Quelle histoire ! Des chevaux et des nègres, des nègres et des chevaux ! » : telle est déjà la conclusion de Samuel Coleridge, peut-être l'un des premiers auteurs traitant de l'esclavage à avoir rassemblé les avis de recherche concernant les marrons (et les chevaux) pour — dans son cas — mettre le système en accusation. Plus récemment, de nombreuses études ont porté sur des populations coloniales de marrons. Mais elles aussi ont sans doute été inspirées, en partie au moins, par la politique, car l'évasion y est largement conçue comme un acte de résistance. Aucune ne tente de faire le lien entre la communauté des fugitifs et l'ensemble de la population servile ; aucune n'examine convenablement l'importance des formes de mobilité des esclaves pour comprendre leur culture. Notre travail vise à combler cette double lacune. Le nombre, le lieu de naissance et l'activité permettent d'évaluer la représentativité de la population des esclaves fugitifs. Le nombre de marrons signalés dans les journaux de la Caroline du Sud à l'époque coloniale est impressionnant, si on le compare à celui des journaux de Virginie pour l'ensemble du xviiie siècle (tableau 1). Ce qui frappe aussi, c'est le fait que ces 5 599 marrons ne représentent qu'une faible proportion du nombre réel d'esclaves fugitifs.