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Le statut de l'argument dialectique d'après. Réf soph. 11, 172a9–15
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
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La détermination du statut de la dialectique aristotélicienne aura certes été l'une des principales tâches auxquelles se seront consacrés les chercheurs de cette seconde moitié du siècle. Le nombre d'études qui traitent de cette question est en effet considérable. Or en dépit de tous ces travaux, l'interprétation de certains passages, où Aristote traite expressément du statut de la dialectique, demeure controversée. C'est entre autres le cas d'un court passage du chapitre 11 des Réfutations sophistiques (= RS), chapitre à propos duquel É. Weil a déjà écrit, dans un article célèbre, qu'il «est décisif pour l'interprétation de la dialectique». Nous nous efforcerons donc, dans un premier temps, d'interpréter ce passage (11, 172a9–15) à la lumière du contexte précis où il s'inscrit; puis, dans un second temps, nous présenterons et discuterons les interprétations que certains des plus grands aristotélisants contemporains (G. E. L. Owen, J. Owens et P. Aubenque) ont données de ce passage.
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 29 , Issue 1: Aristotle , Winter 1990 , pp. 95 - 110
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- Copyright © Canadian Philosophical Association 1990
References
Notes
1 La liste qui suit ne prétend pas à l'exhaustivité; nous nous bomerons en effet à signaler que certaines des études les plus marquantes: Aubenque, P., Le problème de l'être chez Aristote, Paris, Presses universitaires de France, 1962 (en particulier la première partie, chap. III: «Dialectique et ontologie», p. 251–302)Google Scholar; «Science, culture et dialectique chez Aristote», dans les Actes du congrès de l'Association Guillaume Budé, Paris, Les Belles Lettres, 1960, p. 144–149Google Scholar; «La dialectique chez Aristote», dans L'attualità della problematica aristotelica, Padoue, Antenore, 1970, p. 9–31; Berti, E., «La dialettica in Aristotele», dans L'attualità della problematica aristotelica, p. 33–80Google Scholar; Brunschwig, J., «Dialectique et ontologie chez Aristote», Revue philosophique de la France et de l'Éttranger, vol. 89 (1964), p. 179–200Google Scholar (repris dans P. Aubenque et al., Études aristotéliciennes. Métaphysique et théologie [Reprise], Paris, Vrin, 1985, p. 207–228); Evans, J. D. G., Aristotle's Concept of Dialectic, Cambridge, Cambridge University Press, 1977Google Scholar; Moraux, P., «La joute dialectique d'après le huitième livre des Topiques», dans Owen, G. E. L., ed., Aristotle on Dialectic, Oxford, Clarendon Press, 1968, p. 277–311Google Scholar; Wilpert, P., «Aristoteles und die Dialektik», Kant-Studien, Bd 48 (1956–1957), p. 247–257.Google Scholar
2 É. Weil, «La place de la logique dans la pensée aristotélicienne», Revue de métaphysique et de morale, vol. 56 (1951), p. 283–315 (ici p. 309, n. 2); repris dans Essais et conférences I, Paris, Plon, 1970, p. 44–70.
3 Cf. Mét. B 3, 998b17–28; K 1, 1059b24–34; Sec. Anal. II 7, 92b13–14; Top. IV 1, 121a10–19.
4 Cf. Sec. Anal. I 11, 77a31–32.
5 Top. 11, 100a18–20; trad. Brunschwig.
6 Cf. Top. I 1, 100a27–30; Sec. Anal. I 2, 71b17–21.
7 P. Aubenque, Le problème de l'être, p. 257–258.
8 Cf. Poste, E., Aristotle on Fallacies or the Sophistici Elenchi, London, Macmillan, 1866, p. 131Google Scholar, n. 8 :«καθόλ∘υ must be taken in the sense in which it is described in the Analytic, as equivalent to καθ'αὀτό and therefore ὁ καθόλ∘υ) will mean ὁ ἐκ τῶν ἰδἰων ἀρχῶν π∘δεικτικός T. Waitz, Organon, Leipzig, 1844–1846, vol. 2, p. 552: «Nam dialectica neque versatur circa unum genus quod definitum sit, neque revera demonstrat, neque ex iis solis colligit qua; cum ipsa rei natura necessario coniuncta sint (καθόλ∘ν vs. 13–14; cf.Anal. Post. I c. 32).»
9 Leszi, W., Aristotle's Conception of Ontology (Studia aristotelica, vol. 7), Padoue, Antenore, 1975, p. 71.Google Scholar
10 Cf. Studien zur enlstehungsgeschichte der Metaphysik des Aristoteles, Berlin, 1912; Aristoteles: Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin, 1923 (trad, anglaise : 1934).Google Scholar
11 Dans l'édition révisée de l'Oxford Translation (The Complete Works of Aristotle : The Revised Oxford Translation, ed. by Barnes, J., Princeton, Princeton University Press, 1984, 2 vol.)Google Scholar, le même passage devient: «But, as it is, the dialectical argument is not concerned with any definite genus, nor does it prove anything, nor is it of the same type as a universal argument» (nos italiques). On voit immédiatement que Barnes, le réviseur de la traduction de Pickard-Cambridge, a interprété ce passage dans le sens que nous avons exposé et retenu tout à l'heure. Ce seul exemple suffira par ailleurs à prouver que la traduction révisée, que l' on présente encore comme l'œuvre de Pickard-Cambridge, diffère parfois grandement de la traduction originelle. Le lecteur aurait done tort de croire que cette nouvelle édition reproduit les traductions anciennes avec, parfois, de légères modifications; dans plusieurs cas, les divergences de traduction, et done d'interprétation, sont importantes.
12 Dans la mesure où Pickard-Cambridge et Tricot n'exposent pas les raisons pour lesquelles ils traduisent ainsi ὀ καθόλ∘ν, il nous est impossible de mettre à jour le parti pris qui sous-tend cette première interprétation.
13 Cf. Le problème de l'être, p. 211–213.
14 Cf. Aristotle's Concept of Dialectic, p. 41–49.
15 Nous empruntons cette formule à Aubenque (Le problème de l'être, p. 212).
16 Nous nous rallions en effet aux nombreux interprètes, dont Le Blond (Logique et méthode chez Arislote, Paris, Vrin, 1939, p. 50–55) et Aubenque (Leprobleme de l'être, passim), qui ont souligné que la méthode suivie dans la Métaphysique s'apparente davantage aux precédés dialectiques décrits dans les Topiques qu'a la démarche rigoureusement démonstrative exposée dans les Sec. Anal.
17 Cf. The Doctrine of Being in the Aristotelian Metaphysics, 2nd ed., Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1963, p. xxii, n. 21.
18 Cf. «Is There Any Ontology in Aristotle?», Dialogue, vol. 25 (1986), p. 697–707, surtout p. 702–703.CrossRefGoogle Scholar
19 Ibid., p. 699.
20 Cf. ibid., p. 702: «What Aristotle is rejecting here is the possibility of a science whose object would contain all beings under one generic notion.»
21 Ibid., p. 703.
22 Ibid., nos italiques.
23 Cf.p. 9, n.41; p. 34, 35 ct 281.
24 Γ 3, 1005a29-bl (trad. Tricot légèrement modifiée); nos italiques.
25 Γ 3, 1005b5–8 (trad. Tricot); nos italiques. On chercherait en vain une seule référence à ce passage dans tout l'ouvrage d'Owens. Pour ce passage, cf. aussi le commentaire de V. Décarie, dans L 'objet de la métaphysique selon Aristote, 2e éd., Paris, Vrin, 1972, p. 108.
26 G. E. L. Owen, «Logic and Metaphysics in Some Earlier Works of Aristotle», dans 110 Dialogue L. Düring and G. E. L. Owen, éd., Aristotle and Plato in the Mid-Fourth Century, Göteborg, 1960, p. 163–190; repris dans Owen, G. E. L., Logic, Science and Dialectic : Collected Papers in Greek Philosophy, ed. by Nussbaum, M., New York, Cornell University Press, 1986, p. 180–199.Google Scholar
27 Cf. p. 178 : «The inquiry described in Metaphysics Γ is not mentioned in the Organon; nor is it hidden in Aristotle's sleeve. In contexts such as those we have considered, it must have been noticed if it had already established itself, and there is no sign of it.»
28 Pour une discussion approfondie de la position d'Owen, cf. J. D. G. Evans, Aristotle's Concept of Dialectic, p. 41–49.
29 P. Aubenque, «Sens et structure de la métaphysique aristotélicienne», Bulletin de la Société française de philosophie, vol. 57 (1964), p. 1–50 (ici p. 2); repris dans P. Aubenque et al., Études aristotéliciennes. Métaphysique et théologie (Reprise), Paris, Vrin, 1985.
30 P. Aubenque, «La dialectique chez Aristote», dans L' attualilà della problematica aristolelica, p. 9–31 (ici, p. 27, n. 2).
31 P. Aubenque, «Aristoteles und das Problem der Metaphysik», dans Zeitschrift für philosophische Forschung, Bd 15 (1961), p. 321–333 (ici, p. 324); cf. aussi p. 326: «Die wissenschaft, lehren die Zweiten Analytiken, verfährt syllogistisch; man findet aber keine Syllogismenfolge in der Metaphysik des Aristoteles. Im Gegenteil ist die Dialektik das eigentliche Verfahren der Untersuchung überhaupt: sie ist πειραστική und ἐςετατική. Deshalb ist die Metaphysik dialektisch»; les italiques sont de l'auteur.
32 Cf. «Sens et structure», p. 13 et 24.
33 Leproblème de l'être, p. 299, n. 1.
34 Cf. la traduction de Tricot: «Le lieu le plus étendu pour faire dire des paradoxes, c'est celui qu'on rapporte de Calliclès argumentant dans le Gorgias (ωισπερ καὶ ὀ καλλικλῆς ἰν τΨ Γ∘ρόα γέγων). et à l'efficacite duquel tous les Anciens ont cru : on le tire de la nature et de la loi.» Les autres traductions (Pickard-Cambridge, Forstcr, Rolfes) expriment, pour l'essentiel, la meme idee.
35 Cf. sa traduction (citee supra, n. 8) de ce passage : «An abundant source of paradox is what Callicles in the Gorgias is represented as pointing out.» Contrairement aux autres traducteurs, qui croient que le terme λίγωων (a8) reprend s π∘ιεῖν: παράδ∘ςα λέγειν (a7), construction en vertu de laquelle Calliclès fait dire des paradoxes, Poste estime plutôt, à juste titre scmble-t-il, que le terme λίγων se rapporte à tout ce qui précéde ὣσπερ, soit Πλεῖστ∘ς δὲ τόπ∘ς ἐστι τ∘ῡ παράδ∘ςα λέγειν. En vertu de cette dernière construction, Calliclès est tout simplcment cité pour avoir déjà souligné, dans le Gorgias, que le lieu tire de l'opposition entre la nature et la loi est très efficace pour faire dire des paradoxes.
36 Cf. Sidgwick, H., «The Sophists — II», The Journal of Philology, vol. 9 (1874), p. 66–80 (ici, p. 76)Google Scholar. Dernièrement, Kerferd, G. B. (The Sophistic Movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 117)Google Scholar a bien vu que c'est en fait Calliclès qui fait grief à Socrate d'exploiter le lieu tiré de l'opposition physis — nomos; mais e'est à tort qu'il estime qu'en 173a7–8, Aristote impute à Calliclès l'utilisation de ce lieu.
37 J'emprunte cette expression à L. Brisson, qui l'emploie dans son compte rendu (paru dans Dialogue, vol. 17, n° 3 [1988], p. 548–551) de Y. Lafrance, Pour interpréter Platon, tome I: La ligne en République VI, 509d-511e. Bilan analytique des études (1804–1984), Paris, Les Belles Lettres; Montreal, Bellarmin, 1987. D'après Brisson, la méta-herméneutique consiste «non plus à produire telle ou telle interprétation, mais a déterminer les causes de production des interprétations anciennes» (p. 550–551). Notre étude s'inspire beaucoup de l'ambition qui anime les derniers travaux de Y. Lafrance, en particulier, outre l'ouvrage susmentionné, «L'avenir de la recherche platonicienne» (Revue des études grecques, vol. 94 [1986], p. 271–292), où la pertinence et l'urgence d'une méta-herméneutique sont clairement exposées.