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Habitude, connaissance et vertu chez Spinoza

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Syliane Malinowski-Charles
Affiliation:
Princeton University

Abstract

The goal of this article is to reveal the primal role played by “use” in Spinoza's Ethics. Contrary to appearances, the concept is not linked only to passivity; it is an essential feature of the reinforcement of virtue toward wisdom. Considering that Laurent Bove's analyses of habit within the realm of imagination leave aside the links with adequate knowledge, this article offers an extension of his interpretation in a completely new direction. The new elements are, above all, a demonstration of the place of “use” in the texts where the shift from passivity to activity is concerned, and a new interpretation of intuition in the example of the discovery of the fourth proportional number. In this example, it is argued that intuition is simply a mechanical habituation to truth, thanks to the repetition of acts of reasoning.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2004

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References

Notes

1 Par exemple, il est dit que «les hommes ont coutume de croire…», qu'ils «sont habitués à considérer telle chose de telle manière», etc. L'expression est très fréquente sous ses différentes formes.

2 Le présent texte suivra, de manière générale, la consigne pour les citations établie par les Studia Spinozana. La traduction utilisée est celle de Charles Appuhn pour le Court Traité et l' Éthique (Œuvres de Spinoza, 4 vol., Paris, GF, 19641966Google Scholar), dans laquelle nous corrigeons au besoin affectus par «affect» pour le distinguer d'affectio («affection»), et celle d'Alexandre Koyré pour le Traité de la réforme de l'entendement (Paris, Vrin, 1994).Google Scholar

3 Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 1, 1103a 24–25.

4 H. A. Wolfson est certainement le commentateur qui s'est le plus consacré à montrer la continuité de la philosophie de Spinoza avec la tradition ancienne et médiévale, et chez qui on trouve les plus nombreux rapprochements avec Aristote — continuité et rapprochements souvent excessifs d'ailleurs (cf. Wolfson, Harry Austryn, The Philosophy of Spinoza: Unfolding the Latent Processes of His Reasoning, 2 vol., New York, Schocken Books, 1969Google Scholar). II est remarquable toutefois que Wolfson ne se soit aucunement intéressé à la question de l'habitude chez Spinoza et Aristote.

5 Voir en particulier les articles 16, 21, 42–45, 50–51 et 54 des Passions de l'âme.

6 Bove, Laurent, La Stratégic du conatus. Affirmation et résistance chez Spinoza, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1996Google Scholar; voir p. 19–33.

7 Bove, Laurent, «L'habitude, activité fondatrice de l'existence actuelle dans la philosophic de Spinoza», Revue philosophique de la France et de l'étranger, no 1 (1991), p. 3446Google Scholar. Il est à noter qu'il réserve au terme d'Habitude avec une majuscule la signification de cette puissance organisatrice, voyant dans les habitudes avec une minuscule les effets de cette aptitude unique. Nous ne jugeons toutefois pas nécessaire de conserver cette distinction pour notre propos.

8 Ibid., p. 34.

9 Ibid., p. 37.

10 Voir Laurent Bove, La Stratégie du conatus, p. 223, mais plus largement tout le chapitre VIII («L'État hébreu : éléments pour une seconde théorie de la constitution imaginaire du corps politique», p. 207–239) et les chapitres subséquents, jusqu'à la fin du livre.

11 «Plus on s'efforce à chercher ce qui est utile, c'est-à-dire à conserver son être, et plus on en a le pouvoir, plus on est doué de vertu; et au contraire, dans la mesure oú Ton omet de conserver ce qui est utile, c'est-à-dire son être, on est impuissant» (E 4P20).

12 Le point de vue change avec l'introduction des affects actifs en E 3P56S et E 3P58.

13 Pour une explication de la cohérence de l'introduction du point de vue universel dans l'éthique spinoziste, voir l'article de Tempkine, Pierre, «Le modèle de l'homme libre», Revue de métaphysique et de morale, vol. 99 no4 (1994), p. 437448.Google Scholar

14 Voir notre article «Le salut par les affects : la joie comme ressort du progrès éthique chez Spinoza», Philosophiques, vol. 29, no1 (2002), p. 7387.CrossRefGoogle Scholar

15 TIE §33 : «L'idée vraie (car nous avons une idée vraie) est quelque chose de différent de son idéat».

16 Voir aussi la proposition 45, où l'«enveloppement» de cette idée de l'essence divine est affirmée à propos de toute âme, mais sans la précision de l'adéquation qui, on le sait, caractérise l'âme humaine seule : «Chaque idée d'un corps quelconque, ou d'une chose singulière existant en acte, enveloppe nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu» (E 2P45).

17 «La vérité est norme d'elle-même et du faux […]» (E 2P43S).

18 Pour la critique des facultés, cf. E 2P48S, qui réfute l'existence de facultes «de connaître, de désirer, d'aimer, etc.» en l'âme, en les unifiant toutes dans l'acte de former des idées, seule fonction de l'âme. On comprend d'ailleurs bien ici, par déduction, que les «modes du penser» tels que les affects ne sont que les idées elles-mémes (en tant qu'elles expriment une augmentation ou une diminution de la puissance individuelle, selon la définition des affects en E 3Def3, dont nous reparlerons plus bas).

19 Voir par exemple E 3P56S, E 3AD4Ex, E 3AD29Ex, E 3AD33Ex, E 3AD41Ex et E 3AD48Ex.

20 Matheron, A., «La vie éternelle et le corps selon Spinoza», Revuephilosophique de la France et de l'étranger, no 1 (1994), p. 2740Google Scholar. Voir en particulier p. 34 : «L'essence du mode fini, en tant que réalité ontologique, c'est la propriété qu'a Dieu de devoir nécessairement se donner à lui-m^me ce mode un jour ou l'autre».

21 À l'occasion d'une intervention devant le Groupe de recherches spinozistes et l'Association des Amis de Spinoza le 15 décembre 2001 à l'Université de Paris-Sorbonne, disponible en traduction anglaise : «The Circle of Adequate Knowledge : Notes on Reason and Intuition in Spinoza», dans Oxford Studies in Early Modern Philosophy, sous la dir. de Garber, D. et Nadler, S., Oxford, Oxford University Press, 2003, vol. 1, p. 186219.Google Scholar

22 Robert Misrahi fait la même remarque dans son commentaire du scolie de la proposition 4 d'Éthique V : «Comme l'individu (corps et esprit), le Désir est une réalité unitaire : c'est le méme désir qui se fait actif ou passif, selon qu'il s'élève ou non à la connaissance de soi. La libération des passions est cette transmutation du désir qui passe de la passivité a l'activité, et non pas le refoulement de ce désir» (Spinoza, , Éthique, introduction, traduction, notes et commentaires de Robert Misrahi, Paris, PUF, 1990, note 19, p. 454).Google Scholar

23 La critique qu'adresse Spinoza aux stoïciens dans la préface de la dernière partie de l'Éthique concerne précisément le fait d'avoir tenté d'écraser en l'homme le désir au lieu de simplement l'éclairer.

24 Ce passage est à nos yeux celui, dans toute l'œuvre de Spinoza, où les deux genres de connaissances adéquates sont présentés de la manière la plus cloisonnée l'un par rapport à l'autre, notamment à cause de la structure oppositionnelle entre «croyance» et «connaissance claire», où cette dernière est dèsignée comme la meilleure de toutes.

25 Voir notre explication de l'intuition dans notre thèse de doctorat (Hildesheimer, Georg Olms, à paraître) ou notre article «The Circle of Adequate Knowledge : Notes on Reason and Intuition in Spinoza».

26 Cf. E 2P40S2 : «Outre ces deux genres de connaissance, il y a encore un troisième, comme je le montrerai par la suite, dans ce que nous appellerons science intuitive. Et ce genre de connaissance precède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses».

27 Selon l'expression du Court Traité (KV 2/2 n° 2), déjà citée.

28 Ces recherches ont été menées gr´ce à une bourse d'études postdoctorales du FCAR à l'Université de Montréal (2001–2003) et font suite á notre doctorat obtenu à l'Université d'Ottawa sur Spinoza. Une première version de ce texte a fait l'objet d'une présentation orale dans un séminaire de Paolo Cristofolini à la Scuola Normale Superiore de Pise en mars 2002, et nous tenons à le remercier pour l'accueil qu'il nous a fait ainsi que pour ses conseils. Une version abrégée en a également été présentée au congrès annuel de l'Association canadienne de philosophie à l'Université de Toronto (mai 2002), où il a obtenu le second prix de Dialogue. Nous remercions particulièrement le Fonds de développement académique de l'Université d'Ottawa pour avoir défrayé les frais de déplacement à ce congrès, comme à tant d'autres dans le passé. Et nous tenons enfin à remercier les évaluateurs anonymes de Dialogue pour leurs commentaires qui ont servi à l'établissement de la version finale ce texte.