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Published online by Cambridge University Press: 27 September 2016
In 1975, as part of a complete reform of divorce law, France eliminated traditional spousal support awards in favour of payment of a “compensatory allowance.” French law thus went counter to the solutions adopted by most European legal systems, which held with maintaining a support obligation between former spouses as the expression of a duty to assist that continues beyond the divorce.
This analysis examines that innovation and the debate it generated among French parliamentarians and the legal community alike, identifying the justifications advanced by the actors in the French legal system for post-divorce financial compensation itself. We see that in spite of the innovation sought, there is no consensus on the question of the basis for financial compensation after divorce. In the most recent period, however, there has been more openness to remedying inequality associated with differences in the spouses’ investments in household activities.
En 1975, la loi française, à la faveur d’une refonte complète du droit du divorce, a abandonné l’octroi de la traditionnelle pension alimentaire entre ex-époux au profit du versement d’une « prestation compensatoire ». La loi française s’est alors inscrite à rebours des solutions retenues par la plupart des droits européens demeurés fidèles au maintien d’une obligation alimentaire entre ex-époux, expression d’un devoir de secours maintenu au-delà du divorce.
À partir de cette innovation et des débats qu’elle a suscités, tant chez les parlementaires que parmi les juristes français, la présente analyse entend mettre en lumière les justifications apportées par les acteurs du système juridique français à l’existence même d’une compensation financière après divorce. On constate qu’en dépit de l’innovation recherchée, la question des fondements d’une compensation financière après divorce n’a pas trouvé de réponse univoque. La période la plus récente montre cependant une plus grande place faite à la réparation des inégalités liées aux investissements différenciés des époux dans les activités domestiques.
1 L’enrichissement sans cause fonde une action de droit commun susceptible d’être évoquée à la suite de la rupture d’un concubinage, en l’absence d’un statut juridique des unions de fait, comme à la suite de la rupture d’un mariage, à titre complémentaire.
2 Voir N. Dandoy, Y. Favier, F. Granet, « Les logiques implicites de la prestation compensatoire dans le divorce : approches comparées européennes », Canadian Journal of Law and Society, p. 22.
3 Ces enjeux ressortent très nettement du rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille, où sont discutés aussi bien l’hypothèse de l’alignement des droits des concubins et des époux séparés, écartée, que les fondements possibles des obligations entre les membres de l’ancien couple, pris en tant que tels ou en tant que parents d’enfants communs. Sur la création d’un « Régime parental impératif », voir Comité consultatif sur le droit de la famille, Alain Roy (chair). Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales (Montréal : Thémis, 2015).
4 M. Boisson, V. Wisnia-Weill, Centre d’analyse stratégique, Note d’analyse n° 294 (oct. 2012), Désunion et paternité, Proposition n° 4.
5 Sur la volonté présumée des conjoints de fait en particulier, Belleau, voir H., Cornut St-Pierre, P.. 2014. « Conjugal interdependence in Quebec: From legal rules to social representations about spousal support and property division on conjugal breakdown. » Canadian Journal of Law and Society 29 no 1 (2014): 43–58.CrossRefGoogle Scholar
6 Belleau, H.. « D’un mythe à l’autre : de l’ignorance des lois à la présomption du choix éclairé chez les conjoints en union libre » Canadian Journal of Women and the Law 27 no 1 (2015): 1–21.CrossRefGoogle Scholar
7 A. Bonomi, M. Steiner (dir.), Les régimes matrimoniaux en droit comparé et en droit international privé (Genève, Librairie Droz, 2006).
8 Même si, à cette solidarité familiale continuée, s’ajoute une solidarité sociale par le moyen des prestations versées sous condition de ressources et destinées à compléter les ressources des foyers les plus démunis, spécialement en présence d’enfants. V. M. T. Letablier, S. Dauphin, Protection sociale et compensation des inégalités économiques entre femmes et hommes, dans cette revue, p. 25.
9 H. Fulchiron, F. Ferrand (dir.), La rupture du mariage en droit comparé (Paris : Société de législation comparée, 2015), Droit comparé et européen, vol. 19. Voir également Rapport final pour la Mission de recherche Droit et justice [Rapport de recherche] Ministère de la justice ; CNRS. 2013, p. 92 et s.
10 Arnaud, A.-J., Essai d’analyse structurale du Code civil français. La règle du jeu dans la paix bourgeoise, (Paris : LGDJ, 1973).Google Scholar
11 Voir N. Dandoy, Y. Favier, F. Granet, « La prestation compensatoire comme modalité de compensation privée des inégalités », cette revue, préc.
12 La pension de réversion est le reversement à l’épouse devenue veuve d’une partie de la retraite préalablement versée à son mari décédé. Ce versement est prévu à titre subsidiaire, lorsqu’elle ne dispose pas de suffisamment de droits propres. La règle est neutre mais concerne de fait les femmes.
13 Une différence comparable persiste au Québec; Langevin, voir L., « Liberté de choix et protection juridique des conjoints de fait en cas de rupture : difficile exercice de jonglerie », McGill Law Journal 54 (2009): 697–716;CrossRefGoogle Scholar A. Roy, « L’évolution de la politique législative de l’union de fait au Québec », Dans Conférences des juristes de l’État 2013, 83–152 (Cowansville : Yvon Blais, 2013).
14 François Dagognet, Libres propos d’un philosophe, dans Des concubinages : droit interne, droit international, droit comparé : études offertes à Jacqueline Rubellin-Devichi (Paris : Litec, 2002).
15 Sur l’expression de « similitude fonctionnelle », voir B. Moore. « Passé et avenir de l’union de fait: entre volonté et solidarité ». Dans Conférences des juristes de l’État 2013, 65–79 (Cowansville : Yvon Blais, 2013).
16 Pour un point de vue contraire, voir les propositions du Comité consultatif sur le droit de la famille, Alain Roy (chair). Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales (Montréal : Thémis, 2015).
17 La partie II a été rédigée par I. Sayn.
18 Première séance du 29 mai 1975, M. le Garde des Sceaux.
19 Première séance du 29 mai 1975, M. Marc Lauriol. V. également, Première séance du 3 juin 1975, M. André Chandernagor.
20 Première séance du 29 mai 1975, M. Xavier Deniau.
21 G. Donnez, Rapporteur de la commission des lois, J0 Ass. Nationale, 29 mai 1975, p. 3299.
22 « Aucune réforme fondamentale du divorce, comme du mariage, ne sera possible tant que subsistera une inégalité sociale et économique entre la femme et l’homme. La dissolution du mariage provoque chez la femme, plus que chez l’homme, des difficultés matérielles, économiques et professionnelles complexes et souvent inextricables en l’état actuel de la législation et des mœurs » (Première séance du 29 mai 1975, Mme Jacqueline Thome-Patenôtre).
23 Rapport de M.D. Hoeffel fait au nom de la commission des lois, n° 20 (1997–1998).
24 Proposition de loi n° 400 (1996–1997) de M. R. Pagès, Sénat.
25 Proposition de loi n° 1900 (1999) de M. Y. Nicolin, Assemblée Nationale.
26 Rapport n° 2114 Hoeffel fait au nom de la commission des lois, Assemblée Nationale.
27 Le délégué aux droits des femmes et à l’égalité des chances (Rapport du 25 janvier 2000) défend ainsi l’idée que la prestation compense la perte de statut de femme mariée, un parlementaire affirmant qu’elle doit permettre de protéger le statut social acquis par le mariage (Texte n° 1900 A. N).
28 Proposition de loi de P.A. Wiltzer n° 579 (1997) : la prestation institutionnalise un devoir moral d’assistance; Proposition de loi n° 400 (préc.) et Proposition de loi n° 156 : elle assure une protection de l’époux dans la situation la plus précaire.
29 Rapport fait au nom de la commission des lois, n° 2114 A. N., M. Gérard Gouzes, (préc.).
30 Sénat, Rapport de M. J.J. Hyest au nom de la commission des lois, n° 291 (1999–2000).
31 Par exemple, Proposition de loi n° 579 (préc.).
32 Proposition de loi n° 579 (préc.).
33 Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission des lois, n° 2114 (préc.).
34 Sénat, Rapport fait au nom de la commission des lois n° 291 (préc.).
35 Proposition de loi n° 1900 (1999), préc.
36 V. par exemple l’intervention de Patrice Gélard au cours de l’audition de M. Alain Benabent (Comptes rendus des réunions de la commission des lois, Texte n° 389 Sénat).
37 Discussion de la loi n° 2004–439 du 26 mai 2004, première lecture, Comptes rendus des réunions de la commission des lois, A. Sacaze.
38 Sénat, Séance du 7 janvier 2004, D. Perben, Garde des Sceaux.
39 Discussion de la loi n° 2004–439 du 26 mai 2004, texte n° 389 Sénat, Rapport d’information n° 117, Sénat, Professeur F. Boulanger.
40 Sénat, Séance du 7 janvier 2004, D. Perben, Garde des Sceaux.
41 Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission des lois, n° 1513, P. Delnatte.
42 Sénat, Séance du 7 janvier 2004, S. Desmarescaux.
43 Sénat, Séance du 7 janvier 2004, M. Cerisier-ben Guiga.
44 Assemblée nationale, Rapport n° 1513 (préc.), p. 32.
45 Sénat, Rapport fait au nom de la commission des lois n° 120 (2003-2004), M. P. Gélard.
46 Sénat, Séance du 6 mai 2004, D. Perben, Garde des Sceaux.
47 Assemblée nationale, Rapport n° 148 fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, G. Levy, p. 19.
48 Sénat, Rapport fait au nom de la commission des lois n° 120, préc.
49 Sénat, Rapport fait au nom de la commission des lois n° 120, préc., note 11.
50 La partie III a été rédigée par S. Bouabdallah.
51 Il s’est agi pour nous d’étudier : les manuels de droit de la famille, des monographies, des thèses de doctorat, les commentaires de la loi de 1975 et de ses lois modificatives, les articles et les commentaires d’arrêts publiés dans les revues généralistes de droit civil comme le Dalloz, La semaine juridique, la Revue Trimestrielle de droit civil et dans des revues à destination d’un public plus spécialisé comme la revue Droit de la famille, l’Actualité famille ou la Gazette du Palais.
52 Fr. Ost et M. van de Kerchove, « La doctrine entre “faire savoir” et “savoir-faire” », ADL, 1997, p. 32.
53 Ph. Jestaz, Ch. Jamin, La doctrine (Paris : Dalloz, 2004).
54 Carbonnier, J.. « Préface », dans Mélanges dédiés à Michel Jeantin (Paris : Dalloz, 1999).Google Scholar
55 J. Carbonnier, « La question du divorce. Mémoire à consulter », D. 1975, Chron., p. 115.
56 P. Bourdieu, « La force du droit [Éléments pour une sociologie du champ juridique] », dans Actes de la recherche en sciences sociales, 64 (septembre 1986). De quel droit?, p. 5.
57 Atias, Ch., Epistémologie juridique (Paris : Dalloz, 2002), p. 177 et s.Google Scholar
58 S. Pimont, « Peut-on réduire le droit en théories générales? », RTDciv 2009, p. 417; Devinat, M., Guihermont, E., « Enquête sur les théories juridiques en droit civil québécois », R.J.T. 44 (2010), p. 7–50.Google Scholar
59 Voir not. H. Belleau, « D’un mythe à l’autre… », préc.
60 P. Murat, « Individualisme, libéralisme, légistique », dans Mariage-conjugalité, Parenté-parentalité, H. Fulchiron (dir.) (Paris : Dalloz, 2009), p. 237 et s.
61 C. Moreau, B. Munoz-Perez, E. Serverin, Les prestations compensatoires à l’épreuve du temps (Ministère de la Justice : Paris, 2006), p. 67 et s.
62 Par exemple, « le droit français interdit, contrairement au droit américain, de prévoir dans un pacte prénuptial un « golden parachute » en cas de divorce car ceci est jugé contraire à l’ordre public dans la mesure où l’époux bénéficiaire pourrait se sentir incité à divorcer pour des raisons purement financières », J. Pansier (dir.), Liquidation des indivisions (Rueil-malmaison : Lamy, 2012), p. 132.
63 A. Revillard, « Protection humiliante ou source de droits? Prestation compensatoire, pensions alimentaires et luttes féministes », Jurisprudence – Revue critique 2011, pp. 217–30.
64 Sur ce point, voir M.-T. Letablier, cette revue, infra.
65 E. Biland, G. Schütz. « Les couples non-mariés ont-ils des droits? Comment juristes, intellectuels et journalistes ont construit l’affaire Éric c Lola.” Revue canadienne Droit et Société 30, no 3 ():323–43.