L'idée de réforme en islam – ce qu'il est convenu d'appeler en français, depuis les années 1930, le « réformisme musulman » – reste couramment associée aux discours, systèmes de pensée et idéologies qui se développèrent dans les pays musulmans, en gros du milieu du xixe siècle au milieu du xxe siècle, à la fois en réaction à la domination économique, culturelle, militaire et coloniale européenne et grâce au développement des échanges et à la circulation plus rapide des personnes et de l'information. Ce réformisme était constitutif de ce qui était alors perçu comme une renaissance de la pensée et de la production écrite, en arabe nahḍa. Combiné au nationalisme, l'idéal de renaissance plongeait les siècles antérieurs à la rencontre avec l'Europe dans l'obscurité et faisait de l’époque ottomane un temps de déclin. Ceci se traduisit longtemps, sur le plan scientifique, par une grande méconnaissance des xve, xvie, xviie et xviiie siècles. Au prétendu retard pris par le monde musulman à l’époque moderne répondit ainsi un retard historiographique, fort heureusement en voie de comblement depuis près de cinquante ans.