Hostname: page-component-cd9895bd7-jn8rn Total loading time: 0 Render date: 2024-12-23T03:17:32.795Z Has data issue: false hasContentIssue false

Le contrôle parlementaire des finances publiques dans les pays de la francophonie Louis Imbeau et Rick Stapenhurst, Québec, Presses de l'Université Laval : 2019, pp. 152

Published online by Cambridge University Press:  23 June 2021

Maxime Boucher*
Affiliation:
Centre d’études en gouvernance (Université d'Ottawa)
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Les Presses de l'Université Laval publiaient en 2019 Le contrôle parlementaire des finances publiques dans la francophonie dans le cadre de sa collection démocratie et institutions parlementaires. Dans cet ouvrage, les auteurs Louis Imbeau et Rick Stapenhurst se donnent pour objectif d'examiner les déterminants du contrôle parlementaire des finances publiques et de proposer des indicateurs pour mesurer ce type de capacité de contrôle (20). Ils proposent d'inclure un plus grand nombre de pays francophones à l’échantillon des études précédentes réalisées par la Banque Mondiale, ce qui représente une contribution supplémentaire à ce champ de recherche. Pour y parvenir, les auteurs analysent l'information provenant de 119 questionnaires remplis par les fonctionnaires de gouvernements nationaux et d'organisations internationales.

L'ouvrage se divise en six chapitres. Un court chapitre d'introduction explique la structure de l'ouvrage. Le second chapitre met ensuite la table en résumant les principaux constats de la littérature comparative sur les formes de contrôle législatif des processus budgétaires. Les auteurs distinguent deux formes de contrôle législatif ex ante–qui s'appliquent aux phases d’élaboration–et ex post, qui concernent les phases d'exécution et de mise en œuvre des décisions budgétaires. Cette distinction débouche sur une grille d'analyse utile qui permet de classer les systèmes politiques selon la force de leurs capacités de contrôle. Le modèle parlementaire de Westminster, par exemple, est caractérisé par de faibles capacités ex ante et un contrôle ex post plus fort. En revanche, le système français hérité de la tradition napoléonienne comporte des capacités ex ante moyennes et ex post fortes (13).

Le troisième chapitre élabore le cadre théorique de l'enquête en mobilisant la théorie classique du principal-agent pour expliquer la relation de contrôle entre les institutions législatives et la branche exécutive du pouvoir. Cette conceptualisation des moyens de contrôle parlementaire amène les auteurs à formuler quatre hypothèses sur la nature des instruments de contrôle dans les assemblées législatives et les pays francophones. Les auteurs abordent également les diverses étapes de construction de leurs enquêtes en insistant sur les processus de collecte d'information dans les pays francophones.

Les deux premières hypothèses sur la nature des capacités de contrôle des assemblées font l'objet d'un examen plus approfondi au quatrième chapitre. Écrit avec la collaboration de Mounir Dhouibi, ce chapitre analyse le modèle français en démontrant l’évolution des formes de contrôle des finances publiques, qui sont passées « d'un strict contrôle de la légalité à un contrôle incluant la performance (transparence et efficacité) » (57). Les auteurs insistent en parallèle sur l’étendue des différences entre les pratiques et institutions propres au contrôle des finances publiques dans les pays francophones.

Les deux derniers chapitres se penchent sur les hypothèses complémentaires concernant la variation des capacités de contrôle législatif et l'impact de ces capacités de contrôle sur la corruption. Le chapitre 5 compare un ensemble de 55 pays en fonction de quatre mesures des capacités de contrôle : les capacités selon les ressources, les capacités selon les pratiques et les capacités selon les statuts. On ajoute à ces indices un quatrième indice global des capacités. En pondérant ces critères, les auteurs arrivent à examiner, grâce à la modélisation statistique, l'effet d'un ensemble de variables d'ordre politique et social sur la nature et l’étendu des capacités de contrôle des finances publiques.

Cette démarche a le mérite de mettre en lumière toute la complexité des mécanismes de contrôle des finances publiques. Les auteurs montrent notamment que la tradition administrative d'un pays a un impact sur le contrôle des finances publiques, mais seulement dans certains contextes–l'influence de certaines variables n’étant pas la même dans les pays francophones que dans les autres pays de l’échantillon (81). Ces observations confirment l'hypothèse voulant que la tradition et la culture administratives font une différence. Plus encore, les résultats de recherche révèlent, au contraire de l'opinion de plusieurs, que « la législature française est plus performante que les autres dans sa capacité de contrôle, tant dans ses statuts que dans ses pratiques et ses ressources » (83).

L'enquête du sixième chapitre reprend une démarche similaire pour étudier l'effet des capacités de contrôle parlementaire sur la corruption. Les analyses statistiques démontrent cette fois que les capacités de contrôle des processus budgétaires ont « un effet positif robuste sur le contrôle de la corruption » (104). Des trois indices mesurés, c'est celui des capacités selon les ressources qui pèsent le plus lourd. Le constat des auteurs à cet égard est sans équivoque : « la corruption est plus faible là où les ressources des commissions de finances sont plus importantes » (105).

Au final, si cet ouvrage disqualifie rapidement certains facteurs–comme par exemple la présence d'agence anticorruption–sans fournir de réelles explications (12), on doit saluer la transparence du point de vue de la démarche de recherche et de l'interprétation des résultats. Les auteurs accordent une importance accrue à la description des méthodes d'enquête en plus d'offrir de riches listes d'information sur les outils et les résultats de recherche dans les tableaux et en annexe. C'est ce qui fait l'originalité et l'utilité de ce court ouvrage : il arrive en très peu de pages à brosser un portrait de la question du contrôle parlementaire des finances publiques tout en apportant une contribution importante à ce champ de recherche.