Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Dès le XVIIe siècle, les médecins affirment la difficulté de rendre compte des affections hystériques. Cet article étudie deux types de pratiques scripturaires développées pour rendre compte de ces troubles, l’usage de métaphores et l’insertion de narrations. Dans un premier temps abondent les métaphores (Protée, caméléon, hydre) et il s’agit de suivre la transformation de leurs usages entre 1570 et 1820. À partir du XVIIIe siècle sont privilégiés les récits de cas de patients, inscrivant la compréhension de la maladie à partir de la reconstitution de son évolution dans le temps. À travers l’étude de ces deux types d’énonciation, il s’agit d’analyser comment des enjeux politiques et épistémologiques habitent les textes, en déplacent les accents, favorisent le renvoi à certains imaginaires, et construisent une catégorie médicale : l’hystérie. Au-delà même de la théorisation de l’hystérie, c’est la transformation du savoir médical et de la perception du rôle de la médecine qui apparaît avec l’étude de ce corpus.
From the 17th century onward, doctors insisted on the difficulty of accounting for the enormous scope of hysteric affections. This article studies two strategies doctors developed to illustrate hysteric troubles: metaphors and narratives of individual patients’ cases. An initial period saw an abundance of metaphors (Proteus, Chameleon, Hydra) and the article follows the transformation of their uses between 1570 and 1820. From the 18th century on, narratives of patients’ cases were favored, inscribing the comprehension of the malady in terms of a reconstruction of its evolution over time. Through the study of two types of enunciation, this article analyzes how political and epistemological stakes informed these texts and led to the construction of a medical category. Beyond the theorization of hysteria, the study of this corpus illustrates the transformation of medical knowledge and the changes in doctors’ perceptions of their role.
Je tiens à remercier l’université Harvard pour l’attribution d’une bourse à la Countway Library où a été faite une grande part des recherches qui ont mené à l’écriture de cet article. Ce travail a été présenté au Richardson History of Psychiatry Seminar de la Cornell-Weill Medical School. Je remercie les auditeurs pour leurs suggestions
1- Sur l’absence de la terminologie d’hystérie dans les écrits hippocratiques, et son ajout par Littré dans la traduction qu’il propose au XIXe siècle, voir les ouvrages d’Étienne Trillat et d’Helen King. Trillat, Étienne, Histoire de l’hystérie, Paris, Seghers, 1986, p. 14–15 Google Scholar, a exposé l’équivoque du texte hippocratique dans l’ouvrage qu’il consacre à l’histoire de la maladie de l’Antiquité aux années 1960 : « Le mot ‘hystérie’ ne figure nulle part. Il a été rajouté par Littré dans les intertitres toutes les fois qu’Hippocrate consacre un paragraphe à la suffocation de la matrice. La mobilité de l’utérus à l’intérieur du corps sert d’explication à bien des maladies de femmes, et pas seulement à la ‘suffocation de la matrice’ qui n’est qu’un cas particulier. C’est ainsi, par exemple, que les maladies dues à la suppression des règles relèvent d’une migration de la matrice […] Une ambiguïté demeure à savoir qui suffoque. S’il est clair que c’est la femme qui suffoque lorsque la matrice se jette sur le foie et obstrue les voies respiratoires, sur les autres point d’accrochage, on a plutôt l’impression que c’est la matrice elle-même qui suffoque : ‘Quand la matrice se porte aux hypocondres, elle suffoque.’ » King, Helen, « Once upon a text: Hysteria from Hippocrates », Hippocrates’ woman: Reading the female body in Ancient Greece, New York, Routledge, 1998, p. 205–246 Google Scholar, a poursuivi cet examen en analysant la constitution d’une tradition qui lit dans le texte hippocratique un premier diagnostic de la suffocation de matrice.
2- Pour se limiter à des questions d’écriture de la médecine, on a décidé de laisser ici de côté la question de la différence sexuelle qui n’affecte pas les propos tenus dans le cadre de cet article. Mais la différence entre les sexes est un thème en constante reformulation du XVIe au XVIIIe siècle dans les textes consacrés aux affections hystériques. Pour une analyse de la perception de la femme et de sa mise en scène dans un traité médical à travers le personnage d’une marquise, voir Arnaud, Sabine, « ‘L’art de vaporiser à propos’. Pourparlers entre un médecin et une marquise vaporeuse », Dix-Huitième Siècle, 39, 2007, p. 505–519 CrossRefGoogle Scholar. Dorlin, Elsa, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, 2006 Google Scholar, offre une analyse féministe, sociale et philosophique de la catégorie d’hystérie. Foucault, Michel, Histoire de la folie à l’âge classique. Suivi de Mon corps, ce papier, ce feu ; La folie, l’absence d’oeuvre, Paris, Gallimard, 1972 Google Scholar, propose de comprendre l’hystérie et l’hypocondrie comme un couple de catégories élaborées au XVIIIe siècle. Williams, Elizabeth, « Hysteria and the court physician in Enlightenment France », Eighteenth Century Studies, 35-2, 2002, p. 247–255 CrossRefGoogle Scholar, explore la construction de la différence sexuelle dans les traités sur l’hystérie.
3- Blackmore, Richard, A treatise of the spleen and vapours or hypocondriacal and hysterical affections, with three discourses on the nature and cure of the cholick, melancholy, and palsies,. Londres, J. Pemberton, 1725, p. 97 Google Scholar (ma traduction).
4- L’usage de métaphores dans le discours médical et scientifique a déjà été l’objet de certains travaux. Voir en particulier : Figlio, Karl, « The metaphor of organization: An historiographical perspective of the bio-medical sciences in the early nineteenth century », History of Science, 14, 1976, p. 17–53, ici p. 19 et 25-28CrossRefGoogle ScholarPubMed ; Jones, Colin, « Plague and its metaphors in early modern France », Representations, 53, 1996, p. 97–127 CrossRefGoogle Scholar ; Otis, Laura, Membranes: Metaphors of invasion in nineteenth-century literature, science, and politics, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1999 Google Scholar ; Seth, Catriona, Les rois aussi en mouraient. Les Lumières en lutte contre la petite vérole, Paris, Desjonquères, 2008 Google Scholar.
5- Mauriceau, François, Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont accouchées, Paris, Laurent d’Houry, [1668] 1694, p. 447 Google Scholar. L’orthographe et la ponctuation originales ont été maintenues dans toutes les citations.
6- Finch, Anne, « A Pindaric ode on the spleen » (1709), in Stukeley, W., Of the spleen, its description and history, uses and diseases… To which is added some anatomical observations in the dissection of an elephant, Londres, 1723 Google Scholar, préface sans pagination (ma traduction).
7- Purcell, John, A treatise of vapours or hysterick fits containing an analytical proof of its causes, mechanical explanations of all its symptoms and accidents according to the newest and most rational principles: together with its cure at large, Londres, Nicholas Cox, 1702, p. 1–2 Google Scholar ; Hunauld, Pierre, Dissertation sur les vapeurs et les pertes de sang, Paris, J. Leloup, 1756 Google Scholar, Une réédition partielle de l’ouvrage est parue in Arnaud, Sabine (dir.), La philosophie des vapeurs, Paris, Mercure de France, 2009, p. 96 Google Scholar ; Pomme, Pierre, Traité des affections vaporeuses des deux sexes, où l’on a tâché de joindre à une théorie solide une pratique sûre fondée sur des observations, Lyon, B. Duplain, 1763, p. 2–3 Google Scholar ; Perry, Charles, A mechanical account and explication of the hysteric passion, under all its various symptoms and appearances and likewise of all such other diseases as are peculiarly incident to the sex… To which is added, an appendix. Being a dissertation on cancers in general; but more especially such as happen in the breasts of women, Londres, printed for Mr. Shuckburgh, Mr. Osborn and Mess. Davis and Reymers, 1755 Google Scholar ; Chambaud, Jean-Jacques Menuret De, Essais sur l’histoire médicotopographique de Paris, ou Lettres à M. d’Aumont,… sur le climat de Paris, sur l’état de la médecine… et particulièrement sur la petite vérole et l’inoculation, Paris, rue et hôtel Serpente, 1786 Google Scholar ; Perfect, William, Methods of cure in some particular cases of insanity: The epilepsy hypochondriacal affection, hysteric passion, and nervous disorders, prefixed with some accounts of each of those complaints, Rochester, T. Fisher, 1780, p. 75 Google Scholar ; Capuron, Joseph, Traité des maladies des femmes, depuis la puberté jusqu’à l’âge critique inclusivement, Paris, l’auteur, [1812] 1817, p. 84 Google Scholar ; Cheyne, George, The English malady: Or, a treatise of nervous diseases of all kinds. With the author's own case, etc., Londres, G. Strahan, 1733, p. 135 Google Scholar ; Retz, Noël, Des maladies de la peau et de celles de l’esprit, telles que les vapeurs, la mélancolie, la manie, & qui procèdent des affections du foie, leur origine, la description de celles qui sont le moins connues, les traitements qui leur conviennent, Paris, Méquignon, [1786] 1790, p. 177 Google Scholar.
8- P. Pomme, Traité des affections vaporeuses des deux sexes…, op. cit., p. 2-3 et 209.
9- François Boissier de Croix, Sauvages De La, Nosologie méthodique dans laquelle les maladies sont rangées par classe suivant le système de Sydenham et l’ordre des botanistes, ouvrage augmenté par quelques notes en forme de commentaire par M. Nicolas,. Paris, Hérissant, 1772, t. I, p. 793 Google Scholar : « Il est peu de genre de maladies, dont celle-ci qui ressemble à un protée, n’emprunte la forme. »
10- Il faut préciser que le caméléon fait partie des monstres recensés par Paré, Ambroise, Les oeuvres d’Ambroise Paré,… divisées en 28 livres avec les figures et portraicts, tant de l’anatomie que des instruments de chirurgie, et de plusieurs monstres, reveues et augmentées,. Paris, G. Buon, 1585 Google Scholar.
11- Sydenham, Thomas, Médecine pratique avec des notes, ouvrage traduit… sur la dernière édition anglaise, par feu M. A. -F. Jault,… Cette édition est augmentée d’une Notice sur la vie et les écrits de Sydenham, par M. Prunelle, Montpellier, Vve Picot, 1816, t. II, p. 145 Google Scholar. Ce texte a d’abord été publié en langue latine : Dissertatio epistolaris ad… Gulielmum Cole,… de observationibus nuperis circa curationem variolarum confluentium, nec non de affectione hysterica, per Thomas Sydenham, Londini, impensis W. Kettilby, 1682. Curieusement, les figures du caméléon et de Protée présentes dans le texte latin de Sydenham et dans la traduction du texte par John Pechey, disparaissent dans la traduction de John Swan, qui sera la seule republiée en anglais à partir de 1742. Elles jouissent pourtant d’une grande popularité chez les médecins écrivant sur l’hystérie, qui les citent régulièrement – ce qui laisse rêver sur le destin des métaphores… La traduction française de Jault est basée sur celle d’Auguste-François Pechey : The whole works of that excellent physician, Dr. Thomas Sydenham wherein not only the history and cures of acutes diseases are treated of, after a new and accurate method; but also the shortest and safest way of curing most chronical diseases, 11th ed. corrected from the original Latin, Londres, R. Ware and B. Wellington, 1740, p. 307.
12- Le texte de Théophraste est perdu. Ni l’ouvrage de Ficin, ni celui de Priscien ne sont disponibles dans une traduction française. Le commentaire de Ficin est inséré dans sa traduction latine du texte de Priscien qui a été réédité récemment et traduit en anglais : Ficinus, Marsili, « Expositio Prisciani & Marsilii in Theophrastum De Sensu, phantasia, & intellectu » (1497), in Opera omnia Marsilio Ficino; con una lettera introduttiva di Paul Oskar Kristeller; e una premessa di Mario Sancipriano, Turin, Bottega d’Erasmo, 1983 Google Scholar ; Lydie, Priscien De, On Theophrastus on sense-perception, Ithaca, Cornell University Press, 1997 Google Scholar.
13- Au sujet de la conception renaissante de l’imagination, on renvoie le lecteur à Klein, Robert, « L’enfer de Ficin », in Castelli, E. (dir.), Umanesimo e esoterismo, Padoue, CEDAM, 1960, p. 47–84 Google Scholar ; Garin, Eugenio, « Phantasiá e imaginatió fra Ficino e Pomponazzi », Umanisti, artisti, scienzati. Studi sul Rinascimento italiano, Rome, Editori Riuniti, 1989, p. 303–317 Google Scholar.
14- Au sujet du passage d’une perception des troubles du corps en termes de manifestations démoniaques à son interprétation en termes pathologiques, on renvoie le lecteur notamment à l’ouvrage de Fissell, Mary E., Vernacular bodies: The politics of reproduction in early modern England, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 53–89 Google Scholar ; Foucault, Michel, Maladie mentale et psychologie, Paris, PUF, 1995 Google Scholar ; Mazzoni, Cristina, Saint hysteria: Neurosis, mysticism, and gender in European culture, Ithaca, Cornell University Press, 1996 Google Scholar ; Rousseau, George Sebastian, « A strange pathology: Hysteria in the early modern world, 1500-1800 », in Gilman, S. L. et al. (dir.), Hysteria beyond Freud, Berkeley, University of California Press, 1993, p. 91–221 Google Scholar.
15- Wier, Jean, De l’imposture des diables, Paris, Théraplix, [1570] 1970, p. 130 Google Scholar : « L’imagination represente les actions de raison sous la condition des choses sensibles, elle peut mettre hors les phantasies beaucoup plus loing, que les actions des sens : elle outrepasse le sens, car elle feint des images sans estre esmeüe d’ailleurs : bref l’imagination est comme un Protee ou Camæloen. »
16- Laurens, André Du, Discours de la conservation de la veue, des maladies mélancoliques, des catharres, & de la vieillesse. Composez par M. André Du Laurens,… Dernière édition, Rouen, Claude Le Villain, 1600, p. 99 Google Scholar.
17- J. -J. Menuret De Chambaud, Essai sur l’histoire médico-topographique…, op. cit., p. 128.
18- Bibliothèque de la faculté de médecine, Montpellier, ms. H 567, 284. Victor Broussonet (1761-1807) est le fils de François Broussonet, lui-même médecin diplômé de Montpellier.
19- Sur les rapports entre voir et savoir, symptôme et signe, lire Foucault, Michel, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical, Paris, PUF, 1963, en particulier p. 87–105 Google Scholar.
20- P. Pomme, Traité des affections vaporeuses des deux sexes…, op. cit., p. 90.
21- Bibliothèque publique et universitaire de Genève, fonds manuscrit correspondance de Théodore Tronchin, années 1758-1760, lettre à Mlle Thellusson née de Vermanouy, p. 305.
22- Sue, Pierre, Anecdotes historiques, littéraires et critiques, sur la médecine, la chirurgie, & la pharmacie, Bruxelles, Vve Dujardin, 1789, p. 102 Google Scholar : « Ce n’est pas la faute du médecin s’il n’a pas guéri son malade, mais celle de la maladie qui est un protée, se déguisant & se transformant sous milles faces différentes, en sortes qu’on peut la comparer à une hydre, dont les têtes toujours renaissantes pullulent de nouveau à mesure qu’on les abat. »
23- Daignan, Guillaume, Tableau des variétés de la vie humaine, avec les avantages & les désavantages de chaque constitution ; & des avis très-importans aux Peres & aux meres sur la santé de leurs enfans, de l’un & de l’autre sexe, surtout à l’âge de la puberté, où l’on fait voir qu’à cette époque, la plupart des maladies ne doivent pas être considérées comme telles mais bien comme des efforts salutaires de la nature, pour le développement des organes ; & que les maladies graves doivent être traitées avec plus de ménagement & de circonspection qu’à tout autre âge, Paris, l’auteur, 1786, p. 182 Google Scholar.
24- Galien, , Systématisation de la médecine, trad. et éd. par J. Boulogne et D. Delattre, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2003, p. 213 Google Scholar : « Le médecin, en effet, prête une attention continuelle au ‘corps à corps’ de ces deux adversaires que sont l’état maladif et la nature, et commence par pronostiquer le salut ou la mort de la personne, dès qu’il a diagnostiqué lequel des deux est le plus vigoureux. »
25- Bien sûr, le récit de cas médicaux n’a pas commencé au XVIIIe siècle. Pour les époques précédentes, voir en particulier Harkness, Deborah, « Nosce teipsum: Curiosity, the humoural body and the culture of therapeutics in late sixteenth- and early seventeenth-century England », in Evans, R. J. W. et Marr, A. (dir.), Curiosity and wonder from the Renaissance to the Enlightenment, Aldershot, Ashgate, 2006, p. 171–192 Google Scholar ; Lockwood, Dean P., Ugo Benzi, medieval philosopher and physician, 1376-1439, Chicago, University of Chicago Press, 1951 Google Scholar ; Nance, Brian, Turquet de Mayerne as baroque physician: The art of medical portraiture, Amsterdam/New York, Rodopi, 2002 Google ScholarPubMed.
26- Voir en particulier l’ouvrage de Duden, Barbara, Geschichte unter der Haut. Ein Eisenacher Arzt und seine Patientinnen um 1730, Stuttgart, Klett-Cotta, 1987 Google Scholar, qui propose une analyse suivie des consultations d’un médecin allemand du XVIIIe siècle et de ses rapports avec ses patients.
27- Un des ouvrages essentiels sur l’usage de la pratique narrative est celui de Zemondavis, Natalie, Fiction in the archives: Pardon tales and their tellers in sixteenth-century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 Google Scholar.
28- Soit dit en passant, ce succès atteste que les médecins sont loin d’associer la femme de manière systématique au corps convulsif. Cet argument qui ne peut être développé dans le cadre de cet article devrait permettre de nuancer une approche du XVIIIe siècle qui tend trop souvent à faire de la femme l’objet exclusif du débat sur les convulsions hystériques. De ce que l’hystérie n’a été étudiée que dans des ouvrages sur les femmes résulte cette confusion. Voir par exemple le chapitre sur les vapeurs de Hoffmann, Paul, La femme dans la pensée des Lumières, Paris, Éd. Ophrys, 1977 Google Scholar. C’est aussi le cas de Lindsay Wilson, B., Women and medicine in the French Enlightenment: The debate over « Maladies des femmes », Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1993 Google Scholar, qui en intitulant son ouvrage « Maladies des femmes » fait du corps convulsif un corps éminement féminin. Ce livre repose sur une recherche aussi étendue qu’intéressante sur les archives de la Société royale de médecine permettant une approche sociale de l’histoire des femmes.
29- Seules quelques différences d’orthographe et de choix de mots distinguent ces trois versions. On a ici choisi la version la plus récente : Planque, François, Bibliothèque choisie de médecine, tirée des ouvrages périodiques, tant françois qu’étrangers, avec plusieurs pièces rares, & des remarques utiles & curieuses, Tome troisième, avec figures, Paris, d’Houry père, imprimeur-libraire, 1750, p. 506–508 Google Scholar.
30- Lire à ce sujet Daston, Lorraine et Park, Katherine, « The Enlightenment and the anti-marvelous », Wonders and the order of nature 1150-1750, New York, Zone Books, 2001, p. 329–359 Google Scholar.
31- Voir par exemple les observations de Chirac, Pierre, « Consultation XI Sur des Vapeurs », in D’Ablaincourt, J. -J. Bruhier (éd.), Dissertations et consultations médicinales de M M. Chirac et Silva, Paris, Durand, 1744-1755, t. III, p. 396 Google Scholar, et de Pressavin, Jean-Baptiste, Nouveau traité des vapeurs, ou Traité des maladies des nerfs, dans lequel on développe les vrais principes des vapeurs, Lyon, Vve Réguilliat, 1770, p. 268–278 Google Scholar.
32- Dans deux articles parus il y a plus de trente ans, Jean-Pierre Peter a interrogé, à partir des archives de la Société royale de médecine, la perception que le médecin a pu avoir des femmes chez qui ils diagnostiquaient l’hystérie. Voici certaines questions avec lesquelles il travaille ces textes : comment le médecin peut-il faire parler le patient tandis que la pudeur et l’ignorance de son propre corps retiennent ses propos ? Quel type de corps crée le médecin en l’interprétant ? Qu’est-ce que le médecin provoque avec son regard ? Quel corps voit-il et fait-il exister en le qualifiant d’hystérique ? Quelles conceptions de la maladie se développent dans l’observation du patient ? J.-P. Peter présente ces observations comme des récits nés dans la violence, la surprise, le fantasme ou le malaise de la rencontre entre le patient et le médecin. En se déplaçant au niveau même de l’écriture de ces textes, le présent travail tente de poursuivre ce cheminement : Peter, Jean-Pierre, « Entre femmes et médecins. Violence et singularités dans les discours du corps et sur le corps d’après les manuscrits médicaux de la fin du XVIIIe siècle », Ethnologie Française, 3-4, 1976, p. 341–348 Google Scholar ; Id., « Une enquête de la Société royale de médecine : malades et maladies à la fin du XVIIIe siècle », Annales ESC, 22-4, 1967, p. 711-751.
33- Louyer-Villermay, Jean-Baptiste, Recherches historiques et médicales sur l’hypocondrie, isolée, par l’observation et l’analyse, de l’hystérie et de la mélancolie, Paris, Méquignon, 1802, p. 41–44 Google Scholar.
34- Au sujet des pratiques d’aveu, lire Foucault, Michel, Les anormaux. Cours au Collège de France, 1974-1975, éd. par V. Marchetti et A. Salomoni sous la dir. de F. Ewald et A. Fontana, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1999, p. 155–186 et 197-248Google Scholar, et Le pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France, 1973-1974, éd. par J. Lagrange sous la dir. de F. Ewald et A. Fontana, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2003, p. 23-40 et 267-298 ; Benrekassa, Georges, « La preuve et l’aveu, ce que parler peut dire », Dix-huitième Siècle, 39, 2007, p. 109–128 CrossRefGoogle Scholar. Au sujet du rôle de l’aveu dans les relations entre médecins et patients, voir Arnaud, Sabine, « She who traps last traps best, the diagnosis of vapors and the writing of observations in late eighteenth century France », in Arnaud, S. et Jordheim, H. (dir.), Le corps et ses images : santé, humeurs, maladies, Paris, Champion, à paraître en 2010 Google Scholar.
35- Le terme re-figuration est emprunté à Ricoeur, Paul, Temps et récit, Paris, Éd. du Seuil, 1983, p. 11 Google Scholar0.
36- Bien sûr, l’interprétation des troubles pathologiques comme un effet des émotions ou des mouvements de l’âme n’apparaît pas au XVIIIe siècle. Mais le format narratif permet de penser nouvellement leur relation. L’étude de la théorisation de la relation entre âme et corps a été particulièrement approfondie dans les ouvrages suivants : Pigeaud, Jackie, La maladie de l’âme. Étude sur la relation de l’âme et du corps dans la tradition médico-philosophique antique, Paris, Les Belles Lettres, 1981 Google Scholar ; Berriot-Salvadore, Évelyne, « Les médecins analystes de la passion érotique à la fin de la Renaissance », in Yon, B. (dir.), La peinture des passions de la Renaissance à l’Âge classique, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1995, p. 257–269 Google Scholar ; Imbroscio, Carmelina, Le malattie dell’anima tra scienza e pregiudizio: letteratura medica e letteratura parodica nel Settecento francese, Bologne, CLUEB, 2002 Google Scholar ; Vidal, Fernando, Les sciences de l’âme, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2006 Google Scholar ; Vila, Anne C., Enlightenment and pathology: Sensibility in the literature and medicine of 18th eighteenth-century France, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998 Google Scholar.
37- Société royale de médecine, dossier 1, no 2, anonyme AGF D. D. S. B. La Caille 3-7 mars 1786.
38- L’histoire de la sexualité a attiré un nombre croissant de travaux au sujet des discours sur les pratiques onanistes dans les vingt dernières années. On limite une fois encore la bibliographie aux ouvrages concernant le XVIIIe siècle : Goulemot, Jean-Marie, Ces livres qu’on ne lit que d’une main. Lecture et lecteurs de livres pornographiques au XVIIIe siècle,. Paris, Minerve, 1994 Google Scholar ; Groneman, Carol, « Nymphomania: The historical construction of female sexuality », Signs, 19-2, 1994, p. 337–367 CrossRefGoogle Scholar ; Jaquier, Claire, L’erreur des désirs. Romans sensibles au XVIIIe siècle, Lausanne, Payot, 1998 Google Scholar ; Jordanova, Ludmilla, « The popularization of medicine: Tissot on onanism », Textual Practice, 1-1, 1987, p. 68–79 Google ScholarPubMed ; Sheriff, Mary, « Passionate spectators: On enthusiasm, nymphomania and the imagined tableau », in Klein, L. E. et Vopa, A. J. La (dir.), Enthusiasm and Enlightenment in Europe, 1650-1850, San Marino, Huntington Library, 1998 Google Scholar ; Stengers, Jean et Vanneck, Anne, Histoire d’une grande peur, la masturbation, Bruxelles, Éd. de l’université de Bruxelles, 1984 Google Scholar ; Stolberg, Michael, « Medical popularization and the patient in the eighteenth century », in Blécourt, W. DE et Usborne, C. (dir.), Cultural approaches to the history of medicine: Mediating medicine in early modern and modern Europe, New York, Palgrave Macmillan, 2004, p. 89–107 CrossRefGoogle Scholar ; Wagner, Peter, « The discourse on sex – or sex as a discourse: Eighteenth century medical and paramedical erotica », in Rousseau, G. S. et Porter, R. (dir.), Sexual underworlds of the Enlightenment, Chapell Hill, University of North Carolina Press, 1988, p. 46–68 Google Scholar ; Alexandre Wenger, « Esthétique et physiologie au dix-huitième siècle, une organisation des savoirs », in S. Arnaud et H. Jordheim (dir.), Le corps et ses images…, op. cit. ; Id., La fibre littéraire. Le discours médical sur la lecture au XVIIIe siècle, Genève, Droz, 2007, p. 33-63 ; Laqueur, Thomas, Le sexe en solitaire. Contribution à l’histoire culturelle de la sexualité, Paris, Gallimard, [2003] 2005 Google Scholar.
39- Les plus célèbres ouvrages développant cette approche de l’histoire de l’hystérie sont celui d’Étienne Trillat et les suivants : Ellenberger, Henri F., The discovery of the unconscious: The history and evolution of dynamic psychiatry, New York, Basic Books, 1970 Google Scholar ; Micale, Mark S., Approaching hysteria: Disease and its interpretations, Princeton, Princeton University Press, 1995 Google Scholar ; Veith, Ilza, Histoire de l’hystérie, Paris, Seghers, [1965] 1973 Google Scholar. Sur Mesmer et Puységur, lire en particulier : Brockliss, Laurence et Jones, Colin, The medical world of early modern France, Oxford/New York, Clarendon Press/Oxford University Press, 1997, p. 791–794 Google Scholar ; Darnton, Robert, Mesmerism and the end of the Enlightenment in France, Cambrige, Harvard University Press, 1968 Google Scholar ; Peter, Jean-Pierre, « Puységur et l’enfant fou ou la raison originelle », in Chastenet, A. -M. -J. De, marquis de Puységur, , Un somnambule désordonné ? Journal du traitement magnétique du jeune Hébert, éd. par J. -P. Peter, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, 1999, p. 9–88 Google Scholar ; Rausky, Franklin, Mesmer, ou la révolution thérapeutique, Paris, Payot, 1977 Google Scholar.
40- Ses conceptions ont depuis été reprises et développées d’une part par l’étude du développement des nosologies et de l’autre par celui des structures hospitalières. Au sujet du développement des nosologies et de la mutation de la pratique médicale qui en résulte, voir notamment N. D. Jewson. Ce sociologue analyse la rupture de l’approche personnalisée du corps en termes de tempéraments avec l’uniformisation de catégories : Jewson, N. D., «Medical knowledge and the patronage system in 18th century England », Sociology, 8-3, 1974, p. 369–385 CrossRefGoogle Scholar et Id., « The disappearance of the sick-man from medical cosmology, 1770-1870 », Sociology, 10-2, 1976, p. 225-244. Sur la transformation du regard médical, voir Barroux, Gilles, Philosophie, maladie et médecine au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2008 Google Scholar ; Chamayou, Grégoire, Les corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2008 Google Scholar ; Licoppe, Christian, La formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte, 1996 Google Scholar ; Mandressi, Rafael, Le regard de l’anatomiste. Dissections et inventions du corps en Occident, Paris, Le Seuil, 2003 Google Scholar. Sur le développement de la structure hospitalière, lire Keel, Othmar, L’avènement de la médecine clinique et moderne en Europe, 1750-1815. Politiques, institutions, savoirs, Genève/Montréal, Georg/Presses universitaires de Montréal, 2002 Google Scholar ; Louis-Courvoisier, Micheline, Soigner et consoler. La vie quotidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien Régime (Genève, 1750-1820), Genève, Georg, 2000 Google Scholar. Au sujet de l’apparition de l’hystérie dans le contexte de l’hôpital et de ses effets sur la théorisation de la maladie, on renvoie le lecteur à l’article de Risse, Guenter B., « Hysteria at the Edinburgh infirmary: The construction and treatment of a disease, 1770-1800 », Medical History, 32-1, 1988, p. 1–22 CrossRefGoogle Scholar et les ouvrages de Goldstein, Jan, Console and classify: The French psychiatric profession in the nineteenth century, Chicago, The University of Chicago Press, [1987] 2001 Google Scholar, et de Weiner, Dora B., The citizen-patient in revolutionary and imperial Paris, Baltimore, Johns Hopkins University Press, [1993] 2002 Google Scholar.