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Droit et gestion de l'environnement en pays Bassari (Sénégal oriental): réflexions sur un droit de l'environnement au Sénégal

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Olivier Barrière
Affiliation:
Centre IRD (Institut de Recherche pour le Développement), Roselt/OSS, BP 64501, 34394 Montpellier cédex 5,France, [email protected]

Abstract

This analysis of Senegal environmental law is based on the example of a local context of rural communities located in the eastern Senegal area where the Bassari population is settled. The environmental legislation in Senegal does not seem to fit the local and rural realities. Our approach proposes to build a patrimonial legal system involving responsibility of the different actors in decision making. Law should be elaborated consensually by the different stakeholders, so that it will be easier to implement. We have conceived a «local environmental agreement» in order to link the local (legitimate) and national (legal) requirements. The aim of this article is to develop a conceptual and practical basis for legal and institutional patrimonial management of the natural resources.

Résumé

La réflexion sur le droit de l'environnement au Sénégal s'effectue à partir de l'exemple d'un contexte local, celui d'une communauté rurale au Sénégal oriental où se situe la population Bassari. Le législateur sénégalais tente de construire un droit de l'environnement qui reste souvent trop éloigné des réalités rurales locales. Nous analysons les perspectives d'un droit relatif à l'environnement qui puisse être effectif en proposant l'idée d'un système juridique patrimonial qui organise à la fois l'implication et la responsabilisation des acteurs à chacun des niveaux des rouages d'action et de décision. En effet, le constat que nous pouvons faire sur le terrain est une difficile application du droit législatif et réglementaire traduisant une inadéquation de celui-ci aux réalités locales. Partant de l'idée qu'un droit négocié est plus opportun qu'un droit imposé dans le cadre d'une gestion décentralisée de l'environnement, nous avons élaboré et présenté une convention d'environnement comme un mode de régulation locale qui constitue le maillon entre la légitimité locale et la légalité nationale. L'objectif de ce texte dépasse le cadre de la formalisation d'un lien entre l'oralité et l'écrit juridique pour dégager les bases d'un rapport patrimonial à l'environnement.

Type
Dossier
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References

1 Par exemple, le cas de l'ordonnance no 93–015 du 2 mars 1993 fixant les principes d'orientation du Code rural au Niger.

2 Notre approche sur le droit de l'environnement se polarise ici sur les aspects milieux, faune et flore. Nous n'avons pas encore intégré la dimension pollution et nuisance en raison du fait que la recherche s'effectue en zone rurale où la question environnementale est principalement axée, de nos jours, sur la dimension de la gestion des écosystèmes.

3 Loi no 63–40 du 10 juin 1963.

4 Loi no 65–23 du 9 février 1965; loi no 74–46 du 18 juillet 1974 (JO no 4375 du 26 août 1974).

5 Loi no 67–28 du 23 mai 1967

6 Arrêté présidentiel no 6328 du 22 mai 1968 (JORS du 15 juin 1968, p 662–63) Sur le droit de l'environnement au Sénégal, voir Ly, I., Problématique du droit de l'environnement dans le processus de développement économique et social d'un pays africain. l'exemple du Sénégal, Dakar, thèse de doctorat en droit, UCAD, 1994Google Scholar

7 Arrêté ministériel no 5068 PM/MDR du 30 avril 1971 (JO no 4175 du 17 juillet 1971)

8 Loi no 70–02 relative à la pêche aux engins traînants dans les eaux territoriales.

9 Loi no 72–21 portant création d'une zone de pêche au-delà de la limite des eaux territoriales sénégalaises et fixant le régime d'exploitation de cette zone.

10 Loi no 81–13 du 4 mars 1981 (JO no 4828 du 11 avril 1981 aux pp 411–18).

11 Loi no 83–05 du 28 janvier 1983 (JO du 23 avril 1983 aux pp 324–32).

12 Loi no 86–04 du 24 janvier 1986 (JO du 25 janvier 1986 aux pp. 39–43)

13 Loi no 87–27 du 18 août 1987

14 Loi no 88–06 du 26 août 1988

15 Décret no 93–885 du 4 août 1993 (JO no 5535 du 7 août 1993 aux pp 252–54

16 Décret no 98–557 du 25 juin 1998 (JO no 5814 du 8 août 1998 aux pp. 517–18)

17 Loi no 93–06 du 4 février 1993 (JO no 5510 du 27 février 1993 aux pp 53–60), loi no 98–03 du 8 janvier 1998.

18 Loi no 98–32 du 14 avril 1998 (JO du 24 avril 1998 aux pp 254–62)

19 Loi no 2001–01 du 15 janvier 2001 (JO no 5972 du 10 mars 2001) et décret no 2001–282 du 12 avril 2001 (JO no 5985 du 5 mai 2001).

20 Programme d'action national de lutte contre la désertification, octobre 1998, Ministère de l'environnement et de la protection de la nature.

21 Plan national d'action pour l'environnement, septembre 1997, Ministère de l'environnement et de la protection de la nature/secrétariat permanent du Conseil supérieur des ressources naturelles et de l'environnement

22 Plan d'action environnemental de protection des eaux et de conservation du littoral, février 1997, Ministère de l'environnement et de la protection de la nature / Ministère de l'économie, des finances et du plan / PNUD/OMI.

23 Stratégie nationale assortie d'un plan national d'actions pour la conservation de la biodiversité, 18 avril 1998, Ministère de l'environnement et de la protection de la nature

24 Loi no 64–46 du 17 juin 1964 relative au domaine national; Décret no 64–573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d'application de la loi no 64–46 du 17 juin 1964 relative au domaine national.

25 Loi no 76–66 du 2 juillet 1976 portant Code du domaine de l'État; Décret no 81–557 du 21 mai 1981 portant application du Code du Domaine de l'État en ce qui concerne le domaine privé.

26 Le Code civil français a été introduit par l'arrêté gubernatoral du 5 novembre 1830; actuellement son livre II et III font toujours partie du droit sénégalais dont l'article 544 définissant la propriété.

27 Les articles 8, 9, 10 et 12 de la loi no 64–46 du 17 juin 1964 relative au domaine national.

28 Loi no 66–64 du 30 juin 1966 portant Code de l'Administration communal, abrogée par la loi no 96–06 du 22 mars 1996 portant Code des collectivités locales.

29 Loi no 72–25 du 19 avril 1972 relative aux communautés rurales et la loi no 72–27 du 26 mai 1972 relative aux conseils régionaux, aux conseils départementaux et aux conseils d'arrondissement, abrogées par la loi no 96–06 du 22 mars 1996 portant Code des collectivités locales.

30 La loi no 90–35 du 8 octobre 1990 modifie le Code de l'administration communale; la loi no 90–37 du 8 octobre 1990 retire la gestion des communautés rurales aux sous-préfets et la remet entre les mains des présidents de conseils ruraux.

31 Loi no 96–06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités locales; loi no 96–07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales; décret no 96–1134 du 27 décembre 1996 portant application de la loi portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales, en matière d'environnement et de gestion des ressources naturelles; décret no 96–228 du 22 mars 1996 modifiant le décret no 72–636 du 29 mai 1972 relatif aux attributions des chefs de circonscription administrative et des chefs de village.

32 Voir Barrière, O., Gestion des ressources naturelles renouvelables et conservation des écosystèmes au Sahel: le Foncier-Environnement, Paris, thèse en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris, vol. 1 et 2, 1996.Google Scholar; O., et Barrière, C., «Le foncier-environnement, fondements juridico-institutionnels pour une gestion viable des ressources naturelles renouvelables au Sahel» (1997) 60 FAO col. Etudes Législatives; 123 pp.Google Scholar; Barrière, O. et Barrière, C., Un droit à inventer. Foncier et environnement dans le delta intérieur du Niger, Paris, IRD, collection «A travers champs» 2002.Google Scholar

33 Date d'entrée en vigueur de la réforme de l'administration territoriale et locale pour la région de Tambacounda.

34 Toutes les données citées dans ce texte sont le résultat de nos enquêtes personnelles menées en 1999–2000.

35 En 1960, les indépendances scindent la population bassari en deux, celle de la Guinée et celle du Sénégal.

36 Voir Girard, J., Les Bassari du Sénégal, fils du Caméléon, Paris, Harmattan, 1984.Google Scholar

37 L'habitus, comme «fondement objectif de conduites régulières» se définit par «un système de dispositions permanentes, établi comme principe générateur et organisateur des pratiques, des représentations, des modes d'agir et de penser, que l'individu a acquis tout au long de son histoire dans une interrelation active, dans une médiation, entre les structures internes de sa subjectivité et les structures sociales externes», Boudieu, P., «Habitus, code et codification» (1986) 64 Actes de la Recherche en sciences sociales 40.CrossRefGoogle Scholar

38 Carnavalia ensiformis, open en bassari, tagale en peul

39 Le mad – Saba senegalensis, le tamarin – Tamarindus indica, Hannoa undulata, le karité – Vitellaria paradoxa, le pain de singe – Adansonia digitata, le néré – Parkia biglobosa, le jujube – Ziziphus mauritania, Vitex madiensis, Lanea sp., etc.

40 Contrairement à l'analyse de Sandberg Audun qui raisonne très justement en termes de droits de propriété sur un espace norvégien et non africain, «Gestion des ressources naturelles et droits de propriété dans le grand Nord Norvégien: éléments pour une analyse comparative» (1994) 2:4Natures, Sciences, Sociétés aux pp. 323–33.CrossRefGoogle Scholar

41 Règle qui n'est pas suivie par les Peuls et qui disparaît chez les Bassaris.

42 Pendant deux mois en fin d'année pour la classe opalug et la classe odiar (pour les deux dernières années de la classe opalug – 24 & 25 ans – et les deux premières années de la classe odiar – 26 & 27 ans, soit sur quatre années).

43 Comme par exemple le caméléon qui est l'espèce totémique sacré, intouchable pour les Bassaris.

44 Art. 192 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996.

45 Art. 6 du décret no 64–573 du 30 juillet 1964; Loi no 96–06 du 22 mars 1996.

46 Loi no 64–46 du 17 juin 1964.

47 Art. 2 & art. 5 du décret no 72–1288 du 27 octobre 1972.

48 Art. 19 du décret no 64–573 du 30 juillet 1964.

49 Art. 195 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996; art. 30 de la loi no 96–07 du 22 mars 1996.

50 Art. 17 du décret no 64–573 du 30 juillet 1964; art.17 du décret no 72–1288 du 27 octobre 1972.

51 Art. 16 du décret no 72–1288 du 27 octobre 1972.

52 Art. 1–13 du Code de l'environnement du 15 janvier 2001 (loi no 2001–01).

53 Principes du décret no 96 1134 du 27 décembre 1996, art.3.

54 Art. 195 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996 & art. 30 de la loi no 96–07 du 22 mars 1996.

55 Art. 44, 48 D96–1134.

56 Art. 50 D96–1134.

57 Art. 43 D96–1134.

58 Art. 8 du décret no 64–573 du 30 juillet 1964; art. 200 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996.

59 Principes du décret no 96–1134 du 27 décembre 1996, art. 3.

60 Principes du décret no 96 1134 du 27 décembre 1996, art. 3.

61 Art. 9 du décret no 96–1134 du 27 décembre 1996.

62 Art. 12 du décret no 96–1134 du 27 décembre 1996.

63 Art. L2 de la loi no 98–03 du 08 janvier 1998.

64 Le défrichement est défini par le Code forestier (art. R47) comme «la succession d'opérations destinées à permettre l'utilisation, à des fins d'occupation et de mise en valeur autres que forestières, d'un terrain préalablement couvert de végétation ligneuse».

65 Art. L10 à L13 de la loi no 98/03 du 08 janvier 1998.

66 Art. 195 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996; art. 30 de la loi no 96–07 du 22 mars 1996.

67 Loi no 86–04 du 24 janvier 1986 portant code de la chasse et de la protection de la faune; décret no 86–844 du 14 juillet 1986 portant Code de la chasse et de la protection de la faune (partie réglementaire); arrêté ministériel no 10661 ME-DEFCCS du 30 novembre 2000 fixant les modalités d'exercice de la chasse pour la saison cynégétique 2000–2001.

68 Art. 195 de la loi no 96–06 du 22 mars 1996; art. 30 de la loi no 96–07 du 22 mars 1996.

69 Principes du décret no 96 1134 du 27 décembre 1996, art. 3

70 On ne peut que déplorer l'absence de droit prétorien et la faiblesse de la doctrine en droit de l'environnement.

71 Le texte de la convention, trop long à être reproduit ici, peut être obtenu auprès de l'auteur. La proposition rédigée a été présentée à Salémata, le 11 avril 2001, devant plus de deux cents personnes, notamment tous les chefs de village, les élus locaux, les représentants des jeunes, des femmes de chacun des villages et les autorités décentrées de l'Etat. Chaque article a fait l'objet d'une double traduction, en peul et en bassari, et les débats ont également été traduits dans les deux langues.

72 Voir Codes locaux pour une gestion durable des ressources naturelles, Eschborn, GTZ, 2000.

73 Voir Coutumes juridiques de l'Afrique occidentale française, t.1, Paris, Sénégal, 1939, 348.

74 Sur cette distinction propriété/patrimoine, voir l'excellente analyse de Madjarian, G., L'invention de la propriété. De la terre sacrée à la société marchande Paris, Harmattan, 1991.Google Scholar

75 Prieur, Selon Michel, «le droit africain de l'environnement est bien un droit à venir» dans Karato, Maurice, Droit de l'environnement en Afrique, Universités Francophones, Edicef-Aupelf, 1996, préface à la p. 13.Google Scholar

76 Concernant la “maîtrise foncière” tout court, se référer à Etienne Le Roy qui présente une théorie des maîtrises foncières Il retient à ce titre qu'un espace peut voir son statut changer selon son usage, impliquant par-là la notion d'appropriation mais selon le critère de l'affectation. La notion de maîtrise foncière découle ainsi de «l'exercice d'un pouvoir et d'une puissance, donnant une responsabilité particulière à celui qui, par un acte d'affectation de l'espace, a réservé plus ou moins exclusivement cet espace. La notion de maîtrise permet de relier les références à la souveraineté et à la propriété qui «encadrent» les pratiques foncières. en soulignant qu'à leur intersection des droits et des obligations particulières peuvent naître d'une affectation de l'espace …» Voir Roy, E. Le «Le pastoralisme africain face aux problèmes fonciers» dans Pastorahsme. Troupeaux, espaces et sociétés, Paris, Hatier-Aupelf, 1995 aux pp 487509.Google Scholar Pour cet auteur, la maîtrise foncière est considérée comme un concept homéomorphe [sic] de type interculturel, appréhendant à la fois les logiques “traditionnelles” africaines et “modernes” coloniales et post-coloniales Voir Roy, E. Le, «La sécurisation foncière dans un contexte africain de marchandisation imparfaite de la terre» dans Terre, terroir, territoire. Les tensions foncières, Paris, ORSTOMGoogle Scholar, col. Colloques et Séminaires/Dynamique des systèmes agraires, 1995 aux pp. 455–72. Voir également Roy, E. Le «La théorie des maîtrises foncières» dans La sécurisation foncière en Afrique Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 1996 aux pp 5976Google Scholar et du même auteur, Le jeu des lois (1999) L G D J à la p 301 et s.

77 Caverivière, Selon Monique et Debène, Marc, «Le législateur a introduit un mode original … en rupture avec les techniques classiques fondées sur le concept de propriété. Le juriste a le plus souvent été étonné, voire désemparé» dans Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988.Google Scholar Dans leur conclusion générale, les auteurs se posent la question de l'avenir d'un tel régime en doutant d'une solution unificatrice.