Introduction
Comme ailleurs dans le monde et au Canada, la population québécoise vieillit rapidement. En fait, le Québec figure parmi les sociétés qui connaissent un vieillissement des plus rapides, après le Japon et la Corée du Sud (Institut de la statistique du Québec, 2015). En 2031, il est prévu que le quart des Québécois seront âgés de 65 ans et plus et, en 2061, près du tiers (Gouvernement du Québec, 2018). Considérant que trois aînés sur quatre rapportent au moins une condition chronique qui limite quotidiennement leur fonctionnement (Institut canadien d’information sur la santé, 2011), le vieillissement est une préoccupation importante pour les gouvernements et les décideurs du système de la santé et des services sociaux. Des interventions doivent ainsi être mises en place pour favoriser un vieillissement actif dans un contexte de ressources financières et humaines limitées (Hébert, Reference Hébert2012). La santé positive, la participation sociale et l’équité en santé sont trois résultantes favorisant l’atteinte d’un vieillissement actif et en santé (Lindström et Eriksson, Reference Lindström and Eriksson2012). S’intéressant aux facteurs qui favorisent la santé et qui renforcent l’efficacité d’interventions cliniques et populationnelles (Roy, Levasseur, Couturier, Lindström et Généreux, Reference Roy, Levasseur, Couturier, Lindström and Généreux2014), la santé positive (SP) se mesure en fonction du degré de satisfaction de la personne par rapport à sa vie actuelle, à sa situation sociale et à sa performance occupationnelle, c’est-à-dire la façon dont elle réalise ses occupations. La santé positive favorise ainsi un vieillissement actif, notamment en soutenant la participation sociale. La participation sociale (PS) est définie par l’implication de la personne dans les activités qui lui procurent des interactions avec les autres dans la communauté (Levasseur, Richard, Gauvin et Raymond, Reference Levasseur, Richard, Gauvin and Raymond2010). L’équité en santé (ÉS) consiste en l’absence de systèmes et de politiques injustes entraînant des inégalités et se caractérise par la présence de groupes de personnes plus vulnérables aux problèmes de santé que la population générale (Agence de la santé publique du Canada, 2011). Une meilleure compréhension de ces résultantes de santé est essentielle pour faciliter l’identification de cibles d’interventions efficaces.
Les composantes clés favorisant un vieillissement actif des communautés permettent d’optimiser la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé des populations
En 2005, afin de favoriser le vieillissement actif et en santé de la population âgée, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déployé le mouvement « ami des aînés ». Initié dans plus de 800 communautés canadiennes, ce mouvement encourage les milieux à activement impliquer, valoriser et soutenir les aînés par des infrastructures et des services qui répondent efficacement à leurs besoins (Alley, Liebig, Pynoos, Banerjee et Choi, Reference Alley, Liebig, Pynoos, Banerjee and Choi2007). Les éléments institutionnels, environnementaux et politiques de ces communautés agissent ainsi selon huit domaines : 1) espaces extérieurs et bâtiments, 2) transport, 3) logement, 4) opportunités de participation sociale, 5) respect et inclusion sociale, 6) participation civique et emploi, 7) communication et information et 8) soutien communautaire et services de santé (OMS, 2007). Par exemple, l’accès aux soins de santé et aux loisirs, la possibilité de tisser des liens sociaux positifs et l’engagement communautaire sont des composantes clés. Selon les écrits recensés, une dizaine d’études permettent de mieux comprendre comment les composantes clés des communautés sont susceptibles de favoriser la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé des aînés. Ces études portaient globalement sur l’environnement physique et social et, plus spécifiquement, sur deux facteurs influençant ces huit domaines, soit la ruralité et les conditions socioéconomiques.
Environnement physique et social
Des facteurs de l’environnement physique et social favorisent le vieillissement actif : l’accès aux ressources et aux loisirs, l’accès aux soins de santé, des quartiers sécuritaires, des interactions sociales, le soutien social et l’engagement communautaire (Smith, Lehning et Dunkle, Reference Smith, Lehning and Dunkle2013). De plus, la présence d’installations récréatives, de verdure et de paysages esthétiques, de rues bien éclairées et d’une infrastructure adaptée aux piétons (Barnett, Barnett, Nathan, Van Cauwenberg et Cerin, Reference Barnett, Barnett, Nathan, Van Cauwenberg and Cerin2017). Une recherche réalisée en Alberta (Canada) a identifié la planification exhaustive, la promotion de l’engagement public et la primauté des besoins des aînés comme actions prioritaires pour le développement d’un environnement bâti qui favorise l’activité physique (Nykiforuk, Rawson, McGetrick et Belon, Reference Nykiforuk, Rawson, McGetrick and Belon2019). Il importe ainsi de poursuivre la planification de ces actions, de promouvoir l’engagement et de prioriser les besoins des adultes âgés (Nykiforuk et al., Reference Nykiforuk, Rawson, McGetrick and Belon2019), et ce, selon différents niveaux de ruralité.
Ruralité
Des facteurs contextuels, tels que la taille de la communauté, son emplacement, sa composition démographique, son aptitude à sécuriser des investissements et son leadership, influencent sa capacité à devenir « amie des aînés » (Menec et al., Reference Menec, Bell, Novek, Minnigaleeva, Morales and Ouma2015). En zone rurale, le manque d’infrastructures, la disponibilité limitée des services sociaux et de santé (Menec et al., Reference Menec, Bell, Novek, Minnigaleeva, Morales and Ouma2015), la dispersion de la population, l’étendue géographique et l’absence de transport collectif et adapté limitent le vieillissement actif (Novek et Menec, Reference Novek and Menec2014). Inversement, toujours en zone rurale et sans égard aux conditions socioéconomiques, le vieillissement actif est facilité par un meilleur accès aux dirigeants locaux et aux partenariats existants, la présence de liens sociaux forts et positifs, un sentiment d’appartenance (Menec et al., Reference Menec, Bell, Novek, Minnigaleeva, Morales and Ouma2015) et l’accès à un large éventail de mesures de soutien communautaire (ex. : prestation de services, repas collectifs et transport bénévole; Novek et Menec, Reference Novek and Menec2014).
Conditions socioéconomiques
Au niveau socioéconomique, comparativement aux personnes vivant dans des quartiers plus avantagés, il a été montré que le bien-être des aînés vivant dans les quartiers plus défavorisés était inférieur (Nieboer et Cramm, Reference Nieboer and Cramm2017). Le bien-être était associé positivement au genre féminin et négativement au faible niveau d’éducation et aux manques de convivialité du quartier (ex. : peu d’espaces extérieurs, mauvais emplacement des bâtiments, transport adapté limité, etc.). Également, les relations avec le voisinage constitueraient une ressource importante pour faciliter le maintien à domicile des aînés (Nieboer et Cramm, Reference Nieboer and Cramm2017).
Communautés estriennes
Selon une enquête estrienne, la scolarité, la détresse psychologique et un sentiment d’appartenance supérieur envers sa communauté favoriseraient une participation sociale accrue, principalement chez les gens ayant une bonne résilience (Levasseur et al., Reference Levasseur, Dubois, Généreux, Menec, Raina and Roy2017; Richardson, Reference Richardson2002). Une autre enquête a par ailleurs identifié six communautés dont les résidents âgés présentaient, en moyenne, une santé positive, une participation sociale, une équité en santé supérieures aux autres communautés estriennes [n=77; Orford, Sutton/Abercorn, Bromont, Hélène-Boullé, Lennoxville et Petit-Lac-Magog (Levasseur et al., Reference Levasseur, Dubois, Roy, Généreux, Demers and Trottier2020)]. Ces résultats ne permettent toutefois pas de comprendre comment ces composantes clés influencent positivement la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé des Estriens âgés.
Méthodologie
Incluse dans un programme de recherche à devis mixte explicatif séquentiel où la composante qualitative suit la composante quantitative (Levasseur et al., Reference Levasseur, Dubois, Généreux, Menec, Raina and Roy2017), la présente étude de cas multiples (Yin, Reference Yin2003) a été menée dans cinq des six communautés estriennes (cas), soit Orford, Sutton/Abercorn, Bromont, Hélène-Boullé et Lennoxville. En raison de difficultés liées au recrutement, la communauté du Petit-Lac-Magog n’a pu être étudiée. L’étude de cas multiples permet de prendre en compte les facteurs contextuels, c’est-à-dire les facteurs environnementaux, sociaux, culturels et économiques entourant les différentes communautés, en plus d’assurer une compréhension approfondie d’un phénomène complexe, tel que l’influence de composantes clés. Le Comité d’éthique de la recherche du Centre de Santé et de Services Sociaux de l’Institut Universitaire de gériatrie de Sherbrooke a approuvé cette étude (2017-656-IUGS).
Participants
Quarante-sept aînés de 65 ans et plus, la plupart impliqués activement dans leur communauté, une conseillère municipale et une technicienne en loisir ont été recrutés (n=49) afin d’assurer l’hétérogénéité des groupes de discussion. Les participants devaient communiquer en français ou en anglais.
Recrutement
Les participants ont été recrutés par des affiches, des courriels ou des contacts téléphoniques d’organisateurs communautaires ou, pour la communauté d’Hélène-Boullé, à l’aide de la banque de volontaires Nabû du Centre de recherche sur le vieillissement, Centre Intégré Universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie – Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke.
Collecte de données
Pour chacune des communautés, des entretiens d’une durée d’environ 180 minutes ont été réalisés auprès d’un groupe (n=5 à 13 participants par communauté) à l’aide d’un guide semi-structuré. Inspiré des huit domaines de l’OMS, ce guide a été validé par deux experts en recherche qualitative. Lors du recrutement, les participants étaient informés que leur communauté était parmi celles dont les résidents rapportaient en moyenne une meilleure santé positive, participation sociale et équité en santé. Les participants ont complété un formulaire sociodémographique avant de débuter la discussion. Débutant par une définition des concepts, tous les entretiens étaient dirigés par deux animateurs et un des membres de l’équipe a participé à l’ensemble de ces entretiens. Toutes les discussions ont été enregistrées audionumériques et retranscrites (verbatim). Lors des discussions, une synthèse des propos était présentée et validée par les participants.
Analyse
Les participants et leur contexte ont d’abord été décrits à l’aide de moyennes et d’écarts-types, de médianes et d’intervalles interquartiles ainsi que fréquence et de pourcentages, selon le type variable (continue ou catégorique) et le nombre de participants. Afin d’explorer comment les composantes clés influencent la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé des aînés, une analyse de contenu thématique des groupes de discussion et des documents a été réalisée, selon les procédures décrites par Miles, Huberman et Saldana (Reference Miles, Huberman and Saldana2014) et Yin (Reference Yin2003), incluant une grille de codage mixte (Miles, Huberman et Saldaña, Reference Miles, Huberman and Saldaña2015). Cette grille s’inspirait du Modèle du développement humain – Processus de production du handicap (Fougeyrollas, Boucher, Edwards, Grenier et Noreau, Reference Fougeyrollas, Boucher, Edwards, Grenier and Noreau2019). À la suite des analyses intra-cas, des comparaisons inter-cas ont été effectuées pour identifier les similitudes et les différences entre les cinq communautés. Toutes les données ont été codées et co-codées par au moins deux personnes. En cas de doute, les informations étaient validées par une troisième personne. De plus, la validité interne des résultats a été assurée par la participation d’un membre de l’équipe aux entretiens de l’ensemble des communautés et à l’analyse de toutes données. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel Microsoft Word.
Résultats
La présente étude visait à explorer comment les composantes clés d’une communauté influencent la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé d’Estriens âgés. Parmi les cinq communautés, Orford (CO), Bromont (CB), Hélène-Boullé (CHB) et Lennoxville (CL) comptaient environ un résident aîné sur cinq, contre un sur trois dans Sutton/Abercorn (CS; Tableau 1). Parmi les cinq communautés, le tiers et la moitié des résidents de Sutton/Abercorn et Lennoxville, respectivement, parlaient le plus souvent anglais à la maison, comprenaient une population anglophone, Sutton/Abercorn (CS) et Lennoxville (CL). Orford (CO), Bromont (CB) et Hélène-Boullé (CHB) tandis que les résidents étaient principalement francophones dans les trois autres communautés. L’ensemble de ces communautés présentaient des conditions généralement favorables. Elles se situaient parmi les communautés les plus avantagées de la région du point de vue de la défavorisation matérielle (taux scolarité et revenus moyen supérieurs) et sociale (proportions inférieures de familles monoparentales, de personnes vivant seules, et de personnes étant séparées, divorcées ou veuves ; Observatoire estrien du développement des communautés [(OEDC]), 2019]. De plus, l’ensemble des groupes de médecine de famille de la région, et desservant les cinq communautés, ont un taux d’assiduité supérieur à la cible de 80 % fixée par le gouvernement, c’est-à-dire la proportion des visites que font les patients dans leur GMF en rapport à leurs visites dans les autres centres de soins de la région (MSSS, 2021; Tableau 1). Spécifiquement, comparativement aux moyennes provinciales, ces communautés présentaient une proportion inférieure de ménages sous le seuil de faible revenu et un revenu moyen supérieur, à l’exception de Sutton/Abercorn et Lennoxville. Bromont et Lennoxville avaient toutefois un nombre légèrement inférieur de personnes vivant seules. Enfin, sauf pour Sutton/Abercorn et Hélène-Boullé, la proportion d’aînés déclarant au moins une incapacité était inférieure à la moyenne provinciale (OEDC, 2019). Parmi les 49 personnes impliquées dans leur communauté respective ayant participé aux groupes de discussion, la majorité des participants rapportait un revenu supérieur à 40,000 dollars et une scolarité universitaire (Tableau 2). Âgés entre 58 et 87 ans, la plupart des participants étaient retraités et rapportaient être satisfaits de leurs activités sociales.
* 65 ans et plus;
** 15 ans et plus;
† 18-64 ans;
†† Un quintile supérieur indique une défavorisation supérieure;
N/D: Non-disponible; Source: OEDC, 2019 (données recensées en 2016). # L’ensemble des GMF de la région de l’Estrie ont un taux d’assiduité supérieur à la cible de 80% fixée par le gouvernement (MSSS, 2021).
É.T., écart-type; I.I, intervalle interquartile.
Influence positive des composantes clés des communautés sur les résultantes de santé
Plusieurs composantes clés de l’environnement physique et social des communautés favorisaient la santé positive (SP), la participation sociale (PS) et l’équité en santé (ÉS) des aînés (Tableau 3). Globalement, les résultantes de santé étaient favorisées par la nature, les opportunités d’activités, les mesures d’équité en santé et des moyens de communication (Figure 1). Les résultantes de santé et ces composantes s’inter-influençaient respectivement entre elles.
+ : effet additif ; ➔: a/ont une influence sur; SP : Santé positive; PS : Participation sociale; ÉS : Équité en santé
Des facteurs individuels étaient préalables à l’établissement de certains aînés dans les communautés et à une actualisation positive des résultantes de santé (Tableau 3). Parmi ces facteurs, un revenu élevé offrait davantage d’opportunités d’activités et une plus grande liberté quant à son lieu de résidence, ses choix d’activités et ses biens matériels. Une scolarité avancée favorisait l’adoption de saines habitudes de vie par une meilleure conscientisation de l’importance de prendre soin de sa santé physique et mentale: « Plus les gens sont éduqués, plus ils sont conscients de leur choix de nourriture [de l’importance] du conditionnement [physique] » (CB). De plus, un sentiment d’appartenance accrue à la communauté facilitait l’engagement communautaire des aînés, ce qui était favorable à leur participation sociale (Tableau 3).
Pour l’environnement physique, la principale composante clé était la nature. La majorité des communautés (CO, CS, CB) avaient une montagne et des lacs sur leur territoire et elles possédaient toutes des boisés avec des sentiers pédestres offrant aux aînés des opportunités d’activités en plein air, tels que le ski, la randonnée pédestre et le vélo (Tableau 3 et Figure 1). Favorisant directement leur santé physique, les opportunités d’activités de ces environnements les encourageaient à sortir de leur domicile : « On a une belle montagne, ce grand terrain de jeu incite les gens à être actifs » (CS). Les boisés, les forêts et la verdure amenaient un sentiment de calme, de tranquillité et de villégiature, ce qui était favorable pour le bien-être psychologique des aînés : « Pour la santé mentale, l’environnement où on vit apporte beaucoup. Être dans la nature, face à un lac, c’est merveilleux » (CO). Diverses installations, telles que les parcs, les jardins communautaires, les piscines municipales et les bibliothèques assuraient différentes opportunités de loisirs, favorisant la santé positive et la participation sociale. L’accès aux ressources, aux soins de santé et aux loisirs était une composante clé favorisée par leur présence sur le territoire de la communauté ou de certaines villes voisines. La proximité des services de santé engendrait aussi un sentiment de confiance et de sécurité pour une gestion rapide des besoins des aînés, favorisant leur santé positive. Une diversité de domiciles adaptés (maison unifamiliale, appartement, résidence pour personnes aînées, etc.) favorisait aussi l’équité en santé (Tableau 3). Enfin, dû aux tâches d’entretien et de gestion du domicile, le fait de rester chez soi était favorable au maintien des capacités physiques, ce qui favorise la santé positive des aînés.
Pour l’environnement social, plusieurs organismes de loisirs, culturels et d’entraide et divers comités citoyens offraient une multitude d’opportunités d’implication et d’activités. Des activités physiques (club de marche, curling, natation, golf, le vélo, le ski, le tennis, taïchi et la marche en sentier), artistiques et culturelles (musique, groupe d’écriture), cognitives (tricot, des ateliers d’apprentissage de cuisine et des groupes de lecture) et socio-récréatives (fête de quartier, festivals divers et bingo) étaient rapportées. Des loisirs adaptés, tels que le pickleball, la marche intérieure, des jardins surélevés et du yoga sur chaise, favorisaient l’équité en santé (Tableau 3). La participation à ces activités était encouragée par une réduction des coûts d’inscription pour les aînés, ce qui favoriserait leur équité en santé. De plus, des mesures de soutien communautaire, telles que des banques alimentaires, la popote roulante, des groupes de soutien et des repas communautaires, étaient essentielles à cette équité. Pour favoriser l’équité en santé, une communauté avait créé un poste de travailleur de milieu, ayant pour rôle la réduction des situations d’isolement et de faciliter l’accès aux soins de santé et services sociaux. Le centre d’action bénévole et le centre communautaire étaient une valeur ajoutée pour assurer la gestion d’une offre de bénévolat pour les aînés et pour coordonner la vie communautaire. Une offre variée d’opportunité de bénévolats était favorable à la santé positive et la participation sociale des aînés : « Faire du bénévolat dans ta communauté, te rend heureux, te fait rencontrer des gens [te permet d’aider les autres] et [de] collaborer [avec eux] » (CS). Bref, l’ampleur et la variété des offres de loisirs, d’implication communautaire et de bénévolat encourageaient les aînés à sortir de leur domicile, à bouger et à entrer en relation avec les gens de leur communauté, ce qui favorisait directement leur santé positive et leur participation sociale (Figure 1). Les méthodes de communication étaient aussi importantes et les communautés avaient développé des méthodes de publicisation efficaces. Afin qu’une majorité d’aînés soit informée des activités offertes, les communautés avaient recourt à des infolettres, des bottins, des livrets de ressources et du « porte-à-porte » étaient utilisés, ce qui favorisait la participation sociale et l’équité en santé (Tableau 3).
Discussion
Cette étude visait à explorer comment les composantes clés de communautés estriennes influencent la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé d’Estriens âgés. Ces communautés étaient privilégiées sur le plan socioéconomique, notamment en termes de scolarité et de revenus de ses résidents, ce qui avait une influence positive directe sur ces résultantes de santé. Par leurs opportunités de sortie, de participation et d’engagement, la nature, les opportunités d’activités, les mesures d’équité en santé et les moyens de communication constituaient des composantes clés favorisant la santé positive et la participation sociale des aînés. La mise en place d’une offre de services adaptés aux besoins des aînés était également une composante clé importante favorisant l’équité en santé.
En premier lieu, la présente étude soutient l’importance de la qualité de l’environnement physique, grâce à l’aménagement du territoire et la nature qui offre des opportunités d’activités physiques variées et accessibles. Ces résultats sont conformes à la discussion issue d’une méta-analyse d’une centaine d’articles scientifiques (Barnett et al., Reference Barnett, Barnett, Nathan, Van Cauwenberg and Cerin2017) selon lesquels un environnement doté d’installations récréatives, de verdure et de paysages esthétiques favorise l’activité physique des adultes vieillissants. Toujours selon cette étude, un environnement physique sécuritaire, accessible aux piétons, agréable et à proximité des destinations et de services facilite la participation sociale et l’activité physique des adultes vieillissants, ce qui est aussi favorable à la santé positive.
Deuxièmement, la présente étude soutient que les diverses opportunités d’activités offertes par les communautés sont importantes pour le bien-être et la santé des aînés. D’ailleurs, selon le guide mondial des villes-amies des aînés, une offre diversifiée d’opportunités de participation sociale facilite le développement de relations sociales signifiantes pour les aînés (OMS, 2007). En présence d’un large éventail d’opportunités, davantage d’activités adaptées à divers intérêts et capacités sont proposées et les aînés sont plus enclins à participer et à s’impliquer dans leur communauté. Ces opportunités favorisent une participation accrue des aînés, influençant directement leur santé positive et leur équité en santé. Une enquête canadienne soutient d’ailleurs que le coût serait un obstacle à une participation accrue pour un aîné souhaitant participer davantage sur (Naud, Généreux, Bruneau, Alauzet et Levasseur, Reference Naud, Généreux, Bruneau, Alauzet and Levasseur2019). Lors d’études antérieures portant sur diverses interventions de participation sociale auprès d’aînés ayant une hétérogénéité de revenus (ex. : Levasseur et al., Reference Levasseur, Lefebvre, Levert, Lacasse-Bédard, Desrosiers and Therriault2016; Levasseur et al., Reference Levasseur, Filiatrault, Larivière, Trépanier, Lévesque and Beaudry2019), la présence d’un coût, aussi minime soit-il, représentaient un frein à la participation pour certains d’entre eux. Le fait d’être informé des activités et des services disponibles a aussi été identifié parmi les besoins de participation sociale prioritaires d’aînés vivant dans une région rurale estrienne (Levasseur, Routhier, Clapperton, Doré et Gallagher, Reference Levasseur, Routhier, Clapperton, Doré and Gallagher2020).
En troisième lieu, les moyens de communication des communautés représentent une composante clé. En effet, pour participer aux activités, les aînés doivent d’abord les connaître. Ces résultats sont également liés avec le domaine « Communication et information » de l’OMS (2007). Selon les participants de la présente étude et l’OMS, les aînés doivent participer aux événements et maintenir leur relation avec les gens. Ils doivent aussi avoir accès en temps opportun aux informations pratiques pour gérer leur vie et subvenir à leurs besoins (OMS, 2007). Lorsque les moyens utilisés sont diversifiés et accessibles, la publicisation des activités est ainsi essentielle pour favoriser la participation sociale et l’équité en santé des aînés.
Quatrièmement, les mesures pour favoriser l’équité en santé, telle qu’une répartition juste des ressources et la présence d’activités adaptées pour les aînés sont importantes pour les communautés. Les activités à coûts réduits ou même gratuites constituent un facilitateur pour la participation des aînés. Lors de leur étude des communautés urbaines et rurales du Manitoba, Novek et Menec (Reference Novek and Menec2014) avaient aussi montré que les obstacles financiers et qu’une accessibilité limitée aux services adaptés nuisent au développement d’une communauté « amie des aînés ». En répondant aux besoins de base et en favorisant la participation sociale, l’accessibilité financière (abordabilité) a un impact sur de multiples aspects de la vie des aînés, notamment les activités, le bénévolat et le soutien communautaire (Novek et Menec, Reference Novek and Menec2014). La présente étude soutient que, même si une part des aînés n’utilisent pas les services communautaires, ces services représentent néanmoins des opportunités de bénévolat pour les aînés souhaitant s’impliquer. En favorisant l’équité en santé de certains, il est ainsi possible de favoriser la participation sociale d’autres aînés.
Enfin, les facteurs individuels facilitent ou font obstacle à l’actualisation positive des résultantes de santé de la présente étude. Par exemple, une scolarité supérieure favorise une gestion autonome de sa santé en permettant la mise en place des moyens concrets pour favoriser la santé positive, par exemple, la pratique régulière d’activité physique avec le soutien d’un entraîneur privé. De plus, similairement à une autre étude menée dans les Cantons de l’Est (Levasseur, Dubois, et al., Reference Levasseur, Dubois, Généreux, Menec, Raina and Roy2017), une scolarité et un sentiment d’appartenance supérieurs envers sa communauté favorisent une participation sociale accrue, principalement chez les gens ayant une bonne résilience.
Forces et limites
Cette étude est la première à explorer en profondeur comment les composantes clés influencent la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé d’aînés de communautés estriennes dont les résidents âgés présentaient en moyenne de meilleurs scores aux résultantes de santé. L’étude a également permis de rejoindre un nombre considérable important d’aînés et a été menée avec rigueur. Parmi les limites, un biais de désirabilité sociale pourrait avoir influencé les résultats, et ce, malgré que les participants aient été informés qu’il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse. Par ailleurs, la majorité des aînés ayant accepté de participer aux groupes de discussion étaient des personnes déjà engagées au sein de leur communauté, ce qui pourrait ne pas être représentatif de l’ensemble des résidents âgés.
Conclusion
La présente étude a permis une meilleure compréhension de l’influence des composantes clés des communautés sur la santé positive, la participation sociale et l’équité en santé d’Estriens âgés. Les opportunités d’activités incluant la nature, leur accessibilité et leur publicisation sont des atouts communautaires qui favorisent le vieillissement actif et en santé des aînés. Ces résultats permettront d’outiller les décideurs de la santé afin de développer des interventions qui favorisent un vieillissement actif et en santé des aînés. Les communautés pourraient, par exemple, bonifier l’accessibilité à la nature en aménageant des sentiers pédestres et en ajoutant des espaces verts. L’offre variée d’activités de loisirs et de bénévolats, répondant aux préférences et aux besoins des aînés, est aussi importante. Les communautés pourraient également instaurer des moyens de communication efficaces pour rejoindre la majorité des aînés et mettre en place des mesures favorisant leur équité en santé, dont la réduction des coûts ou même la gratuité de certains services et activités. Aussi, il importe de promouvoir un sentiment d’appartenance à la communauté des aînés par l’organisation d’activités favorisant les interactions et la collaboration entre leurs membres, et ce, incluant les décideurs. Enfin, cette étude soutient que les composantes clés de l’environnement physique et social des communautés peuvent influencer des résultantes de santé. D’autres études sont requises pour explorer les composantes clés influençant négativement les résultantes de santé, notamment en sondant des communautés ayant obtenu des résultats inférieurs. Ces résultats permettraient ultimement de mieux intervenir sur les composantes clés favorables et en réduisant celles défavorables au vieillissement actif et en santé des aînés.
Remerciements
Les autrices remercient les participants des cinq communautés, Yves Couturier, Mélissa Généreux, Daniel Naud, Mathieu Roy, Mario Paris, l’école de réadaptation de l’Université de Sherbrooke, le Centre de recherche sur le vieillissement et la direction de la santé publique du CIUSSS de l’Estrie CHUS, la Fédération des communautés culturelles de l’Estrie, le comité Ville amie des aînés de Sherbrooke, Sherbrooke ville en santé et la Table régionale de concertation des aînés – Estrie. Lors de l’étude, Mélanie Levasseur était Nouvelle investigatrice des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC; bourse salariale #360880; 2017–2022) et est maintenant chercheuse Séniore des Fonds de la recherche du Québec Santé (#298996; 2021–2025).