Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
Bien que le prestige de Versailles soit actuellement au plus haut point, les études relatives à son histoire n'ont pas fait de progrès substantiel depuis de longues années. La publication de documents, tirés principalement des archives suédoises, nous a apporté, depuis trente ans, la solution de quelques difficultés et des précisions d'ordre chronologique importantes, mais on se meut toujours dans le cadre déterminé par les admirables travaux de Pierre de Nolhac au début de ce siècle. Ce n'est certes pas manquer à sa mémoire que de le constater et de souhaiter en même temps que, suivant son exemple, un nouveau pas soit fait pour interpréter plus complètement une œuvre dont il a été le premier à comprendre la signification véritablement exemplaire.
page 469 note 1. Les années où se fixe le programme de Versailles, 1664-1669, sont celles où se définit aussi dans tous les domaines la politique du règne dans sa première phase, sur le plan économique (colbertisme) comme sur le plan social et politique. Les premiers tarifs protecteurs sont de 1664-1667 ; les grands Jours d'Auvergne de 1665, ceux du Forez, 1666 ; le «remue-ménage” des intendances, de 1665 ; la création de la Lieutenance de Police de, 1667 ; la crise du formulaire, de 1665 ; le contrôle strict de la librairie, de 1667.
page 469 note 2. J'ai publié jadis ces marchés dans mon livre sur Girardon, Paris, 1929. Les faits relatifs à l'information de La Fontaine dans le prologue de Psyché sont rapportés dans mon volume sur la Sculpture de Versailles. Il va de soi que, lorsqu'on insiste sur les rapports étroits qui existent entre les spectacles des Plaisirs, notamment les cortèges de chars, et le décor sculpté du premier Versailles, il ne faut pas entendre que les artistes ont été amenés à reproduire les chars sous leur forme de 1664. Ils ont gardé les thèmes et apparemment travaillé sur des livrets analogues. Réalisant un décor fixe, ils l'ont interprété suivant d'autres règles techniques. C'est cette mise en parallèle d'une transposition éphémère suivant les règles traditionnelles des fêtes et d'une interprétation durable qui doit faire l'objet de nouvelles analyses.
page 470 note 1. On trouve dans le recueil de Lacroix, Paul, Ballets et mascarades de Cour sous Henri III et Louis XIII de 1581 à 1652, Genève 1868 Google Scholar, tout le matériel nécessaire à l'étude des origines de la première iconographie versaillaise considérée dans ses rapports avec les fêtes, Jusqu'ici, on l'a surtout rapprochée des traités théoriques et on lui a ainsi attribué un caractère d'érudition livresque qui masque le rôle joué par la tradition intellectuelle et technique des « plaisirs » royaux. Après Louis XIV, cependant, il y aura une administration des « Menus-Plaisirs » qui jouera un rôle capital au XVIIIe siècle. Il faudra désormais insister sur ce caractère lié aux formes de vie de la société des thèmes et des formes de l'art versaillais.
page 470 note 2. Louis Hautecœur, M., Louis XIV, roi Soleil, Paris, Pion, 1954 Google Scholar, a bien montré le glissement survenu entre 1664 et 1680 dans la signification donnée au symbole solaire ; mais il n'a pas exploité le témoignage des Ballets et réduit en général au profit d'une interprétation symboliste la part des réalisations plastiques.
page 471 note 1. Cf. Fiske Kemball, The Genesis of the Château Neuf at Versailles, 1S68-1671, dans Gazette des Beaux-Arts, 1953. Le plan de Le Vau qu'il interprète a été retrouvé en Suède (coll. Cronstedt. Musée National de Stockholm) et signalé par M. A. Marie, Le Premier Château de Versailles construit par Le Vau en 1664-1665 dans Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1952. La critique interne du plan et la mise en rapport avec les textes de Colbert sont remarquables ; la vue stylistique plus limitée.
page 472 note 1. On a tendance à croire que les petits appartements ne sont apparus à Versailles que sous le règne de Louis XV. La question des petits appartements de Louis XIV est rendue difficile du fait des innombrables remaniements des règnes suivants. Toutefois, il est certain que le problème s'est posé — et a été résolu, en particulier par la création d'un appartement Maintenon, jusqu'ici insuffisamment étudié. Il faut aussi tenir compte du glissement de la notion commune du confort privé.
page 473 note 1. Cf. Louis Hautecœur, Histoire de l'architecture classique en France, t. II, Le Règne de Louis XIV, Paris, Picard, 1952. M. Hautecœur fait dépendre tout le développement de l'architecture classique des entreprises royales. Il n'a pas posé la question, capitale, de la part prise par les financiers dans le développement du Paris des années 1640-1660 ; ni celle de l'extraordinaire essor survenu dans la construction des couvents du fait de la rivalité des ordres religieux. L'histoire du XVIIe siècle est conçue comme aboutissant d'une manière en quelque sorte nécessaire au règne de Louis XIV. Il y a là un magnifique sujet d'étude à entreprendre. Il touche aussi bien à des problèmes économiques et sociaux qu'artistiques. Il faut renoncer à la conception unifiante du classicisme et ce n'est pas chose facile.
page 474 note 1. René Crozet, M., La Vie artistique en France au XVIIe siècle (1598-1661) : les artistes et la société, Paris, Presses Universitaires, 1954 Google Scholar, a suivi la tradition en limitant à la notion du mécénat les liaisons possibles entre l'artiste et la société. On fait ainsi dépendre le Paris du début du siècle d'une certaine interprétation de Versailles, au lieu d'examiner l'emprise parisienne sur Versailles. C'est cependant là la clef du siècle. Paris, qui jouera au xvm” le rôle que l'on sait, s'y prépare dès 1640. Dans un sens, Versailles est une parenthèse. Il faudra étudier les modes de financement aussi bien des édifices religieux que des hôtels. Tout le problème social du XVIIe siècle est à reprendre. Il modifiera nos vues sur l'art classique et réciproquement.
page 475 note 1. On trouvera dans Hautecœur, Histoire de l'architecture classique…, les matériaux d'une mise en relation des travaux des « Commissions » nommées par le roi à l'instigation de Colbert pour l'achèvement simultané du Louvre et de Versailles. Dans cet ouvrage M. Hautecœur a sensiblement atténué ses thèses anciennes relativement à la paternité de la Colonnade du Louvre. Il a eu le mérite, jadis, de reconnaître le premier le caractère collégial des décisions. Il reste toutefois que si les responsabilités officielles sont partagées, l'empreinte des participants se marque dans les différentes parties de l'oeuvre commune. On regrette que M. Hautecœur ait supprimé toute référence aux travaux d'André Hallays dont il s'est finalement très sensiblement rapproché. Sa bibliographie, dans ce cas, est nettement orientée.
page 475 note 2. La question de la part prise par les Perrault à la conception du premier décor des jardins a été dernièrement tranchée par la découverte dans les archives suédoises d'un texte inédit que M. Ragnar Josephson signale et analyse dans sa contribution aux Sculpteurs célèbres dont j'ai dirigé la publication aux éditions Mazenod, 1955. Nouvelle preuve que la critique stylistique est susceptible d'aboutir à des solutions valables : Perrault est bien l'inspirateur, comme Pierre de Nolhac et moi-même l'avions soutenu, de la Pyramide et de l'Allée d'Eau.
page 476 note 1. Cf. Ragnar Josephson, Le Projet de Le Brun pour le Louvre, dans Revue de l'Art ancien et moderne, 1928.
page 476 note 2. Wittkower, R., Architectural principles in the age of Humanism, Londres, Warburg, 1952.Google Scholar Sur le caractère musical de la civilisation du XVIe siècle, on consultera aussi le livre de MissYates, Frances, French Académies of the Sixteenth Century, Londres, Warburg, 1947 Google Scholar et, naturellement, les pages extraordinairement suggestives de Febvre, Lucien dans son Rabelais. Le Problème de l'incroyance au XVIe siècle, Paris, A. Michel, 1942, p. 468 Google Scholar et suiv. Le XVIIe siècle amorce à peine encore la conquête de la vue, qui se poursuit rapidement aux XIXe et XXe siècles seulement.
page 477 note 1. Summerson, John, Architecture in Britain, 1530-1830, Londres, Penguin, 1953 Google Scholar. L'auteur a eu le grand mérite de rattacher l'étude des formes au développement de la civilisation contemporaine. Il rattache, toujours, les plans aux usages dominants dans la société et s'inspire d'une conception vraiment fonctionnelle de l'architecture. En outre, au lieu de tracer un tableau à part d'une évolution sociale fondée sur d'autres sources que l'archéologie et d'y rapporter ensuite les œuvres, il unit dans une même analyse les faits archéologiques, intellectuels et sociaux. Son essai prouve combien une reprise de l'histoire architecturale du XVIIe siècle fondée sur les notions de fonction et de programme serait féconde.
page 477 note 2. La comparaison entre la Salle des Banquets de Whitehall et la façade sur les jardins de Versailles n'a jamais été esquissée. Il est clair, pourtant, que, quarante ans avant la visite de Bernin en France, elle atteste l'existence d'un style romain international. Toute cette question du romanisme, du palladianisme et du classicisme est entièrement à défricher.
page 477 note 3. En fait le style de Bernin, c'est d'abord le style romain-palladien de la fin du XVIe siècle présent dans l'internationalisme d'Inigo Jones ; puis un élément personnel qui se lie à la scénographie. Bernin, c'est avant tout du spectacle ; son art annonce autant Piranèse et Bibbiena que Versailles. La Colonnade de Saint-Pierre de Rome est faite pour donner son effet au visiteur qui marche vers la basilique. Le point de vue de Bernin est toujours mobile. Celui de Versailles est fixe. En réalité, c'est vers 1665 le point de vue fixe qui est moderne (c'est-à-dire la règle des trois unités). L'évolution de Versailles est, de toute manière, liée à une étude plus détaillée de la notion de spectacle.
page 478 note 1. Le terme d'urbanisme, pris au sens étroit du terme, a justifié toutes sortes d'interprétations arbitraires et appauvrissantes. L'urbanisme, science des plans de ville, ne peut être dissocié de l'étude de l'architecture, science de l'habitat humain. Faute de quoi l'homme disparait devant des schèmes de plans qui n'ont jamais servi qu'à orienter l'oeuvre constructive ou qui la ramènent à des éléments arbitraires d'interprétation détachés de toute réalité concrète et humaine. Comme toutes les sciences, l'urbanisme, science nouvelle, doit encore passer de la phase de l'inventaire tâtonnant à celle de l'érudition véritable où les disciplines s'associent au lieu de se contrarier.
page 479 note 1. Nef, J.-U., La Naissance de la civilisation industrielle et le monde contemporain, Paris, Colin, 1954 Google Scholar. C'est un très beau livre et très généreux d'inspiration. Malheureusement, l'auteur, qui n'est pas archéologue, est gêné par l'adoption d'une idéologie de l'art qui ne coïncide pas avec son érudition personnelle d'historien des faits économiques. C'est la conception d'un art contemporain opposé au développement des valeurs spirituelles et éternelles de l'art qui pèse sur son interprétation des faits. Il n'est pas vrai que l'art soit lié au domaine de la vie intérieure ; il est technique autant que spéculation. J'ai essayé moi-même dans un petit livre, qui paraîtra incessamment, d'examiner ce problème-clef des relations de l'art et de la technique dans le monde moderne. Le problème de Versailles est à reconsidérer autant en fonction d'une conception moderne de l'art que d'une meilleure analyse des faits. Il n'est pas évident que l'art soit en conflit avec le» réalités techniques et matérielles d'hier et d'aujourd'hui. Il ne s'agit, en tout état de cause, que d'une hypothèse sans fondement objectif indiscutable.