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L'identité de l'intellect et de l'intelligible selon la version latine d'Averroés et son interprétation par Thomas d'Aquin

Published online by Cambridge University Press:  24 October 2008

Édouard H. Wéber
Affiliation:
CNRS, 20 rue des Tanneries, 75013 Paris, France

Extract

The Aristotelian theme of the identity of the intellect and of the intelligibleis of the utmost importance in Averroes' noetics. This latter, studied in the Latin translations that the Latin philosophers of the thirteenth century scrutinized, rigourously develop this theme so as to preserve the supraempirical and transcendant character of necessary truth that human thinking identifies, thereto sacrificing the individual uniqueness of the intellective operation in its final instance. A Latin Master of the thirteenth century, Thomas Aquinas, adopts Averroes' insight into the transcendence of the noetic, and confirms it, even as he defends the strictly personal character of human intellection.

Le thème aristotélicien d'identité de l'intellect et de l'intelligible est d'importance capitale dans la noétique d'Averroès. Celle-ci, étudiée en sa version latine scrutée par les penseurs latins du XIIIe siècle, le développe avec exigence en vue de sauvegarder le caractère supra-empirique et transcendant de la vérité nécessaire qu'identifie la pensée humaine. Elle y sacrifie la singularité personnelle de l'opération intellective en son instance ultime. Maître latin du XIIIe siècle, Thomas d'Aquin a partagé le discernement d'Averroès sur la transcendance du noétique et l'a confirmé tout en justifiant le caractère rigoureusement personnel de 1'intellection humaine.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1998

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References

1 Aristote, , De anima, III, 5, 430a1920 (traduction Barbotin, de E. [Paris, 1966],Google Scholar modifiée à l'occasion, éventuellement avec un regard sur celle Rodier, de G. [Paris, 1900]).Google Scholar

2 Ibid., 2, 425b26–31; voir 426b15–16.

3 Ibid., 4, 430a3–7.

4 Aristote, , Métaphys., Λ (XII), 7, 1072b1823 (trad. J. Tricot [Paris, 1933], II pp. 174–5). Dans la formule “réceptacle de l'intelligible et de l'essence,” on précise par “existante” le terme essence pour expliciter le sens polyvalent du terme grec ousía.Google Scholar

5 Ibid., 9, 1074b33–1075a5 (trad. Tricot, pp. 186–7, modifiée).

6 De an., 430a14–15.

7 Ibid., 430a17–18.

8 Ibid., 4, 430a8.

9 Ibid., 430a16–18.

10 Ibid., 7, 431b17 et b22–432a1.

11 Métaph., XII, 9, 1075 a3–5.

12 Auerrois Cordubensis commentarium magnum in Aristotelis De anima libros, recensuit Crawford, F. Stuart (Cambrigde, Mass. 1953), III, comm. 5, pp. 404–5, 501–527.Google Scholar L'expression forma ymaginata est, en référence aux lignes 334–338 de la p. 398 (intentiones ymaginate […] sunt illud cuius proportio ad virtutem distinctivam rationabilem est sicut proportio sensati ad sentiens, non sicut sentientis ad habitum quod est sensus), restituée par “détermination-formelle élaborée-dans le-pouvoir-dereprésentation-imaginante.” On cherche à éviter le sens insuffisant d'image relevant seulement de l'imagination-fantaisie. On remarquera dans les deux sens de “être intelligent en puissance” une extension de la double manière soulignée par Aristote pour “être savant” (De an., III, 4, 429a6s).

13 Averroès, , In Metaphysicam, XII, Commentaire 39 (Venise, 1560), fol. 340rA.Google Scholar

14 Ibid., fol. 340rB.

15 Ibid., fol. 350vD-F.

16 Ibid., fol. 351rA-B.

17 Ibid., fol. 351rB.

18 Ibid., fol. 351rC-vD.

19 Ibid., fol. 351vD.

20 Aristote, De an., III, 5, 430a14–15 et 429b30–430a2.

21 Ibid., 4, 430a20–25, pour l'intellect dit passif: “corruptible,” qui par la suite sera distingué de l'intellect pathetikos, réceptif, “possible” qui vérifie le caractère “séparé” et incorruptible.

22 Ibid., 5, 430a15–18: l'intellect agent “séparé, sans mélange, impassible, étant acte par essence.”

23 Ibid., 430a22–24 “séparé, il est seulement ce qu'il est en propre, et cela seul est immortel et éternel” (trad. Barbotin).

24 Averroés, , Grand commentaire du De anima, III, comm. 5, Crawford, p. 399, 362–369.Google Scholar

25 Ibid., pp. 398–400, ll. 340–399 qu'on résume (examen des dires d'Ibn Bājja); pp. 398–9, 340–354.

26 Ibid., p. 401, 402–410; déjà p. 398, 334–335: Intentiones enim ymaginate sunt moventes intellectum, non mote.

27 Ibid., p. 400, 385–390.

28 Ibid., comm. 36, p. 491, 337–353; on traduit “forme spirituelle” par “forme intentionnelle sensitive,” car ce qui est ici qualifié de spirituel évoque, comme il est courant dans les versions latines de textes arabes traitant de psychologie de la connaissance, la notion d'influx vital (les “esprits animaux”), d'où la formulation “forme spirituelle” qui est censée éclairer l'animation corporelle jusqu'en ses appréhensions sensitives.

29 Ibid., p. 493, 408: valde difficile; cf. p. 495, 461: questiones contingentes huic quesito sunt ita difficiles, sicut tu vides.

30 Ibid., p. 496, 505–517; p. 497, 527–536; p. 499, 559–574; 578-p. 500, 590.

31 Ibid., p. 500, 591–p. 501, 622.

32 Ibid., p. 502, 661–666.

33 Ibid., p. 493, 413–418. Averroés ajoute plus loin, p. 502, 650–654: “Il est manifeste qu'à affirmer que l'intellect matériel est générable et corruptible, on s'interdit toute démarche explicative concernant la conjonction de l'Intellect agent avec l'intellect qui est en habitus, conjonction étant entendu au sens propre, celui du rapport de la forme et de la matière.”

34 Ibid., III, c. 20, p. 451, 226–227: forma ignea minor ignea alteranti. Voir encore In Metaph., II comm. 4, fol. 50r.

35 d'Aquin, Thomas, De unitate intellectus contra Averroïstas, éd. critique t. 43, pp. 243314;Google Scholar trad. franç. et notes importantes par de Libera, A., Thomas d'Aquin. L'unité de l'intellect contre les averroïstes, suivi des textes contre Averroès antérieurs à 1270 (Paris, 1994);Google ScholarSententia Libri De anima, t. 45/1. Wéber, Voir aussi É.H., L'homme en discussion à l'Université de Paris en 1270 (Paris, 1970);Google Scholar et du même, La personne humaine au XIIIe siècle (Paris, 1991).Google Scholar

36 Wéber, Voir É.H., “Les apports positifs de la noétique d'Ibn Rushd à celle de Thomas d'Aquin,” dans Multiple Averroès. Actes du Colloque International organisé à l'occasion du 850e anniversaire de la naissance d'Averroés, Paris 20–23 Septembre 1976 (Paris, 1978), pp.211–49.Google Scholar L'accent polémique du De unitate intellectus s'éclaire par l'hostilité de la majorité des théologiens conservateurs étrangers à la noétique thomasienne avec partialité réputée trop aristotélisante (et même solidaire de celle de averroïsants), ne doit pas celer l'intérêt de Thomas pour la pensée du commentateur cordouan.

37 Thomas, Compendium theologiae, I chap. 85, éd. crit. t. 42, p. 109, 118–120.

38 De unitate intell., c. 5, t. 43, p. 312, 164–165: inquirendum restat quid sit ipsum intellectum; voir le contexte dans la trad. de Libera p. 181.

39 Averroés, Gd comment. du De an., p. 491, 337–353; Thomas, De unit. intell., chap. 5, p. 311, 118–131, trad. de Libera pp. 178–9.

40 Thomas, QD. de spiritualibus creaturis, a.9 ad 6: in hac ratione praecipuam videtur vim Averroës constituere.

41 Thomas, Sent. L. de anima, III, chap. 2, éd. crit. t. 45/1, pp. 212–13, 239–289; Aristote, évoque, De an.,Google Scholar III, 8, 431b29: “la similitude (de la pierre) en l'âme.” Voir S. contra Gentiles, II chap. 75, Marietti § 1550 notamment; De unit. intell., chap. 5, p. 312, 186–188: “Il faut affirmer, d'après la sentence d'Aristote, que l'objet intelligible qui est unique [dans le cas de plusieurs intellects humains connaissant la même réalité], c'est la quiddité et nature essentielle (natura) de cette réalité.”

42 Expositio in L. de causis, Prop. 4, éd. Saffrey, p. 33, 20–29, p. 34, 4–17. Cette œuvre est datée de 1272. On tente par ajouts entre crochets de mettre en évidence la densité de formules trop laconiques concernant la notion d'universel que Thomas, à la suite de la prop. 10 du L. des causes et de Denys, Hiér. Céleste, chap. 12, relative aux degrés multiples d'universalité des formes en domaine intellectif, entend en un riche sens causal noétique. Voir In L. de causis, prop. 10, Saffrey p. 66s; S. theol., I q. 55 a. 3; S. c. Gentiles, II chap. 98. In Sent., II d. 3 q. 3 a. 2, Thomas, à ses appuis sur Denys et le L. des causes, Averroès, adjoint,Google ScholarIn Metaph., XII, comm. 51 (passage cité ci-dessus concernant les degrés de dignité croissante à mesure d'une moindre composition chez les intellects ou Intelligences de statut créé).

43 S. theol., I q. 85 a. 2 Resp.: species intelligibiles se habet ad intellectum ut quo intelligit intellectus.

44 Thomas, S. c. Gentiles, II chap. 73, Marietti § 1523: “L'intellect possible […] est, par rapport aux images représentatives sensitives, leur cause efficiente. C'est sous son empire [sur les pouvoirs cognitifs, sensibles] que se constitue dans le pouvoir d'imaginer la représentation en correspondance avec la forme intelligible, de sorte qu'en l'image représentative il fait resplendir la forme intelligible comme l'exemplaire.modèle en sa copie ou image (phantasma […] in quo resplendet species intelligibilis sicut exemplar in exemplato sive in imagine).”

45 S. c. Gentiles, II chap. 73, Marietti § 1515–1516: … respondet Commentator praedictus quod species intelligibiles habent duplex subiectum.

46 Wéber, Voir E.H., Dialogue et dissensions entre s. Bonaventure et s. Thomas d'Aquin à Paris (Paris, 1974), notamment p. 459s pour le couple perfection première-perfection ultime.Google Scholar

47 S. c. Gentiles, III chap. 70, Marietti § 2466: Patet quod non sic idem effectus causae naturali et divinae virtuti attribuitur quasi partim a Deo et partim naturali agente fiat, sed totus ab utroque.

48 Averroés, Voir, Gd comm. du De an., III, comm. 5, Crawford p. 398, 334–335;Google ScholarThomas, De unit. intell., chap. 5, p. 312, 226–230: “Quelque chose d'unique est connu simultanément par moi et par toi, mais il est connu chez moi en raison d'une forme intelligible autre chez moi et autre chez toi, de sorte que autre est mon connaître et autre le tien.”Google Scholar

49 De unit. intell., chap. 5, p. 312, 234–236;Google Scholaribid., chap. 3, t. 43, pp. 303–304, 101–106: per speciem intelligibilem aliquid intelligitur, sed per potentiam intellectivam aliquid intelligit; sicut etiam per speciem sensibilem aliquid sentitur, per potentiam autem sensitivam aliquid sentit. Unde paries in quo est color, cuius species sensibilis in actu est in visu, videtur, non videt. Et aussi Sent. L. de anima, III chap. 1, p. 206, 339–341: quod per hunc modum (i.e. dans la thèse d'Averroés) sit aliqua unio intellectus possibilis ad nos, non tamen hec unio faceret nos intelligentes, set magis intellectos. De même Comp. theol., I chap. 85, p. 109, 86–90.

50 Voir De unit. intell., chap. 5, p. 312, 238–239: Non enim singularitas repugnat intelligibilitati, sed materialitas (trad. Libera, de, p. 185s, § 108); QD de spirit. creat., q. 9 ad 6; S. c. Gentiles, II chap. 75 § 1553, qui en outre signale qu'Averroes ne distingue pas entre “être de nature matérielle” et “être en puissance.”Google Scholar