Le « Centre d'Études de Politique Étrangère » vient de rassembler en un volume une série d'études consacrées à l'industrialisation de l'Afrique du Nord. Ces études, dues à d'éminents spécialistes de formation et d'opinions très diverses — juristes, économistes, géographes, diplomates, techniciens — sont groupées en cinq parties : les données géographiques et techniques, les données financières et commerciales, les données politiques et administratives, problèmes humains, bilan et programme. Groupement logique, mais un peu factice. En réalité le même problème a été traité par plusieurs auteurs ; les trois avant-derniers chapitres reprennent, dans le cadre politique des trois pays, des données qui se trouvaient dispersées dans les chapitres précédents.

Qui nous reprocherait de suivre avec un intérêt particulier les mouvements de pensée de nos amis belges? Nous avons republié, dans un numéro récent des Annales, un article de M. Stengers sur le livre de Marc Bloch, Métier d'historien, article qui nous a paru fort juste de ton. Et voici que, dans le même recueil de Mélanges offerts à Georges Smets par ses élèves et amis belges, un autre article, signé Jean De Sturler, ne peut pas ne pas retenir notre attention puisqu'il se réfère à, des opinions souventes fois exprimées par nous, et auxquelles l'historien belge se rallie librement. Cet article est intitulé : A propos d'une prétendue liberté de Vhistorien. On me permettra d'attirer l'attention sur ses conclusions et, sans doute, revenant pareillement sur l'article de M. Stengers, d'apporter quelques précisions sur des questions que les deux auteurs ont traitées en toute liberté.

Je regrette un peu que la première phrase du beau livre d'Augustin Renaudet, Dante humaniste —« ce livre souhaite de rencontrer des lecteurs informés de la vie, de la personne et de l'oeuvre de Dante » — risque de lui conférer, préventivement, une sorte d'ésotéricité qu'il ne possède en réalité nullement. Ce serait fâcheux. Il y a des « dantologues ». Des spécialistes de la « dantologie ». Cependant qu'ils se disputent sur des pointes d'aiguilles, le public cultivé, humain, éclairé, risque de se détourner d'une oeuvre qui lui parait écrite pour ces termites de l'érudition vaine et dont il ne saisit point (parce qu'on l'en détourne) le caractère de profonde humanité.

Il est de plus en plus rare de rencontrer un livre récent d'histoire qui ne soit pourvu, dès lors que ses proportions ou l'envergure du sujet le permettent, d'une bibliographie systématique et parfois critique : les Annales l'ont toujours recommandé. Mais que la bibliographie se détache d'une oeuvre particulière, comme une branche propre de nos disciplines, voilà une conséquence du développement même des sciences historiques. Depuis quelques années, des ouvrages paraissent qui se consacrent exclusivement à la discussion rétrospective des points de vue et des opinions successives des historiens d'hier et d'aujourd'hui concernant un thème donné.

L'Institut Archéologique Liégeois nous procure sur ce sujet toute une série d'études, inégales sans doute, mais complémentaires en quelque sorte les unes des autres. De l'histoire des charbonnages dans le Pays de Liège, II. Dewé avait été l'un des pionniers; c'est lui qui évoqua le souvenir de J. Morand, ce médecin français qui, à la fin du XVIIIe siècle, publiait, au retour de ce pays, un magnifique ouvrage, L'art d'exploiter les charbons de terre (1768), qu'avaient illustré des artistes liégeois.

Le livre que M. Jean Marx a publié sous ce titre est considérable. Il n'apporte pas seulement des éléments nouveaux de discussion sur les origines du cycle breton ; il suggère une réflexion originale sur la place que ce cycle occupe dans le développement du moyen âge. Il rappelle par certaines de ses méthodes et par ses prolongements les travaux de M. G. Dumézil sur les légendes romaines. Il ne plaira pas, sans doute, aux spécialistes de formation étroite. Mais il ne sera plus possible, désormais, d'aborder l'immense domaine des études celtiques et médiévales en l'ignorant.

Il est au Nord-Ouest de Palmyre une région de hauts plateaux, qui fut longtemps délaissée par les explorateurs. Le relief peu accentué, les sols meubles, les précipitations d'eau relativement importantes, autant de conditions propres à l'élevage ; mais l'absence de points d'eau permanents empêche actuellement la création de centres ruraux. Les Djebels Chéfé, Abou Douhour, Madaba, Chaar en sont les massifs les plus importants. C'est cette région que M. Daniel Schlumberger a longuement prospectée, à la recherche des vestiges de la culture palmyrénienne.

« Un tel livre ne s'analyse pas ; il faut le lire » : la formule revient parfois sous la plume des critiques qui veulent rendre hommage à l'auteur mais reculent devant l'examen minutieux de l'ouvrage, ou déclarent forfait en cours de route. Nous la ferons nôtre a propos d'une récente étude de M. Lucien Musset. Non pas qu'on cherche à, s'esquiver après un coup de chapeau. A aucun moment — sauf au récit quelque peu monotone des aventures dynastiques et des troubles intérieurs — l'attention ne se lasse, l'intérêt ne faiblit.

Historien, je voudrais mettre une note à l'intéressant article qu'un psychologue, mon ancien collègue de Strasbourg Maurice Pradines, a consacré dans le Journal de Psychologie (n° 2, 1952) au « rôle informateur de l'art en matière psychologique ».

J'ai cru d'abord, sur la foi du titre mal interprété, qu'avec sa compétence particulière Maurice Pradines allait m'éclairer directement sur un problème qui se pose devant moi et pour moi depuis bien longtemps. S'agissant de certaines nuances délicates de psychologie collective, l'historien attentif à la chronologie des manifestations. artistiques d'une époque, comparées à d'autres manifestations de la même époque — disons les manifestations de la pensée conjecturant, expérimentant, généralisant, concluant et, pour finir, créant la science du temps, telle qu'elle résultait de ces opérations de l'esprit et de bien d'autres encore — cet historien est souvent amené à constater un fait, à première vue assez singulier.

Chaque nouveau grand livre d'Armando Sapori est un nouveau service éminent rendu à l'Histoire. Cette magnifique édition des livres de commerce des Alberti del Giudice, qui paraît à, Milan, à la date de 1952, en format infolio, sur du papier qui fait envie, ornée d'illustrations et de planches dignes du texte et de l'auteur — constitue la troisième en date des grandes éditions de textes économiques italiens que nous a procurées Péminent connaisseur de ce département d'histoire : faut-il dire italienne ou universelle? — Tour à tour, Armando Sapori nous aura donné en 1934 à, Milan, chez Trêves, les livres des Peruzzi, puis en 1945, à Milan également, ceux de la firme bancaire des Gianfigliazzi (Milan, 1321-1325) ; voici maintenant ceux des Alberti del Giudice. Notons qu'il ne s'agit là que des « grandes » publications de cet infatigable travailleur.

Les anciens fidèles des Annales se rappellent le nom et la collaboration du Dr W. Maas à Voeuvre commune : notes brésiliennes en 1942, notes suédoises, notes sur la découverte de VEurope centrale slave par les Arabes au Xe siècle, etc. — Le Dr Maas m'écrit, à la date du 3 novembre 1952 : « Je suis professeur de géographie à V Université de Dacca, Pakistan oriental. Je lis beaucoup de livres sur Vhistoire des Indes, des livres anciens et des récents. Quant à ces derniers, fai pensé qu'un rapport serait peut-être le bienvenu pour les Annales et j'ai écrit les notes ci-jointes.... » — Je suis très touché de la fidèle pensée du Dr Maas et c'est avec grand plaisir que je publie cette promenade à travers l'historiographie indienne que guide en quelque sorte la bibliographie. —L. F.

Nous allons finir, aux Annales, sous prétexte de trop bien faire, par ne pas signaler en temps utile un fort bon livre, celui de François Chevalier sur La formation des grands domaines au Mexique. Il a servi à l'auteur de thèse de doctorat en Sorbonne et il parait dans la Collection des Travaux et mémoires de l’Institut tf Ethnologie de l'Université de Paris, avec le puissant appui financier du Centre National de la Recherche Scientifique.

Qui ne connaît le Père Peeters, le savant Bollandiste qui présida l'Académie Royale de Belgique et fut membre associé de l'Institut de France? Ceux qui ne seraient point renseignés sur l'activité et les réussites de ce grand érudit n'auraient qu'à prendre connaissance dans les Analecta Bollandiana, t. LXIX (1951) de la notice que lui a consacrée le P. Paul Devos, S. J. Or, à sa mort, en août 1950, on a trouvé dans ses papiers quelques centaines de réflexions diverses. Sa famille, ses amis en ont tiré la matière d'un petit recueil savoureux qui parait chez Desclée de Brouwer sous le titre de Sentences intemporelles d'un vieil historien.