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Intelligibilité et réalité chez Hobbes et chez Spinoza

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Jean Bernhardt
Affiliation:
C.N.R.S., Paris

Extract

Entre deux philosophes on n'établit de confrontation radicale et, éventuellement, de filiation effective que du point de vue des principes de l'intelligibilité. Or, ce n'est pas du tout de ce point de vue central que l'on s'est géneralement placé pour apprécier l'influence de Hobbes sur Spinoza. Presque toujours, on s'est restreint à la sphère de la théorie politique. En première apparence, les textes de Spinoza lui-même cautionnent ce parti-pris, puisqu'on n'y trouve explicitement cité le nom de Hobbes qu'en deux endroits, le Théologico-politique, note XXXIII au chapitre XVI et la lettre L à Jarig Jelles, du 2 juin 1674, qui ont en commun de prétendre l'un comme l'autre s'opposer à la pensée politique de Hobbes. Quant à la litterature critique, on peut se référer à l'exemple d'un ouvrage particulièrement attentif aux problèmes de sources et d'influences: The Philosophy of Spinoza de H.A. Wolson, dans ses chapitres consacrés à la méthode, évoque beaucoup d'anciens et de modemes, sans dire un seul mot de Hobbes.

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Articles
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References

1 1934, 2 vol. réimprimés à New-York en un seul, 1958. Les chapitres sur la méthode: « Behind the geometrical method », vol. I, chap. I, pp. 3–31 et « The geometrical method », chap. II, pp. 32–60. Trois influences essentielles: Aristote, Maïmonide et Descartes : vol I, p. 19.

2 E. Cassirer, Das Erkenntnisproblem … , II, p. 49 sq., 86 sq.

3 M. Gueroult, Spinoza, II, surtout pp. 482 sqq.

4 C'est la thèse de Leo Strauss, The Political Philosophy of Hobbes, trad. E.M. Sinclair, Oxford, 1936. Cf. le dernier alinéa de l'ouvrage.

5 Lettre citée par L. Brunschvicg dans une note sur Hobbes, Etapes de la philosophie mathématique, 3e éd., p. 91, n. 3. Citée aussi et commentée par Gueroult, Spinoza I, p. 173. Le De intellectus emendatione est cité ici selon l'édition Koyré: les alinéas correspondants sont 41 et 51–53.

6 Spinoza II, p. 483, n. 60.

7 Par F. Tönnies à Londres, en appendice aux Elements of Law ; nouvelle impression, Cambridge, 1928; 2e édition (Goldsmith-Tonnies), Londres, 1969 (pp. 193–210).

8 Chez Fr. Bacon, le mouvement local ne sufflt jamais à produire par lui-même une « nature simple » ; il constitue seulement une condition nécessaire de la mise en œuvre de la forme qui produit cette nature. Bacon répéte significativement la critique aristotélicienne de Platon: les formes ne doivent pas être séparées de la matière (The Advancement of Learning, II, VII, 5, édition Kitchin, p. 94), mais elles lui sont en même temps hétérogènes et ne font que correspondre à des structurations matérielles. Cause matérielle et cause efficiente sont, dit-il, les « véhicules » (vehicula) des formes (Novum Organum, II, §§3 et 23, éd. Spedding-Ellis-Heath, 2e éd., I, pp. 228 et 270).

9 1638 est la date probable de l'original perdu d'où dérive le manuscrit publié en appendice de la Critique du De Mundo de Th. White, éd. Jacquot-Jones, , Paris, 1973, cf. pp. 449 et 452Google Scholar. Autres références: Elements of Law, I, 1, 8; Critique de White, p. 117; De corpore, VII, 1.

9 bis. Critique de White, p. 252 ; Leviathan, chap. 2, éd. MacPherson, p. 88, trad. Tricaud, p. 14.

10 Cf. Elements of Law, 1, 4, 6, 2e éd. pp. 14–15 ; trad. Louis Roux, Les Eléments du Droit, Lyon, 1977, p. 144. Voir aussi Critique de White, p. 353; De corpore, 1, 2, Opera latina Molesworth, I. p. 3 ; Leviathan, chap. 3 et 46, éd. MacPherson, pp. 97 et 682; trad. Tricaud, pp. 23–24 et 678. – II y a une certaine affinité entre cette critique de la méemoire des liaisons habituelles et la critique spinoziste de la « cognitio ab experientia vaga » (Eth. II, Prop. 40, sc. 2) qui produit les « universaux » (ibid., sc. 1); Spinoza ne lisait pas I'anglais, mais avait en sa possession les Opera philosophica de 1668, qui contiennent la traduction latine de Leviathan.

11 De corpore, VI, 4, Op. lat. I, p. 61. Traduction du texte latin.

12 Cf. le fragment inaugural de Spinoza III de Gueroult, publié par Mme G. Dreyfus dans la Revue philosophique, 1977, 3, p. 296.

13 De corpore, VI, 5, p. 62.

15 Vita Tho. Hobbes, Op. lat. I, p. XXI (formule très voisine de celle du De corpore VI, 5).

15 bis. Sur analyse et synthèse, cf. surtout De corpore, XX, Propositio 6, pp. 251 sqq.

16 De corpore, VI, 1, p. 59.

17 La lettre de Hobbes au comte de Newcastle, datée de Paris, 29 juillet/8 août 1636, Historical Manuscripts Commission, 13th Report, Appendix, The Manuscripts of the Duke of Portland, vol. II, Londres, 1893, p. 128, esquisse déjà les rapports de la théorie et de l'expérience en « philosophie de la nature », en réclamant de la théorie cohérence logique et accord avec les effets phénoménaux. Voir plus bas le texte des Six Lessons.

18 Cf. De corpore, I, 5, p. 6, (cité par Gueroult, Spinoza I, p. 171, n. 95, à propos du De intell. emendatione, §41 = §72 de l'éd. Koyré); aussi XX, Prop. 6, p. 254; XXV, 1, p. 315.

19 Voir à ce sujet les réflexions de J. Beaufret. Irréductibilité de la science et de la philosophie, in Cahiers de Philosophie, no I, Janvier 1967 (Groupe d'Etudes de Phil. Univ. Paris, pp. 95–113, texte repris dans Id., Dialogue avec Heidegger, t. III.

20 Le sens de la vue, si peu connecté à l'appétit de connaissance au XVIe siècle (L. Febvre) devient prééminent au XVIIe en liaison avec le mécanisme; en particulier, J.W.N. Watkins a raison (Hobbes's System of Ideas, Londres, 1965, pp. 33–34) d'estimer contre L. Strauss que Hobbes s'intéresse beaucoup plus à la vision qu'au toucher; du reste, le Short Tract d'abord, trois traités d'optique ensuite, en portent suffisamment témoignage.

21 Il est aussi inutile de chercher un terme tel que celui de « mécanisme » dans les ceuvres de Hobbes que par exemple celui de « matérialisme » chez Platon. Mais, à mon sens, c'est une erreur que de se priver de ces termes à propos des classiques qui n'en usaient pas, au lieu de se demander quand et pourquoi s'est répandu l'emploi de ce genre d'étiquettes, notamment en – isme, qui se rapportent, parfois imprudemment, à l'histoire (Geschichte) de la philosophie, mais semblent n'apparaître qu'avec la discipline historiographique (Historie) correspondante. – On identifie le mécanisme chez Hobbes par la réduction de toute réalité physique à configurations et mouvements locaux et par les principes d'extériorité et de contact (cf. le Short Tract).

22 On observera que plus on tient à la certitude dogmatique du mécanisme en général et plus il faut admettre la finesse, l'invisibilité, l'opacité inscrutable des mécanismes particuliers, puisque, selon l'évidence perceptive, les phénomènes ne dévoilent aucun mécanisme la plupart du temps, par exemple dans les couleurs. Ce thème antiaristotélicien du secret des structures fines est déjà présent chez Fr. Bacon (Novum Organwn, II, §6; De augmentis, V, 2 etc.) avant de s'incorporer au mécanisme intégral de Hobbes, dès le Short Tract.

23 English Works Molesworth, VII, pp. 181–356; le fragment traduit est tiré de l'Epître dédicatoire, p. 183 sq., il est reproduit et commenté par A. Child, Making and Knowing in Hobbes, Vico and Dewey, Univ. of California Publications in Philosophy, vol. XVI, fasc. 13, 1953, pp. 271–310.

24 Cf. Aristote, Analytiques seconds, 1, 2, 71 b 9–12; II, 11, 94 a 28; Métaphysique, A 3, 983 a 24–26; Physique, II, 3, 194 b 17–20; Fr. Bacon, Novum Organum, II §2.

25 Causa efficient : De corpore XX, Prop. 6, p. 254. Sur le principe général de la connaissance par les causes chez Hobbes, cf. le texte traduit plus haut, référence en n. 11 ci-dessus.

26 De corpore VI, 5, p. 62. Ci-dessus, nn. 13 et 14.

27 Cf. les références de la n. 51 de mon article Infini, Substance et Attributs, sur le Spinozisme, Dialogue, XIV, 4, décembre 1975, pp. 561–562. On peut y ajouter Aristote, Traité de l'âme, Paris, 1900, II, commentaire de G. Rodier, pp. 140–141 et aussi une belle étude de Michel Narcy, Aristote et la géométrie, Etudes philosophiques, 1978, 1, pp. 13–24, notamment p. 18: « plus certes en géométrie que partout ailleurs, connaître, c'est faire » avec réf. à Métaph. θ 9, 1051 a 31–32: la découverte d'Euclide a sans doute ranime et renforcé une certaine influence d'Aristote sur Hobbes plus qu'elle n'a pu la supplanter; de méme, la lecture des Praelectiones de Savile (signalé par Gueroult, Spinoza II, p. 483, n. 62). C'est à partir du mouvement comme sensible commun fondamental que s'opère selon Aristote l'abstraction mathématique: de Anima, 111, 1, 425 a 15–17 et Granger, Théorie aristotélicienne de la science, p. 295

28 Cf. mon article cité, même note 51 et pp. 84–86 (Wallis); Newton, qui connaît Wallis (et Barrow, lecteur de Hobbes) met aussi en vedette l'intuition globale du mouvement continu dans le De quadratura curvarum de 1676 (cf. C.B. Boyer, The History of the Calculus, p. 195).

29 « De multiple façons une même chose peut s'engendrer, un même problème se construire », trad, de De corpore XX, Prop. 6, p. 254. Cf. Critique de White, pp. 192–193 et Examinatio, Opera latina, IV, p. 43 ; aussi Tractatus opticus II, début, Rivista critica di storia della filosofia, 1963/2, p. 147.

30 En raison de la finesse imperceptible des structures, cf. De corpore VI, 6, p. 64: « la physique ne peut être saisie par l'entendement (intelligi) à moins de connaître le mouvement qui a lieu dans les parties les plus fines des corps » et en détail. Cf. ci-dessus n. 22. C'est là une recherche sans fin, l'espace n'admettant pas de minimum (Short Tract, section II, 8, p. 201; De corpore VII, 13, p. 89).

31 De corpore VI, 2, p. 60. Cf. Aristote, Métaph. δ 11, 1018 b 30 sqq.; 1019 a début; Physique, I, 1, 184 a 17–19; etc.

32 Météor, 1, 7, 344 a 5 sqq.; cité par Descartes, Principia VI, art. 204, éd. Adam-Tannery, VIII–1, p. 327, dans un esprit proche de Hobbes. Traduction du texte grec par J. Tricot. Les commentateurs anciens, Alexandre, Philopon, précisent que cette possibilité est plus exactement absence d'impossibilité (cf. trad. Tricot, p. 32, n. 1). De même Hobbes, « detectio impossibilitatis », De corpore XX, Prop. 6, p. 253.

33 Notament dans le passage traduit plus haut des Six Lessons, Hobbes met sur le même plan que la géométrie la science politique: la paix civile dépend de nous comme la construction des figures. Aussi, le Leviathan latin de 1668 écrit-il au chap. 4, Opera latina Molesworth, III, p. 26, que «la géométrie … est presque (fere) la seule science exacte », tandis que le texte anglais du même chapitre prétend sans concession que «la géométrie … est la seule science (is the only Science) que jusqu'ici il ait phi à Dieu d'octroyer à l'humanité », trad. Tricaud, p. 31, texte anglais MacPherson, p. 105. On peut soutenir que sur le problème précis de la paix civile et de la sûreté de l'Etat, mis à part l'insigne exception du Souverain, la docilité passive est le sort commun (cf. mon article cité in Dialogue, XIV, 4, déc. 1975, p. 559 et n. 43Google Scholar ; il est vrai que l'acte inaugural du contrat social peut apparaître comme une « servitude volontaire ».

34 The Correspondence of Henry Oldenburg (A. Rupert Hall & Marie Boas Hall), vol. I, 1641–1662, Univ. of Wisconsin Press, 1965, pp. 7476.Google Scholar

35 Ibid., p. 74. Oldenburg recherche des indications bibliographiques pour un ami (Boyle ?) sur les applications des mathématiques.

36 Ibid., p. 75.

37 Ibid., vol. II, pp. 179–182 et III, pp. 193–199 (Wallis); II, pp. 626–628 (Moray).

38 On rappellera qu'en faisaient partie Digby, Sorbière, W. Petty, William Cavendish, IIIe comte de Devonshire, tous liés à Hobbes de diverses façons. Oldenburg était de plus en relations avec la famille Cavendish. Querelles: par ex. Oldenburg et Hooke (Westfall, , Science et Religion, éd. de 1973, Univ. of Michigan, p. 16Google Scholar); divergences: théoriciens mécanistes et chercheurs plus expérimentalistes et empiristes (cf. ibid., p. 80). Si les portes de la Société restèrent fermées à Hobbes, ce fut moins sans doute par suite de ses intenables préjugés en mathématiques que parce qu'il eut contre lui le clan des évêques et des universitaires, aux yeux desquels il faisait figure d'athée (selon une légende répandue à la Cour en exil de Saint-Germain, milieu catholique, dès 1646, et renforcée par la théologie de Leviathan en 1651), à l'encontre des buts scientificoreligieux de la Société.

39 Cf. The Corresp. ofH. Oldenburg, I, notes à la lettre d'Oldenburg à Spinoza du 16/26 août 1661 (–lettre I de la Corresp. de Spinoza), pp. 415–416, voir aussi sur Coccejus p. 304 et n. 4.

40 II ne s'agit là que d'une conjecture, car si l'étude de la diffusion de Hobbes est encore insuffisante en matière de théorie politique, elle est tout à fait inexistante en matière d'optique, de physique et de mathématiques.

41 On ne voit pas Chr. Huygens dans ce rôle: ses relation avec Spinoza datent d'avant 1665 (cf. Corresp. H. Oldenburg, II, p. 549), mais il en savait trop, lui, en mathématiques, pour diffuser les idées de Hobbes, dont Moray le tenait informé.

42 Cf. Spinoza II, chapitre XVII, IV, §XI, p. 482. – Le texte de l'Examinatio dont on se sert habituellement est celui de l'édition de 1668, reproduit par Molesworth, Opera latina, IV, pp. 1–232 ; il est amputé par rapport à l'éd. de 1660 de 46 propositions sur le cercle, dont l'une renferme le seul témoignage direct de l'auteur sur son « illumination euclidienne ».

43 Spinoza II, p. 484 (traductiondu texte de l'Examinatio sur la définition, Opera lat. IV, pp. 86–87) et importante n. 68, bas pp. 484–485, à mettre en rapport avec les références du De intellectus emendatione, ibid., pp. 473–479 et nn.

44 Les Tentamina physiologica de 1659.

45 La date: fin 1661, d'après Gebhardt, cité dans l'édition Koyré, p. XI, n. 1. Passage de la lettre dans la trad. Misrahi, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1137 des Oeuvres de Spinoza ; texte non dépourvu d'obscurité, par la juxtaposition d'un passé (« j'ai composé » …) et d'un présent (« je suis occupé à l'écrire »). Koyré interprète ces deux temps comme désignant successivement une période de conception et une période de rédaction effective (éd. Koyré, XI). Mais que faire de la crainte des polémiques théologiques dont la lettre fait état immédiatement après ? La solution de Koyré est très vraisemblable: cette crainte concerne le Court Traité, que Spinoza voulait récrire, et le De intellectus emendatione est une « introduction méthodologique » à cette seconde version à venir (éd. Koyré, p. XIII).

46 Plutôt que « vers 1660–1661 » (Koyré, avant-propos de son éd., p. XI); « le Traité (…) est probablement de 1661 » (Roland Caillois, Bibl. de la Pléiade, p. 155).

47 §72 Koyré (= §41), trad. Koyré, p. 58, texte p. 61; trad. Gueroult, Spinoza II, p. 484, texte Opera latina IV, p. 87. Textes: « sciamus nullum in Natura globum sic unquam ortum fuisse » (De intell. em.); « nullum enim est sphaera, quae per circumductionem facta est a natura » (Examin.). II est vrai que la traduction de Gueroult accentue la ressemblance (lemot circumductio n'est pas retraduit dans la phrase citée et il n'est pas employé, d'ailleurs, par Spinoza, qui écrit « semicirculum … rotari », « ex rotatione … rotari» (p. 59). La même idée est tout de même rendue avec un vocabulaire presque constant et le même exemple.

48 §33 Koyré (= §27); respectivement trad. Gueroult, Spinoza II, p. 484 et trad. Koyré p. 26. Textes de l'Examinatio, Op. lat. IV, p. 87: « Qui figuras definiunt, ideas quae in animo sunt, non ipsa corpora respiciunt » et du De intell. emendatione, éd. Koyré, p. 27: «Idea … circuli non est aliquid, habens peripheriam, et centrum, uti circulus, nee idea corporis est ipsum corpus ».

49 Cf. mon article cite in Dialogue, XIV, 4, déc. 1975, n. 30, pp. 556–557.

50 Dès 1662, cf. Koyré, éd. de la Réforme de l'entendement, p. XIII; il est possible que la refonte du Courte Traité ne fasse qu'un avec l'Ethique, ibid., p. 3.

51 Examinatio, Op. lat. IV, p. 85: « Scio quae pulchra sunt, difficilia esse » ; Hobbes ajoute que la converse n'est pas nécessaire. Le contexte est chez lui purement mathématique, se référant aux « lignes irrationnelles » du livre X des Elements d'Euclide. II est peu probable que Spinoza, peu attiré par le platonisme, ait tiré directement de l'Hipp. major, 304 e, la citation terminaíe de l'Ethique. – Au contraire, l'expression d'« experientia vaga » (ci-dessus n. 10 et De intell. emend., §19 Koyré = §12, etc.) vient directement de la lecture de Bacon, Novum Organum, I, §100.

52 Op. lat. IV, à partir de la p. 226.

53 Cf. éd. Koyré, p. 5, §1, surtout ad fin. De mêrae, p. 5, §2 ad fin.; p. 10, §10 etc.

54 Du §19 Koyré = §11, Wolfson, Phil, of Spinoza II, p. 137, rapproche De corpore, II, 25, p. 13. Mais l'hypothèse d'une source commune ne peut être exclue, Bacon une fois encore, qui est littéralement plus proche des termes de Spinoza: « ad placitum ». à propos des signes conventionnels, est commun au De intell. emend., Koyré p. 17 et au De augmentis, VI, 1.

55 (II est nécessaire) « ut semper a rebus physicis, sive ab entibus realibus, omnes nostras ideas deducamus », trad. Koyré, texte p. 83, §99 = §57.

56 Les termes sont imaginatio et intellectio, trad. Koyré, texte p. 73, §87 = §46.

57 Cf. Examinatio, Op. lat. IV, p. 87: « ex iis quae imaginantur fien »(mot souligné dans le texte; quae est un neutre complément, il s'agit des universalia élémentaires). On remarquera que dans les Objectiones Tertia, publiées par Descartes à la suite des Meditationes (premier texte latin de Hobbes par ordre de publication et peut-être le seul qu'ait pu connaître Spinoza avant 1661), Hobbes établit « une grande différence » entre « imaginer, c'est-à-dire avoir une idée (ideam)» et « concevoir (mente concipere), c'est-à-dire conclure par raisonnement (ratiocinando colligere)», Objectio IV, Op. lat. V, p. 257 ou Oeuvres de Descartes, Adam Tannery, VII, p. 178. II est clair que pour Hobbes toute représentation ressortit soit à la sensation, soit à l'imagination, faculté des idées ou images, dérivées de la sensation, et qu'il ne peut y avoir chez lui d'intuition rationnelle, ni de représentation non finie. La conception de Spinoza, dans le texte cité du De intell. emend. §87, est évidemment tout opposée.

58 Ed. Koyré, §95 = §51; le §99 = §57 recommande d'éviter «les choses abstraites » : « rei abstractae », p. 79, « abstracta», p. 83. – Sur la « construction » comme base de la « démonstration » (demonstratio, constructio, ce dernier en synonymie avec generatio), Examinatio, Op. lat. IV, p. 66.

59 Ed. Koyré, §85 = §46, p. 73.

60 Trad. Koyre (« quelconque » est une traduction trop forte), §19 = §13, texte p. 17, et n.

61 « Nous ne comprenons (intelligimus, Appuhn traduit: connaissons) rien de la cause en dehors de ce que nous considérons dans l'effet », trad. Koyré, texte p. 17, n. – Dans l'Examinatio, p. 87, on voit que l'on peut essayer de présenter les effets réels, par analogie, comme des conséquences de certains principes géométriques (comme des constructions à partir de certains éléments universels, simples et clairs), dans l'ignorance totale des causes réelles.

62 «(…) abstractis, quamvis sint vera axiomata », éd. Koyré, §75 = §42, p. 63; « universalia », §76 = §42, p. 65.

63 Trad. Koyré, §101 = §57, p. 85: « haec flxa et aeterna, quamvis sint singularia » ; ces réalités fixes et singulieres fonctionneraient toutefois « tanquam universalia, sive genera » par rapport aux réalités singulières changeantes, ibid.

64 Spinoza II, p. 608, cf. sur ce problème pp. 606–608, ainsi que p. 596.

65 Gueroult, Ibid., p. 598; cf. pp. 595–600 (analyse disqualificative des exemples de l'opuscule). Sur la rectitude de la connaissance rationnelle, De intell. emend., §28 Koyré = §24; « absque periculo erroris ».

66 Gueroult, ibid., p. 600.

67 Cf. éd. Koyré, « ab ipsa intellectus potentia, et natura », §71 = §41, p. 59 et « intellectus vi sua nativa facit » etc, §31 = §26, p. 25 ; « (cogitationes) a nullo objecto externo determinatae », §71 = §41, p. 59; « ex pura mente », §91 = §49, p. 77, proviennent les idées claires et distinctes, par opposition à celles qui ont pour origine des « mouvements fortuits du corps ». Le texte le plus affirmé est au § 108 = §68, p. 91 (no VI): « Ideae, quas claras et distinctas formamus, ita ex sola necessitate nostrae naturae sequi videntur, ut absolute a sola nostra potentia pendere videantur » (« Les idées que nous formons claires et distinctes découlent de toute évidence de la seule nécessité de notre nature d'une façon telle que de toute évidence elles dépendent de notre seule puissance absolument », trad. Koyré modifiée).

68 Le point a une épaisseur, il est indivis, non indivisible; la ligne a une largeur, mais « nulla (latitudo lineae) consideratur in demonstratione » ; Hobbes fait un rapprochement avec les incomparabilités sensible en astronomie, par ex. la Terre comme point par rapport à l'orbite de sa translation annuelle, cf. Examinatio, Op. lat., IV, p. 33 (et mon article cité in Dialogue, XIV, 4, déc. 1975, n. 51, p. 561–562) – Ce principe de négligence est en rapport avec la fonction de fixation du langage, point que je laisse ici de côté.

69 Cf. mon article in Dialogue, XIV, 4, déc. 1975, p. 567 et n. 69 – La liberté des compositions géométriques (on n'est jamais contraint par une dialectique interne de composer tels éléments plutôt que tels autres, s'il est vrai que tels éléments étant donnés, telles compositions s'ensuivent nécessairement) est essentielle chez Hobbes dans le passage de Thucydide à Euclide, et aussi bien dans le passage de la guerre civile à la paix civile. Du point de vue de la physique mécaniste, les causes formelles, comme on l'a vu, se résorbent dans les causes efficientes, mais du point de vue des constructions possibles (et aussi dans la subordination du mécanisme à des finalités immanentes, ce qui transparaît chez Hobbes des le Short Tract), les causes formelles ne disparaissent pas, mais plutôt s'incorporent les causes efficientes (cf. Gueroult, Spinoza I, p. 295, n. 88), en leur conférant dans chaque cas une unité spécifique.

70 Ed. Koyré, §42 = §28, trad. p. 32, texte p. 33 (« originem et fontem totius Naturae »); « exemplar » est plutôt le modèle qu l'image. Cf. §73 = §41 ad fin ; §80 = §43 ; §99 = §57.

71 Cf. R. Violette, Méthode inventive et méthode inventée dans l'introduction au De int. emend., Revue philosophique, 1977, 3, pp. 303–322; -J.-L. Marion, Le fondement de la Cogitatio selon le De int. emend., Etudes philosophiques, 1972, 3, pp. 357–368 (analyse des §§104–105 = §60, avec maintien du texte de fin §104 et mise en évidence de la non-coincidence du fondement de la pensée avec Dieu, séparation qui paraît dans le prolongement de l'inspiration hobbsienne).

72 « Debito ordine », éd. Koyré, §36 = §27; « bono ordine (mens) incipit deducere », §61 = §38; etc.

73 Hobbes sui sur ce point Aristote et ne distingue pas éternité et durée sans fin, cf. Aristote, Métaph. A 7, 1072 b 29, ainsi que De caelo, 279 a 18 sqq. et 283 b 29 sqq. ; Hobbes, Leviathan, ch. 46, texte latin de 1668, Op. lat. III, p. 500 (traduit par Tricaud en n., p. 699); anglais, éd. MacPherson, p. 693 (trad. Tricaud, p. 687).

74 Cogitata metaphysica II, I, trad. Roland Caillois, Oeuvres de Spinoza, Pléiade, pp. 321–322. ? Hobbes pense les vérités géométriques en termes d''omnitemporalité, cf. Leviathan, chap. 4, éd. MacPherson, p. 104, trad. Tricaud, p. 30; latin, Op. lat. III, p. 25.

75 Cf. mon article cité des Cahiers Spinoza 2, pp. 71–72. – Spinoza a évité un péril où sont tombés certains mathématiciens. II a beau être intuitionniste comme les géomètres « mécaniques », cf. Ibid., p. 81, n. 94, il se rend compte que la continuité du mouvement et toute autre continuité doivent être analysées, cf. ibid., p. 90, n. 125 et p. 91, n. 127; on ne se délivre pas de l'infini actuel en suivant comme de l'œil ou en refaisant un mouvement, ce qu'a eu le tort de croire Newton, cf. ci-dessus n. 28. La pensée mathématique du mouvement n'est pas une pensée en mouvement (et le texte du De quadratura curvarum de Newton cité par J. Milet dans Bergson et le calcul infinitésimal, Paris, 1974, pp. 148–9, à l'appui de l'interprétation bergsonienne des fluxions, est en fait rempli d'expédients métaphoriques, sans avenir aucun dans l'histoire du calcul infinitésimal). Dans l'Ethique, I, sc. post Prop. XV, Spinoza s'oppose à l'Examinatio de Hobbes, Op. lat. IV, p. 33, en refusant la genèse de la ligne à partir du point etc. (cf. De intell. emend., Koyré §108 = §65, où la quantitas infinita est posée comme condition première de cette genèse, ce qui va directement et à juste titre contre la conception aristotélisante de Hobbes, qui est aussi celle de Newton).

76 Cf. éd. Koyré, §92 = §50: « si la chose existe en soi (in se), ou, comme on dit vulgairement (ut vulgo dicitur), est cause de soi» ; cf. §97 = §§54–55: une chose incréée exclut toute cause, n'ayant besoin que de son être à elle (la cause est conçue ici implicitement comme extérieure et transitive).

77 La causalité de soi-même ne constitue pas l'essence de Dieu, c'est un « propre » ou une propriété de Dieu; mais une propriété singulièrement proche de l'essence en tant que principe d'être et d'intelligibilité de la substance divine, cf. Gueroult, Spinoza I, pp. 41–42. Sur la différence des propres et des propriétés, ibid., p. 66, n. 198. – Pour Hobbes, Dieu est incompréhensible, cf. par ex. Leviathan, ch. 34, éd. MacPherson, p. 430 (trad. Tricaud, p. 420), latin, Op. lat. III, p. 282.

78 Sur les trois sens de simple, cf. Gueroult, Spinoza I, p. 108, n. 8. – Ici, la simplicité s'entend de chacun des attributs-substances dont se compose Dieu, d'ailleurs simple à son tour dans son unité de second degré, en tant qu' « absolument infini» ou unité intégrate d'une infinité d'attributs-substances. Sur ce problème, cf. mon article cité in Dialogue, XIV, 4, déc. 1975.Google Scholar

79 Cf. Gueroult, Spinoza II, p. 8 et n. 3.

80 Déjà cité ci-dessus, n. 12. Cf. Revue philosophique, 1977, 3, pp. 285–302, notamment pp. 287, 290–291, 294–298.

81 Hobbes est nécessitariste de manière convaincue dès le Short Tract, où le libre-arbitre est déjà dénoncé comme une contradiction, celle de pouvoir agir ou ne pas agir, quand les causes de l'acte sont posées toutes au complet (Section I, Concl. 11, corollaire) et cette conviction est au fond de sa controverse ultérieure avec l'arminien Bramhall. La liberté des compositions définit chez lui une liberté d'ordre empirique, qui ne contredit pas la prédétermination transcendante de toutes choses par Dieu. Chez Spinoza, cette distinction de plans n'a plus lieu d'être, du moins au plus haut de la conscience philosophique: la croyance hobbsienne en la prédestination céde la place au savoir de la nécessité divine (et à l'amour intellectuel de Dieu), liberté en Dieu et par Dieu au-dessus de tout choix et dans la partaite clarté du vrai.

82 Ce qui rend difficile l'étude histonque des relations de la pensée de Hobbes et de celle de Spinoza, en l'absence de documents précis, c'est surtout leur relative communauté de culture car il est de fait qu'ils puisent partiellement aux mêmes sources, par ex. Fr. Bacon (cf. ci-dessus, n. 51 ad fin, n. 54); ils connaissent l'un et l'autre des milieux religieux plus proches de l'Ancien Testament que du Nouveau, qu'il s'agisse d'éducation puritaine dans un cas, de lectures hébraïques dans l'autre, et de plus tous deux vivent en pays de religion réformée, plus particulièrement marquèe par le calvinisme et aussi le fourmillement des sectes (Hobbes se situerait à mi-chemin de Calvin et de Spinoza, tels que les distingue Gueroult, Spinoza I, p. 385, cf. mon article Raison et foi chez Hobbes, in recueil collectif Science, raison, progrès aux XVIIe te XVIIIe siècles dans le monde anglo-américain, Paris, Univ. Sorbonne nouvelle, 1978, pp. 6778Google Scholar). On n'expliquera pas par des influences interindividuelles le nécessitarisme et la négation du libre-arbitre qui sont communs au penseur anglais et au penseur des Pays-Bas. Je n'ai pas cherché à confronter avec le spinozisme le nominalisme de Hobbes, d'abord parce que la question ne se pose guère à propos de l'Examinatio, en second lieu parce que la conception de Hobbes ne me paraît pas correspondre à certaines outrances de ses polémiques (propres à stupéfier entre autres un Leibniz). C'est pourquoi j'ai le regret de ne pas me sentir d'accord sur ce point particulier avec M. Gueroult quand il écrit que « Hobbes (…) considère les idées comme des mots et la science comme un discours verbal », names, nomina – renvoient aux idées ou images qui renvoient à leur tour aux choses extérieures qui les produisent en agissant sur notre corps (cf. les IIIae Objectiones, IV, Op. lat., V, p. 258 = Descartes, Adam-Tannery, VII, p. 178, où l'on a la suite régressive: ratiocinatio, nomina, imaginatio, motus organorum corporeorum, seul est omis ici le premier maillon, la chose extérieure, mais on la trouve sans ambiguïté dès le Short Tract). Le nominalisme de Hobbes est sémantique, non syntaxique, ce qui s'accorde bien avec son intuitionnisme et son mépris du symbolisme, notamment de l'algèbre (cf. Gueroult, Spinoza II, p. 483) qui préfigurent l'intuitionnisme et l'antisymbolisme de Spinoza (ibid., p. 485). Jamais Hobbes ne s'est mis en situation d'effectuer, malgré les expressions qu'il emploie, un véritable « calcul logique », opérant de manière autonome sur des symboles. Voir Dascal, M., La sémiologie de Leibniz, Paris, 1978, notamment pp. 143145 et 191–196.Google Scholar