Published online by Cambridge University Press: 01 March 2004
La diffusion d'Alexandre d'Aphrodise, en raison de la qualité inégalée de son exégèse d'Aristote, est celle des textes vivants. Simplicius est plus érudit, Philopon plus critique, Averroès plus savant. Mais Alexandre possédait un art de la synthèse entre l'analyse philologique de la lettre et la saisie de l'orientation générale d'un texte, qui fait de lui l'Exégète par excellence. On comprend, dans ces conditions, que sa transmission ne soit pas le relais linéaire d'un ‘‘témoin” figé. Citons aussi bien le recours extensif de Simplicius, au VIe siècle, à ses commentaires physiques que la renaissance philosophique des IXe–Xe siècles en terre d’Islam, qui s'accompagne d'un mouvement massif de traduction de textes alexandriques. Or s'il apparaît de plus en plus clairement que c'est la nécessité de bâtir une ontologie du sensible aristotélicienne, subordonnée à l'ontologie platonicienne des Formes divines, qui a poussé le ‘‘platonicien” Simplicius à puiser dans les commentaires de son prédécesseur, on ne s’est pas encore assez interrogé sur le sens de l'intérêt aigu des philosophes islamiques pour Alexandre. Pourquoi, par exemple, alors que les Byzantins, quand ils ont eu le choix entre Alexandre et Simplicius, ont choisi Simplicius, les Arabes se sont-ils systématiquement décidés pour Alexandre?