Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Les cuisines nationales n'obéissent pas à des rites immuables. Elles ne sont pas des formulaires transmis sans retouches, d'une génération à l'autre. Les styles culinaires s'adaptent, s'assimilent, et sont en perpétuelle évolution. La cuisine vit. Rendez au Nouveau Monde le dindon, le cacao, la pomme de terre, la tomate, le piment, les haricots, les courges, d'autres légumes encore, et les menus européens seront méconnaissables. Enlevez à l'Europe le tournesol et l'arachide, plantes oléagineuses originaires d'Amérique, et la falsification de l'huile d'olive est compromise. Ce qui caractérise les cuisines nationales à chaque stade de leur évolution, ce n'est pas tant l'origine des ingrédients que leur apprêt. Témoin le piment qui joue un si grand rôle au Mexique, dans la région méditerranéenne et en Hongrie : à chaque endroit, on en a tiré un parti différent.
page 1041 note 1. En adoptant des mots français, les indigènes accolent habituellement l'article au nom ; d'autre part, le t. et le d sont habituellement interchangeables et on substitue, dans plusieurs dialectes, la lettre l à l'r. Cette étymologie se compare à celle de lepin (prononcez lépine), qui vient du parler populaire canadien-français, (les bins, de l'anglais beans, c'est-à-dire les haricots).
page 1042 note 1. Nos ancêtres connaissaient les haricots, qu'ils nommèrent notamment fèves, mais la recette des fèves au lard semble d'origine américaine. A cause de cela, le parler populaire a adopté pour les désigner le mot anglais. Les beans (prononcez binne) désignent toujours les « fèves au lard » et jamais les « fèves à beurre ».
page 1043 note 1. Les Algonkiins constituent une grande famille linguistique, liée à la forêt d'épinettes et de bouleaux, qui s'étend de l'Atlantique aux Rocheuses, en contournant la Prairie au nord. Au Canada, ils sont représentés notamment par les Micmacs et Malécites, des Provinces Maritimes et de la Gaspésie, les Abénaquis réfugiés à Pierreville après avoir été chassés de la Nouvelle-Angleterre, les Montagnais et Naskapi de la forêt boréale du Québec (auxquels se rattachent les Mistassins), les Algonquins proprement dits du nord de l'Outaouais, les Têtes-de-boule des confins de la Mauricie et de l'Abitibi, les Ojibways des lacs de l'Ontario et du Manitoba, les Cris et les Piedsnoirs de la Prairie, les peuplades d'affinité crise de la baie James. Les Attikamègues ou Poissons-blancs, maintenant disparus, sauf les traces conservées par le métissage, faisaient également partie de la famille algonquine.
page 1043 note 2. Paul Le Jeune, s. j . Voir ses relations annuelles de 1633 à 1641, faisant partie des Relations des Jésuites.
page 1043 note 3. Rousseau, Jacques, « De menus rites païens de la forêt canadienne », Les Cahiers des Dix, 19, pp. 187–231, 1954 Google Scholar.
page 1043 note 4. Signifiant étymologiquement « portage du festin du chien ».
page 1045 note 1. Rousseau, Jacques, « Le partage du gibier dans la cuisine des Montagnais-Nskapi », Anthropologica, 1 : 215–217, 1955 Google Scholar.
page 1045 note 2. Chez les Montagnais qui parlent français, le mot bonhomme a un sens respectueux, d'ailleurs conforme à l'étymologie.
page 1047 note 1. Le bluet étroitement apparenté à la myrtille.
page 1047 note 2. Un intéressant ouvrage, paru récemment, Le Monde à Table, édité par Doré OBRISEK (Odé, Paris, 1952), renferme deux chapitres de P. ANDRIEU, consacrés aux Esquimaux et au Canada. Le premier fourmille d'erreurs ; le second a été surtout fabriqué à coups de ciseaux dans les Saintes. Artisanes de Marius Barbeau et divers articles sur la gastronomie amérindienne, dont je suis l'auteur. Je sais gré à Andrieu de n'avoir pas cité ses sources, tant il a multiplié les imprécisions et les erreurs. Le découpage est un art.