La réflexion historique est parfois un héritage qui se transmet de génération en génération. Pour l'Antiquité l'un des exemples les plus spectaculaires est celui de l'interprétation de l'économie grecque, objet d'un débat fameux depuis le 19e siècle entre « modernistes » et « primitivistes », peu évoqué cependant en France si ce n'est dans deux articles des Annales où L. Gernet en 1933 et E. Will en 1954 se faisaient l'écho des discussions outre-Rhin. Beaucoup plus tard, en 1982, L. Valensi rappelait cette faible présence. Mais à cette date le combat avait déjà changé d'âme et le problème posé par L. Gernet en 1933, « Comment caractériser l'économie de la Grèce antique ? », pouvait être considéré comme résolu depuis la parution en 1972 de l'ouvrage de M. I. Finley, The Ancient Economy (trad. frse, L'économie antique,1975). Ce concept d'« économie antique » (Proche-Orient exclu) que l'historien de Cambridge expliquait par « l'existence d'une structure culturelle et psychologique communes, dont j'espère montrer, disait-il, [… comment elle affecte toute description de l'économie] » (EAnt.: 39), l'a indéniablement emporté même si l'on rencontre ici et là quelques opposants. Une « nouvelle orthodoxie » s'est donc installée : l'économie antique est définie par la part prépondérante de l'agriculture, le rôle de l'autosuffisance locale, la place limitée de l'artisanat et du fait monétaire, l'absence d'un véritable marché de l'emploi et de l'investissement. Les « primitivistes » ont gagné et les « modernistes » bel et bien perdu et J. Andreau a raison d'écrire que l'ouvrage de Finley est peut-être le dernier représentant de la vieille querelle.