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De la possibilité à l'existence, Kant critique de Leibniz

Published online by Cambridge University Press:  27 April 2009

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
Affiliation:
Yale University

Abstract

This article offers a contribution to the study of Leibniz's thought on possibility and existence based on a reconstruction of the evolution of Kant's thought on these notions in Nova dilucidatio (1755), Beweisgrund (1763) and Kritik der reinen Vernunft (1781–1787). Its aim is to shed light on Kant's debt to Leibniz and to show that only the critical turn could make them diverge on this question through a twofold opposition on epistemology (the role of experience) and ontology (the eclipse of God).

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2008

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References

Notes

1 Cet article est la troisième et dernière étape d'une étude consacrée à la possibilité et l'existence chez Leibniz. Les deux premiers articles sont «Possibilité et existentiabilité chez Leibniz», Revue philosophique de Louvain, 2006, vol. 104, n° 1, p. 2345Google Scholar et «L'existence leibnizienne», Archives de philosophie, 2007, vol. 70, no 1, p. 249273.Google Scholar

2 Belaval, Y., Etudes leibniziennes: de Leibniz à Hegel, Paris, Gallimard, 1973, p. 207.Google Scholar

3 «Lettre à Foucher de 1676», Die Philosophischen Schriften von Gottfried Wilhelm Leibniz, vol. 1, Berlin, Georg Olms Hildeshein, 1960, p. 370 (noté GP I 370).Google Scholar

4 R. Théis, introduction à Leibniz, L'unique argument possible pour une démonstration de l'existence de Dieu, Paris, Vrin, 2001, p. 24.Google Scholar

5 Nova Dilucidatio, section II, proposition 7, dans Œuvres philosophiques, vol. 1, Paris, Gallimard, 1980, p. 125Google Scholar (désormais: Nd II 7; OP, p. 125).

6 Voir De Rerum originatione radicali, GP VII 305Google Scholar, dans Leibniz, , Opuscules philosophiques choisis, Paris, Vrin, 2001, p. 179.Google Scholar

7 Sans-titre, sur Descartes, GP IV 406, 1.

8 Heidegger, M., Nietzsche, vol. 2, Pfullingen, Günther Neske Verlag, 1961, p. 358.Google Scholar

9 Nouveaux Essais II 15, GP V 141.Google Scholar

10 Monadologie, §43.

11 Sur la démonstration cartésienne de l'existence de Dieu du P. Lamy (1701)Google Scholar, dans Leibniz, , Système nouveau de la nature et de la communication des substances, et autres textes 1690–1703, Paris, Flammarion, 1994, p. 168.Google Scholar

12 Beweisgrund, Ire partie, 1re considération, AK II 70; OP, t. I, p. 323 (désormais: Be I 1; OP, p. 323).

13 De iis quae per se concipiuntur, septembre 1677, GP I 271.

14 Leibniz, , Textes inédits d'après les manuscrits de la Bibliothèque provinciale de Hanovre, Paris, Presses universitaires de France, 1948, p. 325.Google Scholar

15 Wahl, J., Discussions sur l'idée d'existence, leçons à la Sorbonne, des 9 décembre 1939, 16 décembre 1939 et 6 janvier 1940, p. 11Google Scholar (manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France; ref.: FOL-Z Wahl Pièce-1).

16 Voir Mates, B., The Philosophy of Leibniz: Metaphysics and Language, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 101.Google Scholar

17 Voir notre article «L'existence leibnizienne», Archives de philosophie, 2007, vol. 70, n° 1, p. 249273.Google Scholar

18 Existentia, an sit perfectio, 1677 (?), A VI-4-B 1354.

19 Nouveaux Essais IV 1, GP V 339, 34 (nous soulignons).

20 Leibniz, , Recherches générales sur l'analyse des notions et des vérités. 24 thèses métaphysiques et autres textes logiques et métaphysiques, Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 315, n. 72Google Scholar. Voir aussi Opuscules et fragments inédits de Leibniz, extraits des manuscrits de la Bibliothèque royale de Hanovre, Paris, Alcan, 1903, p. 271 et 375.Google Scholar

21 C'est également la conclusion à laquelle arrive Skosnik, J., «Leibniz and Russell on Existence and Quantification Theory», Canadian Journal of Philosophy, 1980, vol. 10, no 4, p. 719.CrossRefGoogle Scholar

22 Kritik der reinen Vernunft, AK III 400–401, A597-598/B625-626, OP, t. I, p. 1213–1214 (désormais: KrV A597-598/B625-626; OP, p. 1213–1214).

23 M. Smithurst voit en Hume le germe de la thèse kantienne selon laquelle «that “exists” is not a property-ascribing word, that existence is the concept of a concept's instantiation» (Smithurst, M., «Hume on Existence and Possibility», Proceedings of the Aristotelian Society, 19801981, vol. 81, p. 19)Google Scholar. Pour Hume, effectivement, l'existence n'est rien, en ce sens qu'elle n'ajoute rien à l'objet dont on a l'idée: c'est une seule et même chose de concevoir un objet et de le concevoir comme existant. «The conception of the existence of an object is no addition to the simple conception of it»; «The idea of existence is the very same with the idea of what we conceive to be existent. […] Whatever we conceive, we conceive to be existent» (A Treatise of Human Nature, Oxford, Clarendon Press, 1896, respectivement p. 94 et 66Google Scholar). Hume n'est pas l'unique précurseur de Kant sur ce point, et Leibniz en est bien plus proche.

24 Contrairement à ce qu'affirment Fisher, Mark et Watkins, Eric, «Kant on the Material Ground of Possibility», The Review of Metaphysics, 1998, vol. 52, no 2, p. 377Google Scholar, qui comme de nombreux interprètes postulent que pour Leibniz l'existence est un prédicat. Quiconque ne fait pas cette erreur voit immédiatement la proximité flagrante entre les positions leibnizienne et kantienne sur l'existence.

25 Opus postumum 22, 549, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 69Google Scholar. Sur la notion de position absolue, voir Röd, Wolfgang, «Existenz als Absolute Position», Proceedings: The Sixth International Kant Congress, Washington, University Press of America et CARP, 1989, p. 6781.Google Scholar

26 Voir notre article «Possibilité et existentiabilité chez Leibniz», Revue philosophique de Louvain, 2006, vol. 104, n° 1, p. 2345.Google Scholar

27 De l'essence à l'existence, la différence est effectivement de degré, et non de nature, comme le rappelle E. M. Curley, par cette analogie: «The difference between what exists and what does not exist is not like the difference between a signed painting and an unsigned painting, but like the difference between a good painting and a bad one» (Curley, E. M., «The Root of Contingency»Google Scholar, Frankfurt, dans H. G., dir., Leibniz: A Collection of Critical Essays, New York, Anchor Books, 1972, p. 87).Google Scholar

28 Système nouveau de la nature et de la communication des substances, GP IV 479, dans Leibniz, , Système nouveau de la nature, p. 67Google Scholar (nous soulignons). Voir par exemple Wahl, J., Discussions sur l'idée d'existence, p. 5Google Scholar: «Leibniz se demande ce qui s'ajoute à la possibilité pour faire l'existence et il admet l'idée d'un complementum possibilitatis» et cette note de J.-B. Rauzy: «L'existence peut être conçue comme le plus haut degré de possibilité dans la mesure où la plus grande classe de compossibles serait choisie par un esprit. Cette définition de l'existence est sans doute un écho d'un texte parisien, où Leibniz écrivait: “Est harmonique au plus haut point ce qui est le plus plaisant pour l'esprit le plus parfait” (A VI iii 476, 11 février 1676)» (Recherches générales, p. 316, n. 74).Google Scholar

29 Generales inquisitiones de analysi notionum et veritatum [1686], §73, dans Leibniz, , Recherches générales, p. 247249 (nous soulignons).Google Scholar

30 GP VII 195, note marginale.

31 On trouve effectivement chez Leibniz une équivalence entre existence et actualité: «Petrus est abnegans actu, seu abnegans existens» (Recherches générales, p. 247Google Scholar). Si l'utilisation des termes aristotéliciens est utile et éclairante, il faut se garder d'extrapoler et de conclure que le passage de la possibilité à l'existence chez Leibniz n'est autre que celui de la puissance à l'acte chez Aristote. Nous verrons plus bas que les concepts ne se recoupent pas proprement.

32 Generales inquisitiones, p. 247.Google Scholar

33 Voir notamment Gonzalez, A. L., «La noción de posibilidad en el Kant precrítico (I)», Anuario Filosofíco, 1981, vol. 14, n° 2, p. 87115Google Scholar, qui se propose sur ce sujet de relier Leibniz au Kant précritique par Wolff, Crusius et Baumgarten.

34 Bouchard, Yves, Le holisme épistémologique dans la Critique de la raison pure de Kant, thèse de doctorat en philosophie, Université de Montréal, 1997, p. 35.Google Scholar

35 Voir aussi: «la raison a besoin de supposer donnée une réalité pour expliquer la possibilité de toutes choses […] la possibilité générale de toute chose doit absolument se trouver dans l'ensemble de toute existence» (Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée?, AK III 137, note; OP, vol. 2, p. 534535).Google Scholar

36 Monadologie, §43. Voir aussi le §44: «Car il faut bien que, s'il y a une réalité dans les essences ou possibilités, ou bien dans les vérités éternelles, cette réalité soit fondée en quelque chose d'existant et d'actuel; et par conséquent dans l'existence de l'Être nécessaire, dans lequel l'essence renferme l'existence, ou dans lequel il suffit d'être possible pour être actuel».

37 Voir également «La possibilité d'une pensée ou d'un concept repose sur le principe de contradiction, par exemple le concept d'un être pensant incorporel (d'un esprit). La chose dont même la simple pensée est impossible (c'està-dire dont le concept se contredit) est elle-même impossible. Mais la chose dont le concept est possible n'est pas pour autant une chose possible. On peut appeler logique la première possibilité, réelle la seconde; la preuve de cette dernière est la preuve de la réalité objective du concept qu'on est toujours autorisé à exiger. Mais elle ne peut jamais être produite autrement que par la présentation de l'objet correspondant au concept, car sinon il ne reste jamais qu'une pensée qui laisse toujours dans l'incertitude la question de savoir si quelque objet lui correspond ou si elle est vide, autrement dit si elle peut en somme servir à connaître, jusqu'à ce que cet objet soit montré dans un exemple» (Quels sont les progrès de la métaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibniz et de Wolff?, supplément no 1, section 2, AK XX 7, 325–326; OP, vol. 3, p. 1273).Google Scholar

38 Kants Nachlaβ, 4801, AK XVII.

39 Progrès de la métaphysique en Allemagne, 325–326; OP, vol. 3, p. 1273.Google Scholar

40 Kants Nachlaβ, 5181, AK XVIII.

41 Voir Langiulli, Nino, Possibility, Necessity, and Existence: Abbagnano and His Predecessors, Philadelphia, Temple University Press, 1992, p. 85.Google Scholar

42 Heidegger, M., Nietzsche, vol. 2, Pfullingen, Günther Neske Verlag, 1961, p. 356.Google Scholar

43 Ibid. C'est moins clair chez M. de Gaudemar, De la puissance au sujet, Paris, Vrin, 1994, p. 48Google Scholar, qui parle d'«intermédiaire entre la possibilité et l'existence en acte», même si elle fait aussitôt référence à la dynamis aristotélicienne.

44 Voir aussi: «Là donc où s'étend la perception et ce qui en dépend suivant des lois empiriques, là s'étend aussi notre connaissance de l'existence des choses» (ibid., A226/B273; OP, p. 954).

45 Sur la logique du cogito cartésien, voir notre article «Cogito, ergo sum: induction et déduction», Archives de philosophie, 2004, vol. 67, n° 1, p. 5163.Google Scholar

46 Kants Nachlaβ, 4021, AK XVII.

47 Définitions (1679–1686), dans Recherches générales, p. 110Google Scholar: «Ens est distincte cogitabile. Existens distincte perceptibile» (Definitiones: ens, possibile, existens, Sommer 1687 bis Ende 1696 (?), A VI-4-A 869).

48 Kant préfère effectivement parler de perception: comme nous le verrons, il insistera ensuite sur le fait que l'existence implique la perception; tout comme Leibniz l'avait fait avant lui.

49 Voilà qui répond à J. Hintikka qui écrivait: «This possibility of restoring something like the ontological argument by means of the additional premise that God is possible had been exploited by Leibniz. Even though Kant presumably would have rejected Leibniz' argument for other reasons, he could scarcely afford to admit God's possibility» (Hintikka, J., «Kant on Existence, Predication, and the Ontological Argument», Knuuttila, dans S. et Hintikka, J., dir., The Logic of Being: Historical Studies, Dordrecht, Reidel, 1986, p. 261).Google Scholar

50 Sur la possibilité et l'existence de Dieu dans la Kritik, voir Ferreira, Jamie, «Kant's Postulate: The Possibility or the Existence of God?», Kant-Studien, 1983, vol. 74, n° 1, p. 7580.Google Scholar

51 Lebrun, Gérard, Kant et la fin de la métaphysique. Essai sur la ‘Critique de la faculté de juger’, Paris, Armand Colin, 1970, p. 132.Google Scholar

52 Ce qui fait dire à Fisher et Watkins que «not only does Kant link the material ground of possibility and God, but he does so in a way that is fundamentally the same as he does in The Only Possible Argument» («Kant on the Material Ground of Possibility», p. 390).Google Scholar

53 Bouchard, , Le holisme épistémologique, p. 38.Google Scholar

54 Voir Kritik der Urteilskraft, §76, AK V 402; OP, vol. 2, p. 1199.Google Scholar