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Pascal et la moralité du politique

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Philip Knee
Affiliation:
Université Laval

Abstract

This article attempts to define the status of the political order in Pascal's thought by examining the coherence of the fragments on custom, imagination, force and justice in the Pensées. Situating this order between divine Justice and unjust human justice, Pascal offers a contribution to the Augustinian account of the relationship between moral and political existence by his description of the experience of temporal authority and of the spiritual skill which that experience requires.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1999

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References

Notes

1 Nous renvoyons entre crochets à la numérotation de l'édition Lafuma des Pensées, dans les Œuvres complètes de Pascal, Paris, Seuil (L'intégrale), 1963.Google Scholar

2 Rappelons que dans son livre, Pascal et la raison du politique (Paris, PUF, 1984)Google Scholar, Gérard Ferreyrolles consacre de belles pages à la conciliation de l'affirmation de la loi naturelle dans les Provinciales et du scepticisme ou du positivisme des Pensées. Il considère que par rapport à l'interdiction de l'homicide, du vol, de la rébellion, etc., présentée comme universelle dans la quatorzième lettre des Provinciales, le viol de ces lois décrit dans le fameux fragment 60 des Pensées, selon lequel «le larcin, l'inceste, le meurtre des enfants et de pères» auraient été autorisés dans les sociétés humaines, révèle des exceptions historiquement circonscrites, qui confirment la loi plutôt qu'elles ne représentent une universalité concurrente. La thèse sur l'inexistence de fait de toute loi universelle soutenue dans ce fragment s'expliquerait simplement par la stratégie des Pensées, texte visant à détruire la prévention des incroyants à connaître la justice et la verité. Á l'inverse, Laurent Thirouin, dans Le hasard et les règies. Le modèle du jeu dans la pensée de Pascal (Paris, Vrin, 1991)Google Scholar, lit les Provinciales à la lumiére de cette critique des Pensées, et dans cette perspective la polémique avec les jésuites devient une illustration de la vie politique corrompue, où Pascal utilise la référence à la loi naturelle afin de dénoncer la casuistique, mais sans qu'il y ait là un enjeu de vérité. Mentionnons aussi la riche interprétation de Christian Lazzeri qui se démarque, quant à elle, de l'une et l'autre de ces positions; voir Force et justice dans la politique de Pascal, Paris, PUF, 1993, notamment p. 201205.Google Scholar

3 Par exemple, si l'homicide est interdit par la loi naturelle, il est aussi permis dans certaines conditions, sans quoi, écrit Pascal, «les désordres seraient horribleset les méchants tueraient tous les bons». Et il en est de même du principe moral de la chasteté, au nom duquel «le monde finirait» [905].

4 Voir la remarquable analyse du fonctionnement de la coutume, qui «sait se faire oublier» et «ne se donne jamais pour la cause de ses effets», par Ferreyrolles, Gérard, Les reines du monde. L'magination et la coutume chez Pascal, Paris, Champion, 1995, p. 36.Google Scholar

5 Sur l'utilisation du terme peuple, catégorie à la fois sociale et intellectuelle, dans les textes du XVIIe siècle, voir la note de Lazzeri, Force et justice dans la politique de Pascal, p. 231.

6 Dans les deux ouvrages cités à la note 2, il est frappant de voir Ferreyrolles et Thirouin caractériser la «pensée de derrière la tête» de Pascal lui-même dans le jeu public constitué par l'êcriture de ses propres textes. Pour le premier, la «pensée de derrière» à l'œuvre lors de l'écriture des Pensées est celle, traditionnelle, voire thomiste, exposée dans la quatorzième lettre des Provinciales; pour le second, la pensée cachée des Provinciales est constituée par la critique du politique qui sera menée plus tard dans les Pensées, critique qui aura été nourrie par l'expérience de ces débats théologiques comme représentatifs de la folie politique d'hommes empêtrés dans leur appartenance mondaine et la promotion de leur parti.

7 Montaigne, , Essais, édition Villey, Paris, PUF (Quadrige), 1992, livre II, 12, notamment p. 507512.Google Scholar

8 Saint Augustin en fournit une série d'illustrations dans ses Confessions, en particulier au sujet de l'usage des amis alors que Dieu est le seul ami, de l'amour pour la mère qui meurt alors que Dieu sauve et la mère et le fils, ou encore de la manière de vivre les plaisirs physiques et esthétiques. Voir sur ce thème la mise en place éclairante de Sellier, Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, chapitre 2.Google Scholar

9 Voir, par exemple, dans les Essais, livre II, 17, p. 657.

10 Notons toutefois que, selon le fragment 66, le plus sûr est de dire au peuple d' obéir aux lois à la fois parce qu'elles sont justes et parce qu' elles sont lois.

11 Nous n'abordons pas la question de savoir si Pascal trahit Montaigne en l'enfermant dans le scepticisme, en lui signifiant qu'on ne peut fonder une vie sociale seulement sur l'accoutumance des hommes aux lois et qu'il faut aussi la fonder sur l'idée qu'ils ont de la naturalité des lois, ce qui rend impossible une généralisation à tous les hommes de sa «doctrine». Notons seulement qu'en elle-même cette critique est du plus grand intérêt, car généralisée, cette doctrine produirait, si l'on comprend bien Pascal, une société où l'homme serait dénaturé dans la mesure où il n'aspirerait plus au bien mais seulement a l'utile, non plus au juste mais à la modération, non plus au vrai mais au consensus…

12 Voir à ce sujet les utiles remarques d'Hélène Bouchilloux, «Justice, force : les limites de la raison d'État selon Pascal», dans Raison et déraison d'État. Théoriciens et théories de la raison d'État aux XVIe et XVIIe siècles, sous la direction de Yves-Charles Zarka, Paris, PUF (Fondements de la politique), 1994, p. 354357.Google Scholar

13 C'est ainsi que Jean Mesnard désigne les «ordres» de Pascal, en chacun desquels se définissent un bien et une fin. Voir «Le thème des trois ordres dans l'organisation des Pensées», dans Pascal, thématique des Pensées, sous la direction de Heller, Lane M. et Richmond, Ian M., Paris, Vrin, 1988, p. 39.Google Scholar

14 A. W. S. Baird a relevé les occurrences du terme pour illustrer sa thèse sur l'ambivalence de Pascal quant à la morale naturelle; voir Studies in Pascal's Ethics, La Haye, Nijhoff, 1975, chapitre 2.Google Scholar

15 «Comme c'est un crime de troubler la paix où la vérité régne, c'est un crime de demeurer en paix quand on détruit la vérité», écrit Pascal dans ce fragment. Voir aussi la Réponse des curés de Paris, dans les Œuvres complètes, p. 478.

16 Du sein de la pensée janséniste, c'est cette perspective que développeront les Essais de morale de Nicole, en mettant l'accent sur la positivité qui est à l'œuvre dans l'ordre de la concupiscence et en opérant ainsi une légère inflexion de la rigueur pascalienne dans le sens de la morale de l'intérêt. Ceci nous semble significatif dans la genèse des Lumières au XVIIIe siècle, comme nous avons tenté de le montrer ailleurs; voir notre ouvrage Penser l'appartenance. Enjeux des Lumières en France, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1995, chapitre 1.Google Scholar

17 Voir le Second Discours, dans les Œuvres complètes, p. 367.

18 Voir notamment p. 314, dans les Œuvres complètes.

19 Dans un article récent, Jean-Fabien Spitz a proposé de judicieuses formules pour caractériser cette double nature de l'ordre politique chez Pascal. Ni théoricien du droit naturel (thomiste), ni théoricien de son absence (machiavélien), Pascal est présenté comme étant l'un et l'autre à la fois, comme occupant une position «médiane» entre la dévalorisation radicale qui fait du politique le simple instrument du représentant de Dieu sur la terre et une autonomisation qui assigne à la société humaine une finalité inscrite dans l'ordre de la nature. De cette manière il est possible de situer Pascal au carrefour des deux traditions, thomiste et sceptique, dont la pensée moderne est l'héritière et de voir qu'il échappe simultanément «aux dangers conjoints du désenchantement radical — celui de Montaigne — et de l'enchantement illusoire — celui des philosophes». Voir Spitz, J.-F., «Apparence et fausseté : la double nature de l'ordre politique chez Pascal», Revue internationale de philosophie, vol. 51, n0199 (1997), p. 101118.Google Scholar