Le livre de Louise Marcil-Lacoste traite d'un chapitre controversé de Fhistoire de la philosophic Le dix-huitième siècle a connu un ensemble de doctrines et de thèses auquel réfère l'expression « philosophie du sens commun ». Il s'en faut de beaucoup que cette philosophie du sens commun ait dominé la scène philosophique. De Locke à Condillac et à Kant, en passant par Berkeley et par Hume, la plupart des grands philosophes n'ont que peu à voir avec ce courant. Par contre, il ne serait pas faux de dire que la philosophie du sens commun sous ses diverses formes les accompagne le long de leur itinéraire spéculatif, les conteste, les met au défi, les corrige, les exploite et leur survit dans de nouvelles métamorphoses au siècle suivant (par exemple dans l'orthodoxie académique de Victor Cousin). La recherche qui nous est présentée vise à reconstituer les thèses centrales formulées par deux interprètes du sens commun, le jésuite français Claude Buffier au début du siècle et le philosophe écossais Thomas Reid vers la fin du siècle. En reconstituant ces «systèmes » du sens commun, l'auteur entend exorciser les images d'Epinal qui les caricaturent parmi les historiens et les interprètes; par voie de conséquence, l'auteur songe à régler une question restée jusqu'á présent indécidée: celle du plagiat possible de Reid par rapport à Buffier. La reconstruction raisonnée des «systèmes» est judicieusement réalisée, et il apparaît que la différence est radicale entre les deux penseurs, alors même qu'ils semblent énoncer des positions similaires, au point que l'on finit par se demander si un concept non équivoque de sens commun permettrait encore de les relier l'un à l'autre.