À la tête de la cité d’Athènes entre 317 et 307 av. J.-C., Démétrios de Phalère fut gratifié de multiples statues honorifiques. Alors que durant toute l’époque classique ces distinctions étaient octroyées avec une grande parcimonie par le peuple athénien, ce législateur satura le territoire civique de ses effigies, mettant à l’honneur de nouvelles formes statuaires – la statue équestre –, investissant de nouveaux espaces – les dèmes –, tout en limitant les autres manifestations monumentales dans l’espace public. Les effigies honorifiques furent davantage imposées que négociées ou, à tout le moins, furent octroyées de façon bien moins tatillonne par la communauté qui, au demeurant, avait été redéfinie de façon restrictive. Au fur et à mesure qu’elles envahissaient l’espace public, par un phénomène de compensation, les effigies de Démétrios de Phalère furent ainsi détruites, transformées ou avilies, selon des modalités variées qui permettent de dresser les contours d’une véritable culture de l’outrage, établie sur la longue durée. Au-delà du cas de Démétrios de Phalère, les statues honorifiques se révèlent en définitive des objets « bons à penser »: elles permettent à la fois d’articuler le temps court des ruptures politiques et des réformes législatives, mais aussi le temps long des rituels et de la mémoire civique. Leur étude implique de concilier l’approche anthropologique et la perspective institutionnelle, voire procédurale.