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Qui enseigne qui? (Lectures du Ḥayy b. Yaqẓān d'Ibn Ṭufayl)*

Published online by Cambridge University Press:  24 October 2008

Dominique Mallet
Affiliation:
Institut Français d'Études Arabes de Damas (I.F.E.A.D.), B.P. 344, Damas, Syria

Abstract

The author investigates the different readings of Ibn ṬufayPs epistle, Ḥayy b. Yaqẓan. Following a suggestion by L. Gauthier, who simply asked that the epistle should be read as a whole, the author adds Ṣalāḥ ‘Abd al- ḥabūr's reworking of the tale as a children's story to L. Gauthier's list of partial readings. The author juxtaposes Ṣalāḥ ‘Abd al- ḥabūr's reading, which does justice only to what Asāl taught Ḥayy, to G. Hourani's reading, which succeeds in reflecting only what Ḥayy taught Asāl. This impasse in the readings of Ḥayy b. Yaqẓān reveals what is missing, namely an understanding of the tale which fundamentally conforms to several of Alfarabi's teachings, though not to L. Gauthier's interpretation.

L'auteur s'interroge sur la diversité des lectures de l'épître d'lbn Ṭufayl, Ḥayy b. Yaqẓan. Suivant une suggestion de L. Gauthier, lequel demandait simplement que l'épître entière soit lue, il ajoute à l'inventaire des lectures interrompues de l'épître, une réécriture du conte par Ṣalāḥ ‘Abd al- ḥabūr: Ḥayy raconté aux enfants. L'auteur choisit d'opposer cette lecture qui ne rend justice qu'à l'enseignement que Asāl dispense à Ḥayy, à la lecture de Hourani, laquelle ne parvient à réfléchir réellement que l'enseignement que Ḥayy dispense à Asāl. Les impasses de ces lectures du Ḥayy b.Yaqẓān montrent ce qui leur manque: une signification du conte qui est fondamentalement conforme à quelques-unes des directions de l'enseignement d'Alfarabi mais qui ne donne pas non plus raison à Interprétation de L. Gauthier.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1998

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References

1 Les renvois au Ḥayy b. Yaqẓān se référent à l'édition Gauthier, de L., Ḥayy Ben Yaqdhân, roman philosophique d'Ibn Thofaïl (Beyrouth, 1936). De part et d'autre des deux points, le numéro de gauche renvoie à la page, celui de droite à la ligne.Google Scholar

2 Risālat al-qadar, Mehren, dans, Traités mystiques (Leiden, 1894), pp. 56 du texte arabe,Google Scholar p. 2 de la paraphrase (cf. Gauthier, , Ibn Thofayl, sa vie, ses œuvres [Paris, 1909], p. 72).Google Scholar Un personnage du nom de Ḥayy b. Yaqzān y établit au moyen de preuves rationnelles la toute-puissance de la prédestination. La séduction de Joseph (Coran XII, 23–34) répond à cet épisode du second des deux récits de Salāmān et d'Absāl consignés à la fin des Tis' rasā'il fī al-hikma wa al-tabī'iyyāt wa qissat Salāmān wa Absāl (éd. 'Aṣī, Ḥasan, dār qābis [sl., 1982], p. 125sqq.):Google Scholar Salāmān et Absāl sont frères. Éprise de son beau-frère, l'épouse de Salāmān convainc son royal époux de donner sa propre sœur en mariage à Absāl… “Ainsi fit-il. […] Elle dit à sa sœur: ‘Je ne t'ai pas fait épouser Absāl pour qu'il t'appartienne en propre et pour m'en priver, mais bien pour que toi et moi le pratiquions ensemble!’ Puis elle dit à Absāl: ‘Ma sœur est une vierge pudique. Surtout ne consomme pas avec elle le mariage de jour et ne lui dis rien avant qu'elle ne se soit accoutumée à toi’. Quand vint la nuit des épousailles, la femme de Salāmān se coucha dans le lit de sœur. Absāl entra et s'étendit auprès d'elle. N'y tenant plus elle pressa sa poitrine contre lui. Un soupçon vint à Absāl qui se dit en lui-même: ‘Les vierges aimantes ne font pas ainsi!’ Le ciel à ce moment était assombri de nuages. Un éclair jaillit à la lumière duquel il put voir son visage. Il la repoussa, s'éloigna d'elle et s'engagea à ne plus la voir”. Qissat Salāmān wa Absāl dans Tis’ rasāil…, p. 137 (cf. Gauthier, Ibn Thofayl…, p. 74 sqq. et Mallet, D., “A(b)sal et Joseph”, article à paraître dans le volume des Annales Islamologiques institulé “Les intellectuels en islam classique, statut et fonction”).Google Scholar

3 Ḥayy. 20:6; 154:1; 155:5.

4 Les cycles sont irréguliers puisque les périodes s'étendent tantôt sur un (second et troisième cycles de septénaires), tantôt sur deux (dernier cycle), tantôt encore sur trois septénaires (premier cycle). La différence de 1 à 3 septénaires dans leur étendue paraît échapper à l'explication formelle.

5 Voir tableau I, infra.

6 Mallet, Voir D., “La bibliothèque d'Avicenne,” Studia Islamica, 83 (1996): 121–30.CrossRefGoogle Scholar

7 al-Huwārizmī, Voir, Mafātīḥ al-'ulūm, cf. éd. Vloten, Van (Leiden, 1895; réimpr. 1968), pp. 56 et 132–3.Google Scholar

8 Voir tableau II, infra.

9 Alfarabi, Voir, K. al-Hurūf, II. Sur les rapports du Ḥayy avec la description des relations entre la milla et la falsafa dans la deuxième partie du K. al-Hurūf,Google ScholarMallet, voir D., “Les livres de Ḥayy”, Arabica, 44 (1997): 134.CrossRefGoogle Scholar

10 Hourani, Voyez G.F., “The principal subject of Ibn Tufayl's Ḥayy ibn Yaqzân,” Journal of Near Eastern Studies, 15 (01 1956): 40–6.CrossRefGoogle Scholar

11 Cf. Gauthier, Ḥayy, introd. p. 5, n. 1 et Hourani, “The principal subject of Ibn Ṭufayl's Ḥayy ibn Yaqzân”, in fine.

12 Voyez cette page de La persécution et l'art d'écrire dans laquelle L. Strauss entreprend de préciser les formes de l'expression philosophique dans ses rapports avec le politique: “La philosophie et les philosophes étaient ‘en grand danger’. La société ne reconnaissait ni la philosophie ni le droit à philosopher. Il n'y avait aucune harmonie entre la philosophie et la société. […] L'enseignement exotérique était nécessaire afin de protéger la philosophie. Il constituait la cuirasse dont la philosophie devait se revêtir pour paraître en public. Il était nécessaire pour des raisons politiques. Il était la forme sous laquelle la philosophie devint visible pour la communauté politique. C'était l'aspect politique de la philosophie. L'enseignement exotérique était la philosophie ‘politique’ …” (La persécution… introd., p. 47; c'est moi qui souligne [D.M.]) Strauss fait ici une claire distinction entre “la philosophie” et “les philosophes.”

13 Voyez 145:2–4 (passage cité infra).

14 Ḥayy b. Yaqẓān li-Ibn Ṭufayl, rusūm husayn, Mustāfa, al-šurūq, Dār (Beyrouth - Le Caire, sd.) (la traduction est de moi-même [D.M.]).Google Scholar

15 145:2–4. Le vocabulaire de l'exemplification – service, imitation, indication (voyez également la mention répétée et surtout ambiguë des “vertueux ancêtres”) – marque le magistère de Ḥayy du sceau de la mystique. Ḥayy, de même qu'Ibn Hufayl, dévoile plus qu'il n'inculque. Il lève le voile sur le sens de pratiques cultuelles tout à la fois scrupuleusement observées et durablement ignorées.

16 Sur les figures historiques qu'ils représentent et dans le détail des assignations de chacun d'eux à son obédience particulière, les interprétations peuvent bien diverger, mais dans leur allure générale, elles concordent: Ḥayy et Asāl représentent ensemble la théologie (naturelle et déduite a priori ou révélée et conquise par l'interprétation); Salāmān représente la religion populaire. Que l'on fasse de Ḥayy ou d'Asāl, — voire des deux ensemble — l'incarnation de la doctrine almohade scellée par le Mahdi Ibn Tūmart, ou de Ḥayy la reprise figurée de la religion des falāsifa et d'Asāl la critique personnifiée du juridisme almoravide, on n'en reconnaît pas moins dans Salāmān celle de la piété littéraliste et de la foi naïve du tout-venant des hommes. Cf. Watt, M., Islamic Philosophy and Theology (Edimburgh, 1985), p. 139:Google Scholar “Ḥayy stands for pure philosophy, Asāl for philosophical theology – possibly for that of Ibn Tūmart – and Salāmān for that of the ordinary people and probably also of the Mālikite jurists.” Urvoy, D. (“La pensée d'Ibn Tūmart”, Bulletin d'Études Orientales, 27 (1974): 1944. à la p. 40 [22]) suggère d'étendre à Ḥayy lui-même l'illustration de la doctrine d'Ibn Tūmart, Asāl ne venant que pour la reconnaître après coup dans ce que découvrit Ḥayy par sa propre réflexion.Google Scholar

17 Ḥayy, trad. p. 111. Cf. Watt, M., cité dans Urvoy, “La pensée d'Ibn Tūmart,” p.41: “The precise relation between the popular religion and the true, that is philosophical and mystical religion is not clear in the account of Ibn Tufayl.”Google Scholar