Hostname: page-component-586b7cd67f-g8jcs Total loading time: 0 Render date: 2024-11-26T06:29:50.406Z Has data issue: false hasContentIssue false

Sources et signification de la théorie lockienne de l'espace

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Thomas M. Lennon
Affiliation:
University of Western Ontario

Extract

Leibniz avait certes raison d'opposer Locke à Descartes et de le situer plutôt dans la lignée de Gassendi et l'atomisme antique. Mais le problème est de distinguer entre Gassendi et ses disciples contemporains de Locke comme source immédiate d'inspiration pour celui-ci. Ses Commonplace Books attestent que Locke avait lu Gassendi avec attention, et son Journal indique que pendant ses séjours à Paris (mai 1677–juin 1678, novembre 1678–avril 1679), il fut en contact avec des gassendistes tels Bernier et Launay, dont il acheta les oeuvres pour les emporter en Angleterre. L'analyse que Locke fournit de l'espace est d'un intérêt particulier, car tout en témoignant de l'orientation que Leibniz attribuait à Locke, elle s'écarte nettement des vues de Gassendi sur la question.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1983

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 Erdman, 1, 204. Cf. Reid, Thomas: « Gassendi, from whom Locke borrowed more than any other author », Works, ed. Hamilton, W. (8e éd.; Edinburgh, 1880), vol. 1, 226Google Scholar. Cela ne signifie qu'il ne peut y avoir d'importantes similarités méthodologiques entre Locke et Descartes: cf. Schouls, Peter A., The Imposition of Method: A Study of Descartes and Locke (Oxford: Clarendon Press, 1980)Google Scholar.

2 Le Journal n'enumère pas d'échanges philosophiques avec François Bernier (1620–1688)—par exemple, l'entrée du 8 octobre 1677 rapporte une conversation avec Bernier sur les peuples du souscontinent indien. Lough, John, Locke's Travels in France (Cambridge: University Press, 1953), 177Google Scholar. Toutefois il semble improbable que ces deux personnes, compte tenu de leurs intérèts philosophiques, aient restraint la conversation à de tels sujets, et, en tout état de cause, la bibliothèque de Locke contenait de Bernier l'Abrégé de la philosophic de Gassendi (Lyon, 1678) et les Doutes … (Paris, 1681 [sic]). Cf. Harrison, John and Laslett, Peter, The Library of John Locke (2e éd.; Oxford: Clarendon Press, 1971)Google Scholar.

3 Locke mentionne qu'en 1677 il a remis un paiement à Mr. de Launay chez qui il logeait l'été et l'automne de cette année-là. Il est incertain s'il s'agit du gassendiste Gilles de Launay (floruit: 1656–1677), qui de toute manière était susceptible d'avoir donné des conférences publiques à cette époque. Locke avait acheté plusieurs de ses ouvrages pour sa bibliothèque.

4 Cf. Dewhurst, Denneth, John Locke (1632–1704), Physician and Philosopher: A Medical Biography (London: The Welcome Historical Library, 1963), 2728Google Scholar.

5 Ibid., 28.

6 Est quantitas extensiove quaedam spati[us] nempe seu intervallum triplici dimensione, longitudinis latitudinis et profunditas constans, in quo corp[us] recipi, aut perq[uo]d transire corp[us] possibile sit at simul dicend[us] ejus dimensiones esse incorporeas atque adeo loc[um] esse intervall[um] spatiumve incorporeum seu incorpoream quantitatem

dimensio ig[i]t[ur] 2 x corporea et spatialis

Gassendi Phys. S.I.I.2.182 C.I.

British Museum Ms. Add. 32554, 182; cité par Bloch, O. R., La Philosophie de Gassendi: Nominalisme, matérialisme, et métaphysique (La Haye: Martinus Nijhoff, 1971), 198Google Scholar, n. 115.

7 Syntagma Philosophicum, public, posthume in Opera Omnia (6 vols.; Lyon, 1658Google Scholar; Florence, 1720), t. 1, 183.

8 Ibid., I, 276a.

9 Cf. en particulier Wilson, Margaret D., « Superadded Powers: The Limits of Mechanism in Locke », American Philosophical Quarterly 16/2 (Avril 1979)Google Scholar.

10 Cf. Bernier, , Abrégé (2e éd., 1684), vol. 2, 104105Google Scholar.

11 A. C. Fraser dans son édition de l'Essay (Dover reprint, 1959) ajoute une note intréessante en regard de ce passage (vol. 1, 155, n.3): « He [Locke] speaks of the ‘extension of space’ as if extension was a quality of space, not a synonym for it, as he sometimes makes it, for he vacilates in his connotation of this and other words ». Mais « espace » et« étendue de l'espace » ne peuvent être synonymes, car alors « corps » et« étendue du corps » seraient synonymes et la distinction ne serait qu'entre espace et corps, distinction déjà faite au paragraphe précédent (2.4.3). Lue à la lumière de la distinction gassendiste, la relation est certes celle de la qualité, mais inversée, de telle sorte que la distinction de Locke est entre étendue spatiale et étendue corporelle sur la base de la solidité. La distinction vient peut-être de la distinction gassendiste entre corps et vide: « le vide est dépourvu de masse (molis expers), intangible, incapable d'action, de passion ou de résistance; le corps est doté de masse (mole praeditum), tangible, capable d'action, de passion et de résistance » (I, 23b). Locke ne mentionne pas la tangibilité, mais il commence le chapitre en affirmant que nous avons l'idée de solidité par le toucher (Cf. aussi 2.4.3.: «… pure space, which is capable neither of Resistance nor Motion »). En 2.4.5, Locke se sert de l'illustration de Gassendi pour la distinction entre pur espace et étendue de corps: « the idea of the distance between the opposite parts of a concave superficies being as equally clear without as with the idea of any solid parts between; and on the other side.… distinct from that of pure space, the idea of something that fills that space, that can be protruded by the impulse of other bodies or resist their motion ».

12 On le trouve, par exemple, « in Richard of Middleton's writings in the Fourteenth century (perhaps with reference to Simplicius' Physics 108a), still before the rediscovery of the De rerum natura in 1418 by Poggio ». Jammer, Max, Concepts of Space: The History of Theories of Space in Physics (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1954), 11Google Scholar.

13 Dans son important Much Ado About Nothing: Theories of Space and Vacuum from the Middle Ages to the Scientific Revolution (Cambridge: Cambridge University Press, 1981)Google Scholar, Edward Grant affirme à l'encontre de ma position a) que Henry More fut l'influence première sur Locke, b) que l'espace est l'immensité divine, et done c) que le Locke de la maturité croyait « in an absolute, infinite, rather than relative space » (n. 329; cf., 240–241). Mais même si Locke identifie l'espace à l'immensité divine (cf. 2.15.8.: « … The boundless invariable Oceans of Duration and Expansion … belong only to the Deity »), il ne s'ensuit pas que l'espace soit absolu. Au contraire, étant donné la position de Locke sur l'infini potentiel, il s'ensuit seulement que pour tout lieu il y a au-delà un lieu avec Dieu; et ce système de lieux peut être tout à fait relationnel.

14 Aaron, qui considère à juste titre la théorie de Locke comme non-newtonienne, ne reconnaît pas la première comme newtonienne: « In stating the alternative in this passage there is no reference to Newton's theory—so little is the Essay Newtonian in its conception of space! » Aaron, R. I., John Locke (Oxford: Clarendon Press, 1965), 157Google Scholar. Par contre, il y voit la thèse de More, que Locke ne peut accepter d'emblée, car: « first, he was not sure we had a clear, positive conception of God's infinity. Secondly, to assert that the Deity was an extended being might savour in 1690 of materialism or Spinozism ». Ibid., 158. Toutefois, la divinisation de l'espace absolu dans le Scholie général n'ajoute rien, mais ne fait que souligner les caractéristiques que l'espace a toujours eues pour Newton. Ce qui importe e'est que l'une ou l'autre de ces thèses, relationnelle ou absolue, est compatible avec l'absence d'intérêt pour l'empirisme. Même si Dieu remplit un espace qui autrement serait vide, par exemple, il n'en reste pas moins que cet espace est vide de corps; et done pour déterminer où il y a corps et où il n'y en a pas, l'expérience sensible est requise. Une analyse plus poussée du triangle Locke-Newton-Gassendi dépasserait les limites du présent travail. Qu'il suffise de dire que Newton aussi a certes lu Gassendi, durant les années 1660, du moins selon Westfall, Richard S., « The Foundations of Newton's Philosophy of Nature », The British Journal for the Philosophy of Science 1 (1962)Google Scholar.

15 Aaron offre une lecture particulière de ce texte—il voit Locke répliquant à la thèse: « that all entities are either substances or accidents, so that space, which is obviously not substance, must be an accident or a property, and so may very well be the essential property of body ». Aaron, John Locke, 153.

16 Cf. Locke, Journal, entrée du 20 Janvier 1678: « [Distance]hellip; seemes to me to be a pure relation ». An Early Draft of Locke's Essay: together with excerpts from his Journals, ed. Aaron, R. I. and Gibb, Jocelyn (Oxford: Clarendon Press, 1936), 100Google Scholar.

17 Ibid., 77.

18 Principes II, 16; Secondes Réponses, def. 5 (AT VII, 161); à Arnauld 29 juillet 1648 (AT V, 223).

19 E.g. Malebranche, , De la recherche de la vérité, dans Oeuvres complètes, éd. Rodis-Lewis, G. (Paris, 1962), t.l, 415Google Scholar.

20 En 1685, Locke écrit « Things » et le raye pour le remplacer par « Beings ».

21 Principes II, 10–12.

22 Aaron and Gibb, An Early Draft of Locke's Essay, 100.

24 Ibid., 77; dans la même entrée, il utilise l'expression nuda relatio.

25 Ibid., 78.

26 Ibid., 80.

27 Ibid., 95.

29 Ibid., 79–80; pourle détail des « difficultys » auxquelles Locke réfere indubitablement, cf. mon article « Les théories néo-gassendistes de l'espace », tr. en cours; elles apparaissent encore importantes à Berkeley en 1710: cf. Principles, 117.

30 Ibid., 105, cf. 20 Janvier 1678: « Space in generall abstract and seperate from all consideration of any body at all or any other being it seemes not then to be any reall thing but the consideration of a bare possibility of body to exist ». Ibid., 100.

31 Ibid., 94. Ici Locke anticipe la terminologie du contenant dans l'Essay, mais il s'en sert pour renvoyer à la possibilité d'existence corporelle conçue comme absence de résistance du corps, ce qui est la façon dont il la concoit dans son énoncé de l'argument d'Archytas contre les cartésiens: « the Argument is at least as good, that where nothing hinders, (as beyond the utmost bounds of all Bodies) a Body put into motion may move on, as where there is nothing between, there two Bodies must necessarily touch. For pure Space between, is sufficient to take away the necessity of mutual Contact; but bare Space in the way, is not sufficient to stop Motion » (2.13.20).

32 Ibid., 96. D'autre part, Locke ici du moins esquisse la solution absolutiste de l'Essay 2.13.26: « or if there be a necessity to suppose a being [where there is only the possibility of body] it must be God whose being we thus make i.e. Suppose extended but not impenetrable ». Mais il conclut: « but be it one or other extension seemes to me mentally seperable from body, and distance noe thing but the relation of space resulting from the existence of two positive beings or which is all one two parts of the same being ». Ibid.

33 Au sens strict, cette assertion n'est vraie que de l'espace vide de corps, non absolument vide. Il se peut que, avec l'espace identifié à l'immensité divine, toutes les relations spatiales soient actualisées par Dieu. Mais ceci n'aurait aucune incidence sur l'empirisme de Locke, car e'est seulement par l'expérience que nous pourrions savoir quelles relations sont actualisées par les corps.

34 Pour Descartes, me semble-t-il, il n'y a aucune realite matérielle qui se maintienne dans ces relations. Il y a seulement une substance matérielle, qui constitue cet ensemble complet de relations.

35 « La preuve de l'existence de Dieu la plus belle, la plus relevée, la plus solide, & la première [sic]… e'est l'idée que nous avons de l'infini… afin que nous concevions un être fini, il faut nécessairement retrancher quelque chose de cette notion générale de l'être, laquelle par conséquent doit précéder ». Malebranche, De la recherche, 441.

36 Pour une liste d'autres thèses et objections de ce type que l'on pourrait examiner, cf. Bloch, La Philosophie de Gassendi, 133–134. II se pourrait aussi que Locke fût influencé par Cudworth dans cette stratégic. Bien qu'il rejetât l'inférence que les « Modern Atheists » en tiraient, Cudworth leur concedait la prémisse que nous n'avons ni phantasme sensible ni idée intelligible de l'infini, ce qui signifie n'admettre qu'un infini pqtentiel quant à l'espace, au nombre et peut-être au temps: « Infinite Space, beyond the Finite World, is a thing which hath been much talked of; and it is by some supposed to be Infinite Body, but by others to be an Incorporeal Infinite; through whose Actual Distance notwithstanding (Mensurable by Poles and Miles) this Finite World might rowl and tumble Infinitely. But as we conceive, all that can be demonstrated here, is no more than this, That how vastsoever the Finite World should be, yet there is a Possibility of more and more Magnitude and Body, still to be added to it, further and further, by Divine Power, Infinitely; or that the World could never be made so Great, no not by himself, as that his own Omnipotence could not make it yet Greater. Which Potential Infinity or Indefinite Encreasableness of Corporeal Magnitude, seems to have been mistaken for an Actual Infinity of Space ». The True Intellectual System of the Universe … (London, 1678Google Scholar; Imprimatur, 1671), 643–644; cf. aussi, 765–766.

37 Doutes de Mr. Bernier sur quelques uns des principaux chapitres de son Abrégé de Gassendi (Paris: E. Michallet, 1682)Google Scholar.

38 Au lecteur.

39 Ibid., 25.

40 Ibid., 25–27.

41 Les doutes furent repris avec la seconde édition de l'Abrégé en 1684, cf. vol. 2, 387.

42 Ibid., 387–388.

43 Ibid., 386.