B 76, p. 168, 4–6, = Maxime de Tyr XII 4; cf. les autres textes de B 76, et aussi B 36. B 76 a été suspecté de contamination stoicienne par Kirk et Raven, op. cit., p. 206, n. 1, pour la raison qu'Héraclite n'aurait pas admis l'air au nombre des éléments; voir en sens contraire Guthrie, op. cit., p. 453 et n.2. C'est cette mutation perpéuelle de tous les éléments les uns dans les autres qui a conduit à refuser à Héraclite la thèse de l'κπρωσις, que lui prêtent pourtant les stoïciens; cf. par exemple Jaeger, W., The Theology of the Early Greek Philosophers (« The Gifford Lectures » 1936), Oxford 1947, p. 122123Google Scholar, et W. K. C. Guthrie, op. cit., p. 455–458.

16 Ce point a éte bien mis en lumiere par K. Reinhardt, op. cit., p. 179.

17 On en trouvera la liste à peu près complète dans Eraclito, Frammenti, ed. Walzer, R., collect. « Testi della Scuola norm. sup. di Pisa », 4, Firenze 1939, p. 101102Google Scholar.

18 Cf. O. Gigon, op. cit., p. 123.

19 Lucien, Vit. auct. 14, pour illustrer la tristesse et l'obscurité d'Héraclite, l'imagine répondant ainsi à deux questions de l'acheteur: Tí δ ανθρωπoι — Σεoì θνητoí — Tí δ θεoí — "Aνθρωπoι αθανατoι. Pour montrer que l'énigme a cours chez les philosophes, Maxime de Tyr, Philos. IV 4 h, éd. Hobein, p. 45, 8–9, cite le cas d'Héraclite et l'exemple de la meme sentence: σκóππει καì τòν ‘Hρκ-λειτoν, θεoì, θνητoι, θνητoι, ανθρωπoι (ανθρωπoι est une correction de la seconde main d'un ms., adoptée par les éditeurs, pour θεo que portent les mss. et que conserve Hobein; elle semble nécessaire par comparaison avec les textes de Lucien et du commentateur Héraclite). Enfin, Héraclite, Quaest. homer. 24, 3–4, éd. Buffière, p. 29–30, voulant justifier les allégories d'Homàre par le fait que les philosophes recourent au même tour, invoque le symbolisme théologique de son homonyme, et en cite comme preuve la totalité du fgt 62, bien reconnaissable malgre les variantes: ‘O ‘O γoνυ ωκoτεινòs “Hρκλειτos αωαφ καì δια συμβóλων εiκαζεσθαι δυναμενα θεoλoγεῖ τ φυσικ δι’ ων φηωí · θεoí · [τ’] ανθρωπoι ανθρωπoι, ζωντεs τòν κεíνων θνατoν, θνωκoντεs τν κν κεíνων ζων.

20 Hécube íωη θεoῖσι πλν θò κατθανεῖν μóνoν (sur les lèvres de Polyxène, l a captive d'Ulysse).

21 Fgt 10 c 20 Ross, p. 42, = Cicéron, De fin. II 13, 40: « hominem ad duas res, ut ait Aristoteles, ad intellegendum et ad agendum esse natum quasi mortalem deum ».

22 Cf. Cicéron, De not. deor. II 61, 153 (exposé stoïcien de Balbus): « uita beata [sc.: hominum] […] par et similis deorum, nulla alia re nisi immortalitate […] cedens caelestibus »; Sénèque, De const, sap. 8, 2: « sapiens autem uicinus proximusque diis consistit, excepta mortalitate similis deo ».

23 Sent. 1, éd. Riese, p. 265: « Di essemus, ni moreremur ».

24 Inst. mat. I 10, 5: les philosophes décrivent le sage comme un être qui serait expert achevé dans toutes les connaissances « et, ut dicunt, mortalis quidam deus ».

25 Dion Cassius, Hist., fgt 28, 3, éd. Melber, I, p. 84, notamment: o∂τ’ ανθρωos oνδν αλλo στìν ἢ θεòs θμα θνητòν εχων oντε θεòs αλλo θι η ανθρπos σματos καì δoυτo καì θντos; les signes qui précèdent dépendent étroitement du Tim. 90 ab, notamment pour la station droite propre à l'homme, sa parenté divine, sa qualité de φντòν oυκ εγγειoν ὐρνιoν; Dion Cassius revient brièvement sur la thèse stoïcienne du bonheur divin, supérieur à celui des hommes en cela seul qu'il est immortel, en Hist. LVI 2, 3: nous devons nous consoler de notre mortalité individuelle en songeant à la succession indéfinie des générations, comparable à celle des coureurs de relais qui se passent l'un à l'autre la torche, iν' ν ὡ μóνω τs θεíαs ευδoμoνíαs ᾑττώμiνíαs ᾑττὡμεθα, τoτ' ξ λλλληων θντoν καθιστὠμεθα..

26 Corp. hermet. I (Poimandrès) 12, éd. Nock, p . 10, 17: τν τo πατρòs εἰκòs εἰκóνα εχων; comparer à Gen. 1, 26 et aux exégèses chrétiennes,

27 XI 20, p. 155, 11–13: 'Eν oυν, τòν θεòν νoσo oὺ δυνασ · ταρ ωμoιoν θω óμoíᾡ óμoíω νoντóν p. 155, 16: σεαυτòν ηγηωμ αθνατoν.

28 Asclépius 6, p. 301, 18–19: « magnum miraculum est homo » p. 302, 1–2: « in naturam dei transit, quasi ipse sit deus »; p. 302, 6–7: « diis cognata diuinitate coniunctus est »; p. 303, 9–10: « humanos tantum sensus ad diuinae rationis intellegentiam exornat ».

29 X 25, p. 126, 9–11: τoλμνθεoν ειπεῖν απíγειoν εiνμ θνηθóν τòν δ oυρνιoν θεòν θναoν ανθρωπoν; la référence lointaine au fgt 62 d'Héraclite, très detourné de son sens qui serait probablement physique, est admise par Scott, W., Hermetica, t. II, Oxford 1925, p. 284285Google Scholar; l'hermétiste aurait compris la sentence dans le sens que lui avaient donné les stoïciens; le même historien, p. 284, n. 2, signale à ce sujet plusieurs des textes qui ont été utilisés ci-dessus. Du τoλμημητoν ειπεῖν de l'hermétiste, on rapprochera δεῖ δ θι και θρασυμνóμνoν ειπεῖν de Dion Cassius, fgt 28, 3.

30 XII 1, p. 174, 10–12: τoυs μν θεous θαντoνs <νθρᾡπoνs>, τoνs δ νθρωπoνs θεoνs θνηθos la relation au fgt 62 est notée par Nock, Préf. de l'éd. citée, t. I, p. III, et par Festugière, ibid., p. 186, n. 21, qui ajoutent, après Reitzenstein, que les λóγια d'Agathodémon dévaient deriver d'un recueil d'aphorismes populaires d'Héraclite.

31 Au moins dix-huit, édités sous les numéros 50 à 67 par Diels-Kranz, I, p. 161–165.

32 Hypothèse de K. Reinhardt, op. cit., p. 158–163; Hippolyte, Elenchos VI 9, dit en effet que Simon avait utilisé Héraclite et, sous son influence, détourné de leur sens les mots de Moïse (Deutér. 4, 24) sur Dieu semblable à un feu dévorant; l'Apophasis invoquait aussi Empédocle, cf. VI 11–12.

33 Opinion de Marcovich, M., Hippolytus and Heraclitus, dans Studio, patristica, 7, collect. « Texte und Untersuch. zur Geschichte der altchristl. Literatur », 92, Berlin 1966, p. 255256Google Scholar.

34 Comme le faisait V. Macchioro, op. cit., p. 13–49.

35 Cf. M. Marcovich, art. cit., p. 262.

36 Plusieurs fois exprimee en Elenchos IX 7, 8 et 10.

37 Elenchos I X 10, 11, éd. Wendland, p . 244, 23–245, 1: ρν καì τò αυτó φσκων υπρχιν πατρα καì υòν καλυμενoν.

38 IX I0, 10, p. 244, 16–17: αγνηθos <καìs =, θναθos κα> θνητós 10, 12, p. 245, 7: απoθανóντα καí μ πoθανóνθα.

39 IX I0, 10, p. 244, 17–19: Πs oυχ ‘Hρακλεíιτoυ oí θι τoιoυτoι δειχθησoνται μαθθηταí, <εῖ καì> μ θη θηδε τη λζει διαφθσαs φιλoσóσεσεν ó σκoτειμós.

40 Car elle vient clore chez lui toute une série de réiférences sur l'identité des contraires dans les domaines les plus divers, physique, éthique, technique, etc.; or, en amenant le fgt 62, il prend soin de noter qu'il continue de s'agir du même Sujet: λγει δ óμoλoγoνμνωs τò θνατoν εινθòν καì τò θνητòν θναθiν δι των τoιυτων λóγων · … (IX I0, 6, p. 243, 16–19).

41 Clément D'Alex., Paed. III, 1, 5, p. 236, 21–24.

42 III 1, 1, 5, p. 236, 23–25; dans la dernière proposition, le des mss. (« parce que Dieu le veut») semble préférable à l'inutile correction de Bernays en ἂ (« parce qu'il veut ce que veut Dieu »), du fait que Clément expose plus loin (III 1, 2, 1, p. 236, 28) que le Logos médiateur « mène à bien la volonté du Père » (cf. Joh. 4, 34) en réalisant la divinisation de l'homme.

43 III 1, 2, 1, p. 236, 25–28: ‘Oρθωs αρα ειπεν ’Hρκλειτos · ανθρωπoι θεoí, θεoì · θεòs εν νθρωπω και ó ανθρωπos θεós; on pourrait également entendre: « les hommes sont dieux, les dieux sont hommes ».

44 Cf. O. Gigon, op. cit., p. 124; M. Marcovich, art. Herakkites, dans RE, Supplemtbd. X, 1965, col. 318.

45 Le Logos héraclitéen « selon lequel toutes choses arrivent », qui est « commun » à tous, que les hommes ne comprennent pas, mais devraient écouter, etc.; cf. B 1, 2, 50, 72, etc. et W. K. C. Guthrie op. cit., p. 419–435; les stoïciens, on le sait, reprendront la thèse du Logos commun aux dieux et aux hommes; ils fondent précisément leur communauté sur leur participation au même Logos, cf. Arius Did., Epit.fragm, phys. 29, = SVF II 528, p. 169, 28–29: Koινωνíαν δ’ νπαρχειν [sc.: τoιs θεoιs καì ανθριπiιs] πρòs λληλoυs δι τò λóγoυ μετν, os στι φυσεινóμos; et encore Épictète, Dissert. I, 12, 26: κατα γε τòν λóγoν oνδν χεíρων [sc.: ει] τν θεν oυδ μικρóτερos. On ne peut admettre la traduction trop restrictive d'O. Stählin dans la « Bibliothek der Kirchenväter », II. Reihe, t. 8, 2, Kempten-München 1934, p. 136: « Denn das Denken ist das gleichs ».

46 III 1, 2, 1, p. 236, 28–237, I: μεσíτεs γρ λóγos ó κoινós μφoῖν.