Hostname: page-component-586b7cd67f-dsjbd Total loading time: 0 Render date: 2024-11-20T08:32:46.682Z Has data issue: false hasContentIssue false

Deux fondements à l'éthique: l'intuition et la critique*

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

J. Nicolas Kaufmann
Affiliation:
Université du Québec à Trois-Rivières

Extract

Voici deux heureuses initiatives que nous devons à des universitaires canadiens qui n'en sont pas à leurs premiéres armes. Selon toute apparence la conception de ces anthologies ne découle pas d'une planification entre les deux auteurs. Pourtant elles se complètent remarquablement bien, et ce sur plus d'un plan.

1) Leur complémentarité réside tout d'abord dans le choix des problématiques respectives. Bien que les deux auteurs manifestent un même souci pour des problemès contemporains majeurs en matière d'ethique, ils ne se recoupent que quatre fois sur les neuf chapitres contenus dans chaque livre, notamment à propos des questions concernant ravortement, l'euthanasie, lapeine capitale et la sexualité, encore que les textes choisis par Wesley Cragg (W.C.) situent l'euthanasie (involontaire) plutôt dans la perspective de l'infanticide, tandis que ceux retenus par Jan Narveson (J. N.) la discutent du point de vue de l'adulte, rapprochant l'euthanasie volontaire du suicide; la sexualité est abordée par le premier à travers les débats sur la pornographie et la censure, tandis que J.N. la situe dans l'optique de l'érotisme, de l'adultère et des conditions anthropologiques. Quant aux autres problématiques, les auteurs divergent dans leurs choix.

Type
Critical Notices/Etudes critiques
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1985

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 Dans la table des matiéres et aux pages 594 et 597, il est question de M. Nelson. Mais W. Cragg semble connaître l'auteur quand il pose ses questions (598) non à M. Nelson mais à M. Nielson qui est finalement celui-là même qui est identifiée dans la liste des collaborations sous le nom de Kai Nielsen de l'Université de Calgary.

2 Voir le Symposium du 7th International Congress of Logic, Methodology and Philosophy of Science (Salzburg, Austria, 1983), « Scientific and Ethical Rationality », où Ladrière et Przelecki ont souligné cette dimension. Les autres participants. Hare et Tran0y, suggéraient fortement que leurs questions à propos de l'éthique de l'expèri-méntation medicale sur des enfants concernent aussi là gérontologie, la psychiatric la recherche en psycho-physiologie et psycho-pharmacologie, que ces questions dépas-sent le simple point de vue déontologique et qu'elles se situent surle plan proprement éthique, dans la mesure ou des recherches scientifiques inaugurent de nouvelles possihilités d'actionGoogle Scholar.

3 Mentionnons seulementquelques titres: Beauchamps, T., Faden, R., Wallace, R.J., jr., et Walters, L., eds., Ethical Issues in Social Science (Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press, 1982)Google Scholar; Krimski, Sh., Genetic Alchemy: The Social History of the Recombinant DNA Controversy (Cambridge, MA: MIT Press, 1982);Google ScholarMacklin, R., Man, Mind, and Morality: The Ethics of Behavior Control (, Scarborough, , Ontario et Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall, 1982);Google ScholarMorren, L., Responsabilite ethique dans les sciences (Louvain: Presses Universitaires de Louvain-la-Neuve, 1982)Google Scholar; Hil-pinen, R.. Rationality in Science: Studies in the Foundations of Science and Ethics (, Dordrecht et Boston, MA: Reidel, 1982)Google Scholar; Lakoff, S. A., ed., Science and Ethical Responsibility (Reading-Adison: Wesley, 1980)Google Scholar; Beauchamps, T. et Childress, J. F., Principles ofBiomedical Ethics (New York: Oxford University Press, 1979)Google Scholar; Center, Hastings, Readings in Society, Ethics, and Life Science (New York: Hastings Center, 1979)Google Scholar; Reynolds, P. D., Ethical Dilemmas and Social Science Research (San Francisco: Jessey-Bass, 1979)Google Scholar; Bandman, E. L. et Bandman, B., Bioethics and Human Rights (Boston, MA: Little, Brown. 1978)Google Scholar; Beauchamps, T. et Walters, L., Contemporary Issues in Bioethics (Eucion: Dickenson, 1978)Google Scholar; Richards, J., ed., Recombinant DNA Science, Ethics, Politics (New York: Academic Press, 1978)Google Scholar; Ryan, K. I. P., The Belmont Report: Ethical Principles and Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research (Washington, DC:U.S. Government Printing Office, 1978)Google Scholar; Ladriere, J., Les enjeux de la rationalite (Paris: Aubier, 1977);Google ScholarMelsen, A. G. M. Van, Science and Responsibility (Pittsburgh, PA: Duquesne University Press, 1970)Google Scholar; Melsen, A. G. M. Van, Physical Science and Ethics (Pittsburgh, PA: Duquesne University Press, 1967).Google Scholar Mentionnons aussi les nombreux Symposia qui se sont tenus dans les grandes universités à travers le monde suites aux «Asilomar Conference» et «Gordon Conference », ainsi que les activites organisees par les U.S. Student Pug-wash Conference.

4 Voir plus loin la distinction de Hare entre niveau intuitif et niveau critique de I'argu-mentation morale.

5 Gert, B., The Moral Rules (New York: Harper & Row, 1966);Google ScholarRichards, D. A. I., A Theory of Reasons and Action (Oxford: Clarendon Press, 1971)Google Scholaret Rawls, J., Theory of Justice (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1971).Google Scholar Dans ses remarques, K. Nielsen (W.C, 596) fait seulement allusion à une difficulty concernant les limites de la rationalite normative. Sans endosser le point de vue des «emotivistes», K. Nielsen insisterait sur la place des «moral sentiments» dont il a analysé de manière très approfondie le rôle qu'ils jouent dans des disaccords éthiques.Cf.«Reason and Sentiment: Skeptical Remarks about Reason and the “Foundations of Morality”», dans Geraets, Th., ed.. Rationality To-day, La rationalite aujourd'hui (Ottawa: University of Ottawa Press. 1979). 249271.Google Scholar L'expérimentation en psychologie cognitive met également en evidence le fait que dans les décisions spontanées, les hommes ne suivent pas les principes du choix rationnel. Cf. Lumsden, Ch. J. et Wilson, E. O., Genes, Mind and Culture (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1981), chap. 3Google Scholar.

6 On les trouve dans le chapitre neuf du livre de W.C. et dans l'article de J. Narveson dans la même anthologie (474–488).

7 Hare, R. M., Moral Thinking, Its Levels, Method and Point (Oxford: Clarendon Press.1981), Part 1.2, «Moral Conflicts », 22–44;CrossRefGoogle ScholarHare, R. M., «Ethical Theory and Utilitarianism», dans Lewis, H. D., ed., Contemporary British Philosophy, vol. 4 (London: Allen and Unwin, 1976);Google Scholaret Hare, R. M., «Utilitarianism and the Vicarious Affects», dans Sosa, E., ed., The Philosophy of Nicholas Reseller (Dordrecht: Reidel. 1979)Google Scholar.

8 II est à remarquer que presque tous les auteurs maintiennent la terminologie péjorative ou dévalorisante. A la place du terme «avortement » qui couvre une variété de situations qui ne sont pas evaluees de la même facon, comme interruption de grossesse au stade de zygote, d'embryon ou de foetus par differents moyens (paquetage, aspiration, curetage, medicamentation, etc.), et suivant S. L. Ross (J.N., 239–40) une distinction peut étre faite entre a) interruption de grossesse terminant la dépendance du «foetus» de l'organisme de la mère, b) terminant la formation du «foetus» et le développement de cet organisme. Done «avortement»3 au sens courant peut être analysé en «avortement», correspondant à la situation (a) qui n'est pas nécessaire-ment identique à la situation (b)—le transfert d'embryon pouvant etre envisage comme une solution technique (cf. la suggestion de Freitas, R. A. Jr., «Fetal Adoption: A Technological Solution to the Problem of Abortion Ethics», dans Humanist 40 [1982], 2223—etGoogle Scholar «avortement»2 où il s'agit de supprimer le foetus, par exemple pour des raisons eugénétiques, bien que cela n'aurait pas été nécessaire en vue de mettre fin à une grossesse.

9 En associant l'avortement à I'eugénisme des Nazis, le couple Grant s'oppose a l'avortement surdemande parlaquestion: «What will be demanded next... ? »(W.C, 39); McRae ramène le probléme de l'avortement au seul combat—conflit d'intérêts—entre deuxorganismes vivants (49); et J. Gentles ne semble pas voir qu'il y amoyen de e s demander pour quels motifs un zygote «humain » pouvait devenir héritier et proprietaire; il ne semble pas comprendre que de tels droits puissent être conditionnels au choix d'une femme de continuer ou d'interrompre la grossesse, comme le re marque a juste titre Keyserlingk qui s'intéresse principalement aux droits à reconnaître au non-né et corrélativement aux obligations et conséquences juridiques qui découlent de ces droits.

10 Cf. P. Singer, «Is Racial Discrimination Arbitrary?», dans J.N., 308–324;cet argument est detaille dans plusieurs chapitres du livre de Singer, P., Practical Ethics (Cambridge: Cambridge University Press, 1979)Google Scholar.

11 Quant à l'expression «foetus humain », il faut se rappeler les nuances interessantes que Sumner (W.C., 59) a introduites: «humain » au sens spécifique de Homo sapiens, au sens de normalité pour un ensemble d'organismes de l'espèce H.s., au sens «devt'loppemental» ou potentiel. «Foetus humain» désigne, dans la discussion sur l'avortement, un stade de développement, mais pas tout le developpement de la conception à la naissance, puisque I'on distingue en médecine le stade de zygote. le stade embryonnaire et le stade foetal. Par consequent quand on dit que «le foetus est un individu humain » on affirme beaucoup de choses à la fois. Sous I'apparence d'un énoncé de fait il figure dans des arguments qui ne peuvent étre moins confus que cet énoncé lui-même.

12 L'argument de la possession potentielle est également défendu par Kluge (W.C, 104sq.). Signalons en guise de critique qui s'applique à Tooley et à Feinberg, qu'il y a moyen de disposer de l'argument de la possession potentielle plus rapidement. Si cet argument prend la forme PP [1] Adulte A posséede X en vertu duquel on lui reconnaît le droit à la vie. [2] Or un zygote «humain » posséede potentiellement X. [3] Done on reconnaît à un zygote «humain » le droit à la vie, mon objection a PP est la suivante: [2] doit se lire: «Un zygote “humain” possede potentiellement X à la condition que personne n'interfére avec le développement naturel normal». Mais la non-interférence en tant qu'obligation decoule d'un droit qui doit être garanti par un moyen qui ne préesuppose pas la conclusion de l'argument de PP, puisque c'est cette conclusion que la préemisse [2] sert à éetablir. Or, celan'est pas le cas. Par consequent, non seulement PP est-il inadéequat comme le pense Tooley, mais encore est-il inutile puisque [2] genere une circularitée dans la«déemonstration».

13 Encore là on peut se demander si J. Rachel ne veut pas plutôt neutraliser une intuition morale. D'apres l'intuition morale, «laisser mourir des enfants du Tiers-monde par notre indifference» est sans commune mesure avec «envoyer de la nourriture empoi-sonnee vers les pays du Tiers-monde ». Mais la réeflexion critique que propose J. Rachel (J.N., 154–167) reduit sensiblement cette diff éerence, sans cependant l'abolir. Le probleme qui se pose ici est le suivant. Si les enfants du Tiers-monde ont un droit a la vie, il n'est pas clairquelle sorte d'obligation cela crée pour nous. Sans doute l'obliga-tion néegative de ne pas interférer permet-elle de condamner absolument Tenvoi de nourriture empoisonnee. Mais pouvons-nous indiquer les obligations positives qui decoulerait du droit en question?

14 Le sous-titre se lit en effet «Or in Defence of Vengeance».

15 Une fois que I'on déepasse ce cadre trées restrictif de la compensation, la «proportionnéa-lite » de la Loi du talion devient absurde, car il faudrait en toute consequence violer les violeurs, frauder les fraudeurs, etc.

16 Le cas de la maladie mentale repréesente une situation ambiguë puisque I'on peut facilement confondre entre traitement et protection du malade contre lui-même, et detention punitive, e'est-à-dire protection de la société contre les aliénées. Dans le premier cas comment peut-on justifier, éetant donnée le droit de refuser le traitement, 1'internement involontaire? Et si I'on préconise une approche utilitariste à ce pro-bléeme, comment peut-on montrer que la perte de libertée est compensee par I'efficacite du traitement quand il s'agit d'internement à vie?

17 II faut remarquer que I'on a tendance 'a confondre ici deux notions, celle de «différence » en vertu de faits biologiques (comme les differences individuelles, sexuelles, etc.). historiques ou biographiques, et celle d'«inéegalité» en vertu de considérations éevaluatives et normatives. Une telle confusion conduit souvent éa la justification des inégalites éa partir des difféerences factuelles, procédé qui caracterise la «naturalistic fallacy » (Moore) que P. Singer a vigoureusement dénoncée à propos de la discrimination raciale, sexuelle et autres. Cf. Singer, Practical Ethics, chap. 2, 14–48.

18 Singer questionne la théorie de Nozik, mais ne la rejette pas nécessairement (cf.Practical Ethics, I73sq.).

19 Méme des guerres «justes» tuent des innocents—par exemple par de s bombarde-ments de terreur. Pour I'intuition morale «tuer un innocent est définitivement un mal». Mais une telle intuition se révéle être trés fragile, quand on demande qui, en cas de guerre, est innocent. Encore là, l'intuition peut être neutralisée par la critique. Cf. à ce sujet Murphy, J. G., «The Killing of the Innocent», Monist 57 (1973), 527550,CrossRefGoogle Scholar reproduit dans Murphy, J. G., Retribution, Justice and Therapy: Essays in the Philosophy of the Law (, Dordrecht et Boston: Reidel, 1979)CrossRefGoogle Scholar.

20 Si la charité éstelevée au rang de vertu principale, les riches, pour exercer cette vertu, pourraient vouloir maintenir les pauvres à I'état où ils ont besoin de charité.

21 Des indications très pertinentes concernant ce point peuvent étre trouvées dans Phelps, E. S., ed., Altruism, Morality and Economic Theory (New York: Russel Sage, 1975). notamment dans la contribution de James BuchananGoogle Scholar.

22 Le probléme tres épineux est en effet de savoir comment on determine la valeur de vérité d'un énoncé dutype: «II aurait été mieux pour lui s'il n'avait pas existé»ou«II serait mieux mort que vivant ».

23 II s'agit. comme en temoignent les contributions nombreuses, aussi bien d'une préoc-cupation des anglophones du Canada que d'un débatqui anime les milieux scolaires du Quebec. Voir les themes discutes au Colloque de la Société de philosophic du Québec en 1982, dans Legault, G. A. et Gagnon, M., éds., Philosophic de l'éducation, Cahiers del'ACFAS.t. 19 (Montreal: ACFAS, 1984),Google Scholar et Legault, G. A. et Begin, L.. Le Quebec face a la formation morale (Sherbrooke: Faculté des Arts. 1983).Google Scholar

24 Hare, Moral Thinkinig, chaps. 1 et 12.