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La question de l'appartenance: Montesquieu, Rousseau et la Révolution française

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

Philip Knee
Affiliation:
Université Laval

Abstract

The paradox of modern political theory which affirms individual autonomy and simultaneously seeks solid foundations for social belonging is approached here through its emergence in eighteenth-century France: first by a comparative reading of Montesquieu and Rousseau according to the exigencies of suitability and legitimacy of their respective political philosophies; then by an evocation of some of the echoes of their thought in the French Revolution around the themes of the exercise of power, of virtue and of religion.

Résumé

Le paradoxe de la politique moderne, qui affirme l'autonomie individuelle et recherche en même temps des fondements stables pour l'appartenance sociale, est envisagé ici à travers sa genèse au 18e siècle en France: d'abord par une lecture comparative de Montesquieu et de Rousseau dégageant les exigences de convenance et de légitimité qui animent leurs philosophies politiques respectives; puis par une évocation du prolongement de leur pensée dans la Révolution française autour des thèmes de l'exercice du pouvoir, de la vertu et de la religion.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1989

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References

1 P. Manent fait du « soupçon » quant au Bien commun le caractere essentiel de toute la politique moderne depuis Machiavel (au-delà des fameux « maîtres du soupçon » du 19e siécle: Marx, , Nietzsche, , Freud, ). Histoire intellectuelle du libéralisme (Paris: Calmann-Lévy, 1987), 3940.Google Scholar

2 Nous pensons tout particuliérement aux débats soulevés récemment par les ouvrages de Renaut, L. Ferry et A., Philosophic politique (Paris: PUF, 19841985)Google Scholar; Bloom, A., The Closing of the American Mind (New York: Simon and Schuster, 1987)Google Scholar; Finkielkraut, A., La Défaite de la pensée (Paris: Gallimard, 1987).Google Scholar

3 Rousseau, Émile ou de l'éducation, dans les Oeuvres completes en quatre tomes de l'édition de la Pléiade (PL), Tome IV, 836–37. Sur la différence entre les systèmes politiques de Montesquieu et Rousseau, nous renvoyons particuliérement aux analyses de Derathé, R., J. J. Rousseau et la science politique de son temps (Paris: Vrin, 1970)Google Scholar, ch. V; « Montesquieu et Rousseau, J. J. », Revue Internationale de Phitosophie 33–34 (1955), 366–86.Google Scholar D'autre part, nous reprenons dans les pages qui suivent quelques éléments d'un texte paru dans les Cahiers éthicologiques de l'Université du Québec à Rimouski 15 (1987).

4 « Je ne dispute pas des faits », dit Rousseau dans la Première Version du Contrat social, Pl. III, 297; et déjà le Discours sur l'origine de l'inégalité commençait par « écartertous les faits » et se proposait « d'établir les faits par le droit » (Pl. III, 183).

5 Montesquieu distingue très nettement la liberté du peuple et la démocratic: « Enfin, comme dans les démocraties le peuple paraît a peu près faire ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements; et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple » alors que « la liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés » (De l'Esprit des lois, dans les Oeuvres complètes en deux tomes de l'édition de la Pléiade [PL], Tome II, Livre XI, ch. II et IV, 394–95).

6 Pour le commentaire par Rousseau de ce probléme chez Montesquieu (Du Contrat social, Livre III, ch. VII).

7 Du Contrat social, Livre II, ch. II.

8 De l'Esprit des lois, Livre XI, ch. IV, 395.

9 Il s'agit plutôt de leur « non-confusion », selon C. Eisenmann, qui, dans deux textes célèbres, met en question les interprétations trop simples sur la « séparation » dans la théorie de Montesquieu: celui-ci veut assurer l'indépendance et la complémentarité des pouvoirs, mais en reconnaissant que dans certains domaines le cumul est légitime. Voir « L'Esprit des lois et la séparation des pouvoirs » et « La pensée constitutionnelle de Montesquieu, », repris récemment dans Montesquieu, Cahiers de Philosophie politique de l'Université de Reims, no. 2–3 (Bruxelles: Éd. Ousia, 1985).Google Scholar

10 Du Contrat social, Livre III, ch. XV, 429.

11 « Pour former un gouvernement modéré, il faut combiner les puissances, les régler, les tempérer, les faire agir; donner, pour ainsi dire, un lest à l'une, pour la mettre en état de résister à une autre;…» (De V Esprit des lois, Livre V, ch. XIV, 297).

12 Du Contrat social, Livre III, ch. XV. Non sans ambiguité, Rousseau renvoie ici au modèle de Sparte tout en se défendant de prôner un retour à l'esclavage qui justement était à la base de son ordre politique (431).

13 « Plusieurs choses gouvernent les hommes, le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les moeurs, les manières, d'ou il se forme un esprit general qui en résulte. À mesure que, dans chaque nation, une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cédent d'autant » (De l'Esprit des lois, Livre XIX, ch. IV, 558).

14 « Le corps politique est done aussi un être moral qui a une volonté; et cette volonté générale qui tend toujours à la conservation et au bien-être du tout et de chaque partie, et qui est la source des lois, est, pour tous les membres de l'État, par rapport aeux et à lui, la règie du juste et de l'injuste » (Sur l'économie politique, Pl. III, 245).

15 En discutant l'influence de Locke sur Montesquieu, Manent éclaire le sens de cette opposition avec Rousseau. L'idée de séparation des pouvoirs repose bien sur un principe de légitimité (la souveraineté du peuple), mais celui-ci est comme « oublié » dans la mesure où le régime politique a pratiquement besoin d'un autre pouvoir que le souverain. D'où, en Angleterre, le compromis entre la Chambre des représentants et la monarchie réformée. En interprétant l'expérience anglaise, Montesquieu peut ainsi formuler sa théorie de la séparation en laissant de côté la question de la légitimité. Ce qui peut arriver alors, poursuit Manent, c'est que ce principe de légitimité, qui est à l'origine de la séparation des pouvoirs, peut se retourner contre celle-ci: la légitimité peut s'opposer aux institutions libérales auxquelles elle a donné naissance (Histoire intellectuelle du libéralisme, 121–23).

16 Groethuysen, Voir B., Philosophie de la Révolution Française (Paris: Gallimard, 1956)Google Scholar, ch. III.

17 Notre propos se limite ici à l'enjeu suggéré par la remarque de Rousseau citée au début et laisse de côté les multiples facettes qu'on a pu découvrir à l'opposition des deux méthodes; par exemple: « expérimentale » et « spéculative » ( Janet, P., Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale [Paris: Alcan, 1887])Google Scholar; « inductive » et « déductive » ( Davy, G., dans Durkheim, Emile, Montesquieu et Rousseau, précurseurs de la sociologie [Paris: Rivière, 1966Google Scholar ], Introduction); « mécaniste » et « vitaliste » ( Starobinski, J., Montesquieu par lui-même [Paris: Seuil, 1953Google Scholar ]).

18 De l'Esprit des lois, Livre IV, Ch. II, 265, note.

19 Vu son oeuvre ultérieure, on comprend qu'un interprète comme L. Althusser ait insisté avant tout sur la nouveauté méthodologique de Montesquieu, en excluant toute référence à des principes moraux; et qu'il ait réperé chez lui les distinctions (motifs-mobiles, science-conscience) qui joueront plus tard le rôle que Ton sait dans sa lecture de Marx, (Montesquieu, la politique et l'histoire [Paris: PUF, 1959Google Scholar ]).

20 Durkheim, Montesquieu et Rousseau.

21 Surces « rapports d'équité antérieurs à la loi positive qui les établit », voir De l'Esprit des lois, Livre I, ch. I et II, surtout 233. Sur cette « équité naturelle », voir aussi les Lettres persanes, PI. I, lettre CXXIX.

22 De l'Esprit des lois, préface.

23 De l'Esprit des lois, par exemple, Livre III, ch. IX; et Livre VII, ch. VIII.

24 De l'Esprit des lois, Livre XV, ch. I; et Livre XXV, ch. XIII. Question très controversée, le rapport de Montesquieu à l'esclavage nous semble bien révéler sa position générale: les conditions géographiques permettent d'expliquer l'esclavage et de comprendre sa « nécessité »; mais jamais, elles ne le justifient.

25 Reconnaissons que dans les Lettres persanes (lettre LXXXIII, 256), en définissant la justice comme un « rapport de convenance qui se trouve réellement entre deux choses », le personnage d'Usbek autorise autant une interprétation naturaliste qu'une interprétation idéaliste; et l'ambivalence est enrichie par le passage des Lettres à l'Esprit des lois où la convenance còmme finalité générale, s'incarne dans une logique sociale: celle des lois.

26 De l'Esprit des lois, Livre I, ch. Ill, 237.

27 Le despotisme oriental est clairement condamné dans les Lettres persanes, et ce texte seul interdirait de se limiter à une interprétation relativiste de Montesquieu Voir en particulier la lettre CIV; et le mythe des Troglodytes, dans les lettres XI à XIV.

28 C'est dans ce sens que S. Goyard-Fabre peut écrire que « chez ce moraliste qu'est Montesquieu, s'esquisse la voie qui conduit à la morale kantienne » (« De la philosophie de Montesquieu et de son actualité », Revue de Métaphysique et de Morale 76 [1971], 317).

29 Résumant son livre, Montesquieu est fort explicite: « On peut dire que le sujet en est immense; qu'il embrasse toutes les institutions qui sont reçues parmi les hommes; puisque l'auteur distingue ces institutions; qu'il examine celles qui conviennent le plus à la société et à chaque société; qu'il en cherche l'origine, qu'il en dééécouvre les causes physiques et morales; qu'il examine celles qui ont un degré de bonté par elles-mêmes et celles qui n'en ont aucun; que de deux pratiques pernicieuses, il cherche celle qui lest plus et celle qui l'est moins; qu'il y discute celles qui peuvent avoir de bons effets à un certain égard, et de mauvais dans un autre » (Défense de l'Esprit des lois, seconde partie, PI. II, 1137–138 [nous soulignons]).

30 Voir, par exemple, sur l'influence des climats (Du Contrat social, Livre III, ch. VIII); ou sur la question décisive de l'étendue des États (Livre III, ch. XII et XIII).

31 Du Contrat social, Livre II, ch. VII. Le statut de ce personnage concentre en lui toute l'ambivalence de la politique rousseauiste, et, au fond, celle de la politique moderne en général.

32 On peut dire que la politique rousseauiste devient de plus en plus souple à mesure qu'elle s'intéresse moins aux principes et davantage aux cas concrets, comme, par exemple, dans ses textes sur la Corse et sur la Pologne (où il semble bien consentir à une certaine représentation législative); et la Lettre à d'Alembert sur les spectacles, au sujet de Genève, est un exemple particulièrement frappant du « relativisme politique » de Rousseau. En ce qui concerne le gouvernement des individus, la meilleure illustration de ce travail de diagnostic est fournie par le personnage de Wolmar dans Julie ou la Nouvelle Heloise.

33 Dans les toutes premières lignes de l'ouvrage, Rousseau dit qu'il s'agit pour lui d'allier « la justice et l'utilité », « ce que le droit permet avec ce que l'intérêt present » (Du Contrat social, Livre I, 351).

34 Du Contrat social, Livre II, ch. VI, surtout 380, et Sur l'économie politique, 261.

35 C'est pourquoi Rousseau peut affirmer tout à la fois que la démocratic ne convient pas aux hommes mais seulement à un « peuple de Dieux » (Du Contrat social, Livre III, ch. IV, 406), et que « loin de detruire [dans le Contrat social] tous les gouvernements, je les ai tous établis » (Lettres écrites de la Montagne, PI. Ill, sixième lettre, 811).

36 De l'Esprit des lois, Livre XI, ch. VI.

37 Sur ce point, voir l'hypothèse de Barret-Kriegel, B., « L'Ancien et le Moderne dans les origines intellectuelles des systèmes totalitaires », dans Hermet, G. (dir.), Totalitarismes (Paris: Ed. Economica, 1984), 7587.Google Scholar

38 Voir les exemples donnés à ce sujet par McDonald, J., Rousseau and the French Revolution (1762–1791) (London: The Athlone Press, 1965)Google Scholar, ch. 7. Et sur la démocratie impossible, selon Rousseau, Du Contrat social, Livre III, ch. IV, et Sur l'economic politique, 250–51.

39 On apercoit les positions en jeu en comparant ces trois citations de Montesquieu, Rousseau et Robespierre: « Comme, dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative: mais, comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse, par ses représentants, tout ce qu'il ne peut faire par lui-même. […] Le grand avantage des représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie » (De l'Esprit des lois, Livre XI, ch. VI, 399–400). « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point: elle est la même, ou elle est autre; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont done ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires; ils ne peuvent done rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle; ce n'est point une loi. Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort, il ne Test que durant l'élection des membres du Parlement; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien » (Du Contrat social, Livre III, ch. XV, 429–30); et quelques pages avant: « le Souverain ne saurait agir que quand le peuple est assemblé. Le peuple assemblé, dira-t-on: quelle chimère! C'est une chimere aujourd'hui mais ce n'en était pas une il y a deux mille ans: les hommes ont-ils changé de nature? […] De l'existant au possible la conséquence me paraît bonne » (Livre III, ch. XII, 425–26). « La démocratie n'est pas un état où le peuple continuellement assemblé, règie par lui-même toutes les affaires publiques, encore moins celui où cent mille factions du peuple, par des mesures isolées, précipitees et contradictoires, décideraient du sort de la société entière: un tel gouvemement n'a jamais existé, et il ne pourrait exister que pour ramener le peuple au despotisme. La démocratie est un état où le peuple souverain, guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu'il peut bien faire et par ses délégués tout ce qu'il ne peut faire lui-même » (« Rapport sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l'administration intérieure de la République », dans Robespierre, , Textes choisis [Paris: Éditions sociales, 1974]Google Scholar, vol. III, 113). Chacun de ces textes évoque à la fois l'exigence de l'exercice direct de la souveraineté puis ses difficultés pratiques ou ses dangers, Montesquieu et Robespierre retrouvant les mêmes formules pour en dire l'impossibilité et Rousseau se refusant à prendre en charge cette impossibilité. Mais notons que l'argument central de Robespierre sur les factions est clairement inspiré par le Contrat social.

40 Nous n'abordons pas ici l'interminable querelle concernant Rousseau comme précurseur non seulement de la Terreur mais du totalitarisme du 20e siècle, lancée en particulier par Talmon, J., The Rise of Totalitarian Democracy (London: Secker and Warburg, 1952Google Scholar). Mentionnons seulement l'importance de la fameuse analyse de Hegel (dont il conviendrait de reprendre avec soin la critique de Montesquieu et de Rousseau), où, sans référence explicite, il s'oppose à la volonté rousseauiste qui ne rejoint pas le concret effectif et, sans terme, ne peut mener qu'à la « furie de la destruction » (la Terreur); alors que la liberté peut se réaliser positivement si elle consent à s'aliéner dans les médiations sociales adéquates (« un pouvoir divisé en législatif, judiciaire et exécutif ») (« La liberté absolue et la Terreur, », dans La Phénoménologie de l'Esprit [Paris: Aubier-Montaigne, 1946], Tome II, 130–37Google Scholar).

41 Du Contrat social, Livre II, ch. III.

42 Sur la question de l'unanimite et de la majorité dans l'expression de la volonté du peuple, voir: Du Contrat social, Livre IV, ch. II.

43 Les Considerations sur le gouvernement de Pologne offrent un bel exemple de la vie sociale concrète dont le Contrat social donnait les fondements au niveau du droit, car Rousseau y prend le rôle du Législateur pour y exalter la plus stride éducation des moeurs de la jeunesse par les sentiments de patriotisme, d'appartenance et de sacrifice (Pl. III, surtout 959–70). Voir aussi, Sur l'économie politique, 259.

44 Le souverain ne peut nuire à tous ses membres ni à aucun en particulier, dit Rousseau, car « par cela seul qu'il est, [il] est toujours tout ce qu'il doit être » (Du Contrat social, Livre I, ch. VII, 363).

45 De l'Esprit des lois, Livre III, ch. III-V; Livre IV, ch. V; Livre V, ch. II.

46 De l'Esprit des lois, Livre IV, ch. V, 267.

47 Dans des ajouts motivés par la prudence à l'égard de l'Église, Montesquieu précise qu'il s'occupe de la « vertu politique » non des « vertus morales particulières » et encore moins de celles qui se rapportent aux vérités révélées; ce qui ne l'empêche pas d'être attaqué: selon sa classification, en effet, les vertus chrétiennes ne semblent plus nécessaires dans les régimes autres que démocratiques, en l'occurence dans la monarchic française du 18e siècle! Voir De l'Esprit des his, Livre III, ch. V, 255, note; l'« Avertissement de l'auteur », 227–28; et les « Éclaircissements sur l'Esprit des lois », 1169. II précise aussi le sens du renoncement vertueux par ce bel exemple: « Pourquoi les moines aiment-ils tant leur ordre? C'est justement par l'endroit qui fait qu'il leur est insupportable. Leur règle les prive de toutes choses sur lesquelles les passions ordinaires s'appuient: reste done cette passion pour la r`gle même qui les afflige. Plus elle est austère, c'est-à-dire plus elle retranche de leurs penchants, plus elle donne de force à ceux qu'on leur laisse » (Livre V, ch. II, 274).

48 Cette excellente expression est de Benrekassa, G., Montesquieu, la liberté et l'histoire (Paris: Librairie générate française, 1987), 113.Google Scholar

49 Discours sur les Sciences et les Arts, Pl. III, surtout 14–15. Voir le commentaire (assez vaggue) de Rousseau sur Montesquieu, concernant la place de la vertu et de la modération selon les gouvernements:Du Contrat social, Livre III, ch. IV, 405.

50 Voir à ce sujet, Blum, C., Rousseau and the Republic of Virtue, the Language of Politics in the French Revolution (Ithaca: Cornell University Press, 1986)Google Scholar, ch. 7; et sur le mythe de Rousseau comme « l'homme de la douleur », Starobinski, J., « La maladie de Rousseau », dans La transparence et l'obstacle, coll. Tel (Paris: Gallimard, 1971), 433–34.Google Scholar

51 Dans l'abondante littérature sur le rôle de Rousseau pendant la Révolution, mentionnons Barny, R., « Rousseau, J. J. dans la Révolution », XVIIIe Siècle 6 (1974) 5998Google Scholar; Soboul, A., « Rousseau, J. J. et le jacobinisme », dans Études sur le Contrat social (Paris: Les Belles Lettres, 1964), 405–25.Google Scholar On connaît en outre son influence décisive sur Robespierre, par exemple par la fameuse « Dédicace » à Rousseau: « Homme divin! tu m'as appris à me connaître… », citée dans Walter, Gérard, Robespierre (Paris: Gallimard, 1946), 23Google Scholar et 72; ou encore cette tentative d'annexer Rousseau à sa cause en pleine Terreur: « Ah! s'il [Rousseau] avait été témoin de cette révolution dont il fut le précurseur, et qui l'a porte au Panthéon, qui peut douter que son âme généreuse eût embrassé avec transport la cause de la justice et de l'égalité » (« Sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicans et sur les fetes nationales », dans Robespierre, Textes choisis, III, 172).

52 Robespierre, , « Sur les principes de morale politique… », (février 1794), Textes choisis, 110–31.Google Scholar Voir notamment sur Robespierre, Mathiez, A., Études sur Robespierre (Paris: Éd. sociales, 1958)Google Scholar, et Cobban, A., Aspects of the French Revolution (New York: G. Braziller, 1968).Google Scholar

53 « Sur les principes de morale politique… », 116–17.

54 Ibid., 118.

55 Défense de l'Esprit des lois, seconde partie. Voir aussi à ce sujet les Lettres persanes, lettre XXIX.

56 De l'Esprit des lois, Livres XXIV et XXV.

57 Du Contrat social, Livre II, ch. VII, et Livre IV, ch. VIII.

58 Ibid., Livre II, ch. VII, 383.

59 Ibid., Livre IV, ch. VIII, 468–69.

60 Robespierre, , « Sur les rapports des idées religieuses et morales… » (mai 1794), Textes choisis, 155–80.Google Scholar

61 Robespierre distingue Rousseau de l'ensemble des Philosophes et en particulier de ceux qui, encore vivants, se sont retrouvés dans le camp royaliste ou modéré pendant la Révolution (Ibid., 171–72).

62 Le texte de Robespierre vaut la peine, nous semble-t-il, d'être cité un peu longuement: « L'idée de l'Être suprême et de l'immortalité de l'âme est un rappel continuel à la justice; elle est done sociale et républicaine. La Nature a mis dans l'homme le sentiment du plaisir et de la douleur, qui le force à fuir les objets physiques qui lui sont nuisibles, et à chercher ceux qui lui conviennent. Le chef d'oeuvre de la société serait de créer en lui, pour les choses morales, un instinct rapide qui, sans le secours tardif du raisonnement, le portât à faire le bien et à éviter le mal; […] Or ce qui produit ou remplace cet instinct précieux, ce qui supplée à l'insuffisance de l'autorité humaine, c'est le sentiment religieux qu'imprime dans les âmes l'idée de la sanction donnée aux préceptes de la morale par une puissance supérieure à l'homme. Aussi je ne sache pas qu'aucun législateur se soit jamais avise de nationaliser l'athéisme. […] [II faut se garder] de briser le lien sacré qui unit [les hommes] à l'auteur de leur être. II suffit même que cette opinion ait régné chez un peuple pour qu'il soit dangereux de la détruire. Car les motifs des devoirs et les bases de la moralité s'étant nécessairement liés à cette idée, l'effacer c'est démoraliser le peuple. II résulte du même principe qu'on ne doit jamais attaquer un culte établi qu'avec prudence et avec une certaine délicatesse, de peur qu'un changement subit et violent ne paraisse une atteinte portée à la morale, et une dispense à la probité même. Au reste, celui qui peut remplacer la divinité dans le système de la vie sociale, est à mes yeux un prodige de génie; celui qui, sans l'avoir remplacée, ne songe qu'à la bannir de l'esprit des hommes, me parait un prodige de stupidité et de perversité » (Ibid., 167–69).

63 Ibid., 168.

64 Nous empruntons ces expressions à Manent, P., Naissances de la politique moderne (Paris: Payot, 1977), 9.Google Scholar