Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
L'histoire des techniques métallurgiques du XIXe siècle est souvent entravée par le manque de documents sur telle ou telle forge ou usine : nous connaissons bien la chronologie des inventions ou les statistiques de production globale, beaucoup moins la réalité technique, le fonctionnement, l'outillage des forges, car les archives administratives sont le plus souvent muettes en la matière. Or l'Ecole des Mines de Paris possède une incomparable collection de Voyages métallurgiques manuscrits qui s'échelonnent de 1825 à 1909. Ces deux ou trois cents recueils in-folio sont demeurés inaccessibles et entièrement inexploités, alors que pendant quatre-vingts ans les élèves de l'Ecole ont parcouru consciencieusement, avec leur petit marteau d'argent, leur agenda et leur carnet de dessin, la moitié de l'Europe, précisément pour réunir cette documentation.
page 302 note 1. A l'exception des mémoires — peu nombreux — publiés dans les Annales des Mines..
page 302 note 2. Arrêté du 6 déc. 1816, art. 2 (cf. LamÉ-Fleury, Recueil méthodique et chronologique des lois, décrets, ordonnances conernant le service des ingénieurs du corps des mines, Ecoles…, 1856). Rappelons que Stendhal en 1817, dans un projet d'Ecole d'Administration, voulait également que les élèves de 1’ « Ecole des Pairs » fassent un « mémoire de stage ».
page 302 note 3. L'article 10 de l'Ordonnance du 5 déc. 1816, réorganisant l'Ecole, précisait (reprenant un arrêté du 15 prairial an IX) qu'aucun élève ne pourrait être nommé aspirant s'il n'avait passé « trois campagnes ou séjourné douze mois consécutifs dans une école pratique ou sur un établissement de mines ». Or, pour le Conseil de l'Ecole, les voyages devaient remplacer les écoles pratiques, puisque le gouvernement de laRestauration refusa toujours à l'Ecole la permission d'exploiter un établissement métallurgique ou houiller (Cf. L. Aguillon, L'Ecole des Mines de Paris. Notice historique, 1889, p. 66, 140-141). Les élèves de la première Ecole des Mines — de 1794 à 1802 — faisaient déjà des voyages d'étude — quand il y avait des fonds.
page 303 note 1. Arrêté du 17 avril 1849, art. 6. Le nombre des mémoires augmenta considérablement à partir de 1850. Sur les effectifs de l'Ecole, voir le graphique dressé par Aguillon, oum. cité, p. 306 : de 20 élèves ingénieurs et élèves externes en 1837, le nombre s'éleva à 70 (1868), 100 (1899).
page 303 note 2. Durant le voyage d'instruction, le traitement mensuel est porté à 150 francs. Chaque élève reçoit, en outre, une somme de 100 francs pour frais d'entrée en campagne, et 8 francs par jour de voyage (art. 30 du Décret du 15 sept. 1856).
page 303 note 3. Les comptes rendus de visite d'usine ont été introduits seulement en 1866.
page 303 note 4. De 1820 à 1824, mémoires et journaux ont disparu. On trouve plus de 100 journaux avant 1850, 500 environ de 1850 à 1879. En 1879, l'Ecole avait déjà enregistré mémoires, 250 comptes rendus. Sur les inventaires, infra..
page 303 note 5. En 1909, le Conseil de l'Ecole décida que les journaux de voyage seraient rendus aux élèves, « ces journaux ne présentant guère d'intérêt que pour leurs auteurs ». Le principe des journaux de voyage subsiste (arrêté du 20 fév. 1950, art. 25-26) ; nous ignorons s'ils sont conservés.
page 303 note 6. Voyage n° 210 (1859) : le voyage suivant (sur l'Angleterre également) a 211 pages. La même année, le voyage en Styrie et Carinthie (n° 202) a 234 pages ; celui en Saxe, Silésie, Bohême (n° 204), 200 pages.
page 303 note 7. Cf. Voyage n° 250 (1861), f°» 165-211.
page 303 note 8. Cf. Voyages n° 482 (1872) ; n” 531 (1874) ; n” 572 (1876), e t c ..
page 304 note 1. Pour les mines, les rapports d'inspection des Ingénieurs des mines sont, surtout à partir de 1850, relativement peu abondants.
page 304 note 2. On rencontre parfois de précieuses descriptions d'industries textiles (par ex. le centre textile et chimique de Rouen en 1831).
page 304 note 3. Cf. Journal de voyage, n° 66 (1840).
page 304 note 4. Journal de voyage de Delaplanche et Sagey dans la Ruhr et en Sarre, de 150 pages, qui nous paraît un témoignage important sur l'état technique de la Ruhr à cette date. En 1827, autre voyage intéressant sur la Sarre, l'usine royale de Sayn, le pays de Siegen, e t c ..
page 304 note 5. Pour les fourneaux de l'Aubois dépendant de la forge de Fourchambault, «j'ai à peine pu obtenir la permission de circuler dans les usines », écrit un élève en 1831. En 1873 encore, à Montluçon, « on s'est refusé à me laisser pénétrer dans les forges dites de Saint-Jacques. A la Grand Combe, à Alais, à Vialas, j ‘ a i reçu l'accueil le plus affectueux » (Journal, n° 474).
page 305 note 1. Telles les rivalités entre exploitants des houillères de Vendée (1829).
page 305 note 2. Ainsi de l'affaire de VAntonius : il s'agissait de concessions, sur la rive droite du Rhin, de mines de fer carboné et de filons de galène, achetés par une société française qui se forma au capital de 2 millions, alors que la Société de la Nouvelle Montagne avait refusé de racheter l'affaire pour … 22.500 francs. Or la société s'était formée sur le rapport d'un attaché du Muséum qui s'était fait payer 100.000 francs un faux rapport. « Je remarquerai que… les Prussiens n'aiment pas les Français et les voient avec plaisir dépenser leur argent dans leur pays, surtout quand les Français doivent probablement perdre (et que) la plupart des employés du gouvernement prussien, plusieurs même fort haut placés, peuvent être achetés pour des sommes peu importantes » (Journal de Rivot, 1845).
page 305 note 3. Si l'on ne retrouve plus à l'Ecole le journal de voyage de Le Play, on possède ses lettres à sa mère pendant le voyage en Rhénanie ( Voyages en Europe, p. p . Albert Le Play, 1899, p. 28-29), qui sont fort pittoresques.
page 305 note 4. Ainsi à Londres, tel savant fait à l'élève — en 1845 — le point de ses travaux sur un téléscripteur.
page 306 note 1. Dans les forges à l'anglaise de 1826 à 1829, les élèves notent les difficultés avec la main-d'oeuvre anglaise. Ainsi à Hennebont « la plupart des ouvriers sont anglais, et ils ne veulent pas faire d'élèves, et jusqu'à présent M. Guerrin n'a pu réussir à former des ouvriers. Les gens du pays, après avoir pendant plusieurs jours examiné le travail des ouvriers, ne peuvent les imiter : ils consomment plus de houille et souvent ils engorgent le fourneau ; il n'est pas rare qu'une journée d'apprentissage coûte 60 francs de combustible, aussi n'est-on pas disposé à multiplier ces essais. Cependant les ouvriers anglais sont très chers. L'ouvrier qui dirige le finage est français… » (1829).
page 306 note 2. Mais ils sont surtout considérés sous l'angle du prix de revient. En confrontant les rapports successifs, on peut connaître l'évolution des salaires dans les prix de fabrication.
page 306 note 3. « On ne saurait trop donner d'éloges (à M. Jeanmaire, d'Audincourt) pour la philanthropie éclairée avec laquelle il a su améliorer la condition des ouvriers sans accroître les charges de la Compagnie, en leur inspirant le goût de l'ordre et de la bonne conduite » (Chevalier, 1829). Dans un mémoire très intéressant sur l'affinage du fer dans la Vallée de Vicdessos (1827), M. Chevalier note que « le salaire d'un maître… s'élève annuellement à 1 875 francs…, il me semble évident que c'est trop chèrement rétribuer le travail d'hommes qui n'ont ni capital, ni instruction, qui souvent même n'ont pas le mérite d'une longue pratique… On nous a cité près de Prades un maître foyer qui en restant ouvrier a amassé une fortune de près de 100 000 écus ». Une exploi-tation systématique de tous les renseignements donnés par les élèves sur les ouvriers pour ces 80 années, serait peut-être très profitable.
page 307 note 1. Citons ici — à titre d'exemple — les mémoires antérieurs à 1831 : 1825 : Vialas, Saint-Etienne, hauts fourneaux de Bourgogne ; 1826 : Raismes, Chatillon-sur-Seine, Mines d'Anjou, Linchamps, Aisy, Sayen ; 1827 : Huelgoat, Montjean-Saint-Georges, Montrelais, ardoisières d'Anjou, forges catalanes, vallée de Baigorry, vallée de Vicdessos ; 1828 : Janon, Framont, Munsterthal, Vialas, Saint-Etienne, Alais, mines du canton de Prades, Confolens, minières des Charentes, Ruelle, Firminy, Jabo, Littry, Mons, Charleroi, Andreasberg ; 1830 : Saint-Etienne, Epinac, Poullaoven, Sainte- Marie-aux-Mines, Rive de Giers, vallée de la Voulte, Alais, Le Creusot, e t c . . Les journaux de voyage contiennent chacun des renseignements sur 30 ou 50 mines ou usines, parfois plus.
page 307 note 2. Ainsi l'ensemble des notes sur les forges à l'anglaise de 1825 à 1835 (Decazeville, Valcnciennes, Rive de Giers, Saint-Etienne, Chatillon, Raismes) est capital. La diffusion des fours Bessemer et des fours Martin peut être étudiée de façon très détaillée à partir des différents comptes rendus ; pareillement la croissance des grandes forges françaises (comme Le Creusot, Alais, Saint-Etienne), ou étrangères. Le fonds peut fournir de très abondants renseignements pour les livres du centenaire d'usines, les thèses d'histoire locale ou régionale, les études d'histoire technique, et combler les lacunes des archives publiques et privées.
page 307 note 3. On ne dispose actuellement que des registres d'inscription des travaux (1820- 1909) et d'un inventaire sommaire sur fiches (par ordre chronologique). Il faut remercier Mlle Lefèvre qui a sauvé ce fonds de l'humidité des caves de l'Ecole.
page 307 note 4. Seul un tel inventaire permettrait de retrouver rapidement, à propos de telle mine ou usine, les notes, mentions ou descriptions dispersées à travers les différents journaux et comptes rendus de voyage, et de rétablir leur continuité..