On lit, on relit avec plaisir le livre délicat, intelligent, de Marvin Harris, de Columbia University. Son titre, Town and Country in Brazil, fait craindre un livre général, théorique, mais fort heureusement l'annonce est inexacte. C'est d'un voyage, puis d'un séjour dans une petite ville brésilienne, qu'il est uniquement question. Dès les premières pages, nous arrivons à Minas Velhas, au coeur de l'Etat de Bahia, loin dans l'intérieur ; nous y sommes encore quand le livre s'achève, sans jamais en cours de route nous être ennuyés une seconde en compagnie d'un guide qui sait voir, comprendre, faire comprendre. La peinture est d'ailleurs si vive, le texte à ce point attachant que l'ouvrage se lit « comme un roman ». C'est dans mon esprit un compliment exceptionnel, car il est rare qu'un ouvrage, scientifiquement conduit, sous le signe de la plus étroite objectivité, puisse à ce point vous déprendre du temps présent et vous conduire, comme devant un spectacle, aux sources, — ici encore vivantes, — d'une réalité, d'une « civilisation » urbaine révolue. Un historien peut rêver d'un paysage de ce genre, mais le voir, désuet, archaïque, de ses propres yeux, le toucher du doigt, c'est un plaisir autrement vif, et quel enseignement ! Hâtons-nous d'en jouir ! Même à Minas Velhas, la vie nouvelle a ses attraits : un jour, elle bousculera tout cet ordre ancien, fragile, qui s'y maintient par miracle.