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Une histoire d’un autre futur: La fin de l’esclavage au Brésil et les attentes de droits des esclaves (années 1870-années 1880)
Published online by Cambridge University Press: 07 April 2020
Résumés
La lente dissolution puis l’abolition de l’esclavage au Brésil (en 1888) ont produit des transformations majeures dans les relations sociales et de travail au cours de la seconde moitié du xixe siècle. Cet article aborde une dimension importante mais rarement discutée de ce paysage changeant, à savoir les attentes que les esclaves et les anciens esclaves projetaient sur le monde postémancipation. Les sources mobilisées sont formées par un nombre choisi d’affaires judiciaires prenant place au Sud du Brésil et liées aux relations de travail, à la garde des enfants, à l’accès à une compensation financière et à d’autres conflits quotidiens, que les anciens esclaves ont présentées devant les tribunaux brésiliens en intentant un procès contre leurs anciens maîtres – les employeurs, voire les administrateurs publics dans les années précédant l’abolition. À travers une lecture attentive de ces documents, l’article examine les attentes de droits – en particulier les droits sociaux, mais aussi les droits du travail, politiques et reproductifs – qui ont guidé les actions individuelles et collectives des anciens esclaves dans la sphère publique, et la façon dont ces attentes ont été confrontées aux réalités de l’émancipation au Brésil.
Abstracts
The slow dissolution and eventual abolition of slavery in 1888 produced major transformations in Brazilian labor and social relations during the second half of the nineteenth century. This article engages with an important but seldom discussed dimension of this changing landscape: the expectations that slaves and former slaves projected onto the post-emancipation world. The sources that it draws upon represent a selection of court cases from southern Brazil related to labor relations, child custody, access to compensation, and other everyday conflicts that former slaves presented before the courts as they brought litigation against their former masters, employers, and even public administrators in the years just before abolition. Through a close reading of these documents, the article discusses the expectations—specifically social rights, but also labor, political, and reproductive rights—that guided former slaves’ individual and collective actions in the public sphere, examining how these expectations confronted the realities of emancipation in Brazil.
- Type
- Amérique latine
- Information
- Copyright
- © Éditions de l'EHESS
Footnotes
Je souhaite exprimer ma gratitude envers le Cnpq (Conseil national de développement scientifique et technologique, Brésil) qui a financé mes recherches par une bourse. Je remercie Amy Chazkel pour ses corrections sur le fond et la forme du texte. Je tiens aussi à remercier Christian De Vito, Matthias Van Rossum et Juliane Schiel pour leurs commentaires.
Traduction de Christophe Jacquet
References
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2 Une courte liste des références les plus importantes : Scott, Rebecca J.et al., The Abolition of Slavery and the Aftermath of Emancipation in Brazil, Durham, Duke University Press, 1988CrossRefGoogle Scholar ; Chalhoub, Sidney, Visões da liberdade. Uma história das últimas décadas da escravidão na Corte, São Paulo, Companhia das Letras, 1990Google Scholar ; Xavier, Regina, A conquista da liberdade. Libertos em Campinas na segunda metade do século xix, Campinas, Centro de Memória/Unicamp, 1996Google Scholar ; Pena, Eduardo S., Pajens da casa imperial. Jurisconsultos, escravidão e a lei de 1871, Campinas, Unicamp, 2001Google Scholar ; Moreira, Paulo Roberto S., Os cativos e os homens de bem. Experiências negras no espaço urbano, Porto Alegre, Est, 2003Google Scholar ; Mendonça, Joseli Maria N., Entre a mão e os anéis. A lei dos sexagenários e os caminhos da abolição no Brasil, Campinas, Unicamp, [1999] 2008Google Scholar ; Machado, Maria Helena Pereira Toledo, O plano e o pânico. Os movimentos sociais na década da abolição, São Paulo, Edusp, [1994] 2010Google Scholar ; Machado, Maria Helena Pereira Toledo et Castilho, Celso Thomas (dir.), Tornando-se livre. Agentes históricos e lutas sociais no processo de abolição, São Paulo, Edusp, 2015Google Scholar ; Mamigonian, Beatriz G., Africanos livres : a abolição do tráfico de escravos no Brasil, São Paulo, Companhia das Letras, 2017Google Scholar.
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4 Florianópolis (Santa Catarina, Brésil), Museu do Judiciário Catarinense (ci-après MJSC), série « Juízo de Órfãos e Ausentes da Cidade do Desterro » (en cours d’organisation), « Inventário de Narciso José Duarte », exécuteur : João Firmino Beirão, juil. 1875.
5 Sur la présence d’hommes et de femmes africains et afro-brésiliens (esclaves ou libres) dans le commerce de rue au Brésil, voir Soares, Luiz Carlos, « Os escravos de Ganho no Rio de Janeiro do século xix », Revista brasileira de história, 16, 1988, p. 107-142Google Scholar ; Farias, Juliana Barretoet al., Cidades negras. Africanos, crioulos e espaços urbanos no Brasil escravista do século xix, São Paulo, Alameda, 2006Google Scholar ; Patricia Acerbi, « Slave Legacies, Ambivalent Modernity: Street Commerce and the Transition to Free Labor in Rio de Janeiro, 1850-1925 », thèse de doctorat, New York University, 2010 ; Popinigis, Fabiane, « ‘Aos pés dos pretos e pretas quitandeiras’ : experiências de trabalho e estratégias de vida em torno do primeiro mercado público do Desterro, 1840-1890 », Afro-Ásia, 46, 2012, p. 193-226CrossRefGoogle Scholar.
6 Sur l’utilisation des testaments par les historiens travaillant sur l’esclavage au Brésil, voir Oliveira, Maria Inês Côrtes de, O liberto : o seu mundo e os outros. Salvador, 1790-1890, São Paulo, Corrupio, 1988Google Scholar ; Mattoso, Kátia M. de Queirós, « Testamentos de escravos libertos na Bahia do século xix. Uma fonte para a história das mentalidades », in Mattoso, K. M. de Queirós, Da revolução dos alfaiates à riqueza dos baianos no século xix : itinerário de uma historiadora, Salvador, Corrupio, 2004Google Scholar ; Sheila de Castro Faria, « Sinhás pretas, ‘damas mercadoras’. As pretas minas nas cidades do Rio de Janeiro e de São João del Rei (1700-1850) », thèse de doctorat, Universidade Federal Fluminense, 2004 ; Farias, Juliana Barreto, Mercados minas : africanos ocidentais na Praça do Mercado no Rio de Janeiro (1830-1890), Rio de Janeiro, Arquivo Geral da Cidade do Rio de Janeiro, 2014Google Scholar ; Guedes, Roberto, Rodrigues, Claudia et Wanderley, Marcelo da Rocha (dir.), Últimas vontades. Testamento, sociedade e cultura na América Ibérica (séculos xvii e xviii), Rio de Janeiro, Mauad X/Faperj, 2015Google Scholar.
7 Pour une discussion antérieure sur ce sujet, voir Espada Lima, Henrique, « A família de Maria do Espírito Santo e Luis de Miranda Ribeiro : ‘agências e artes’ de libertos e seus descendentes no Desterro do século xix », in Xavier, R. C. Lima (dir.), Escravidão e liberdade. Temas, problemas e perspectivas de análise, São Paulo, Alameda, 2012, p. 383-414Google Scholar. Sur les relations spéciales entre les femmes âgées et leurs esclaves, voir Sandra Lauderdale Graham, Caetana Says No: Women’s Stories from a Brazilian Slave Society, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
8 MJSC, série « Juizo de Órfãos ... », « Traslado dos Autos do Inventário de D. Anna Francisca da Costa e Silva » (Inventariante e testamenteiro o Major Antonio Nunes Ramos), 1883. Il s’agit d’une transcription de l’inventaire original fait pour être attaché à la requête judiciaire déposée par Benedita et Eva da Costa e Silva ; l’inventaire post mortem original de Donna Anna Francisca da Costa e Silva a commencé le 2 mars 1877 et fait partie des documents envoyés à la cour d’appel, le Tribunal da Relação, de Porto Alegre.
9 Dans un livre où sont analysés les procès portant sur l’héritage dans le New Jersey au xixe siècle, Hendrik Hartog montre de façon convaincante que les testaments dans lesquels les attentes de dédommagement pour des soins apportés dans la vieillesse sont liées à des legs de biens et d’argent aux personnes fournissant ces soins peuvent être interprétés comme des éléments de négociation et de dispositif de travail : Hartog, Hendrik, Someday All This Will Be Yours: A History of Inheritance and Old Age, Cambridge, Harvard University Press, 2012CrossRefGoogle Scholar. Il semble que l’on peut en dire autant du cas concernant Anna Francisca da Costa e Silva et les femmes auxquelles elle légua par testament une part importante de ses biens, ce qui ajoute à la complexité et à l’ambiguïté des relations entre d’anciens esclaves et leurs anciens maîtres.
10 L’unité de la monnaie brésilienne au xixe siècle était le mil réis. À titre de comparaison, un conto de réis était supérieur à l’époque au prix de marché d’une jeune esclave en bonne santé à Desterro. Ainsi, le 14 août 1878, Eva, « noire, vingt ans, célibataire et sans enfant », fut vendue à Desterro pour 800 000 reis : Florianópolis (Santa Catarina, Brésil), Arquivo do Cartório do 1o Ofício de Florianópolis (ci-après ACOF), Livro N. 9. Notas para Escravos. 2 o Ofício (Desterro), 1878. Tabelião Campos, fol. 2r-3, « Escriptura de venda fixa que faz Bernardino da Silva Ramos por seu procurador Alexandre Silvestre Martins a Frederico Sohn de uma escrava crioula de nome Eva ».
11 Sur la loi no 2040 (28 sept. 1871), dite « loi du ventre libre » ou « Lei Rio Branco », voir Abreu, Martha, « Slave Mothers and Freed Children: Emancipation and Female Space in Debates on the ‘Free Womb’ Law, Rio de Janeiro, 1871 », Journal of Latin American Studies, 28-3, 1996, p. 567-580CrossRefGoogle Scholar.
12 MJSC, série « Juizo de Órfãos … », « Justificação para Tutoria », « justificantes : Benedicta da Costa e Silva e Eva da Costa e Silva », « justificado : Major Antonio Nunes Ramos », 7 août 1877.
13 Sur les ambiguïtés de la législation brésilienne concernant les femmes pendant la période traitée dans cet article, voir S. L. Graham, Caetana Says No…, op. cit. ; Espada Lima, Henrique, « Wages of Intimacy: Domestic Workers Disputing Wages in the Higher Courts of Nineteenth-Century Brazil », International Review of Social History, 88, 2015, p. 11-29Google Scholar.
14 L’expression « pouvoir paternel » désignait encore récemment ce que le droit civil et le droit de la famille appellent le « pouvoir familial » : le droit des parents légaux ou du tuteur légal à protéger la personne et les biens d’individus mineurs. D’après la loi luso-brésilienne en vigueur à l’époque, le « pouvoir paternel » ne pouvait être exercé par les femmes sur leurs enfants que si des témoins crédibles pouvaient attester la moralité de leur conduite, et à condition qu’elles ne soient pas remariées.
15 Cândido Mendes de Almeida (éd.), Ordenações Filipinas, Rio de Janeiro, Typ. do Instituto Philomathico, 1870, livre 4, titre CII, p. 999 (www1.ci.uc.pt/ihti/proj/filipinas/l4p999.htm).
16 MJSC, « Justificação para Tutoria », fol. 11, témoignage d’Abel Ignacio da Silveira.
17 MJSC, « Traslado dos Autos do Inventário de D. Anna Francisca da Costa e Silva », fol. 63.
18 Le journal libéral de Desterro, A Regeneração, fait de Paiva un avocat du « Centro abolicionista » (A Regeneração, 15 août 1885). Le même journal le cite plusieurs fois au cours des années suivantes comme un avocat important de la cause abolitionniste à Desterro.
19 MJSC, « Traslado dos Autos do Inventário de D. Anna Francisca da Costa e Silva », fol. 49.
20 Freyre, Gilberto, The Mansions and the Shanties: The Making of Modern Brazil, trad. par H. De Onís, New York, Alfred A. Knopf, [1963] 1968Google Scholar, explore le sentiment de suffisance des anciens esclaves mais il montre quelque sympathie pour les sentiments des maîtres. Pour une vision plus critique sur le même sujet, voir Fraga, Walter, Crossroads of Freedom: Slaves and Freed People in Bahia, Brazil, 1870-1910, trad. par M. A. Mahony, Durham, Duke University Press, 2016CrossRefGoogle Scholar.
21 Cunha, Manuela Carneiro da, « Sobre os silêncios da lei : lei costumeira e positiva nas alforrias dos escravos no Brasil do século xix » [1983], in Cultura com aspas. E outros ensaios, São Paulo, Cosac Naify, 2009, p. 133-156Google Scholar ; S. Chalhoub, Visões da liberdade…, op. cit.
22 Seuls les enfants âgés de plus de quinze ans pouvaient être séparés de leur famille et vendus, selon le décret no 1695 du 15 sept. 1869 : « Prohibe as vendas de escravos debaixo de pregão e em exposição publica », Coleção das Leis do Império do Brazil, vol. 1, Rio de Janeiro, Typographia nacional, 1869, p. 129-130.
23 Sur les procès intentés par les esclaves devant les tribunaux brésiliens, voir Grinberg, Keila, Liberata, a lei da ambigūidade. As ações de liberdade da Corte de Apelação do Rio de Janeiro no século xix, Rio de Janeiro, Relume Dumará, 1994Google Scholar ; Id., « Freedom Suits and Civil Law in Brazil and the United States », Slavery & Abolition, 22-3, 2001, p. 66-82 ; S. Chalhoub, Visões da liberdade…, op. cit. Sur le combat des esclaves pour leur liberté devant les tribunaux portugais dans l’Afrique coloniale, voir Candido, Mariana P., « African Freedom Suits and Portuguese Vassal Status: Legal Mechanisms for Fighting Enslavement in Benguela, Angola, 1800-1830 », Slavery & Abolition, 32-3, 2011, p. 447-459CrossRefGoogle Scholar. Sur le combat pour la liberté mené par d’anciens esclaves devant les tribunaux luso-brésiliens pendant la période coloniale, voir Pinheiro, Fernanda Aparecida Domingos, Em defesa da liberdade. Libertos, coartados e livres de cor nos tribunais do antigo regime português (Mariana e Lisboa, 1720-1819), Belo Horizonte, Fino Traço Editora, 2018Google Scholar.
24 Sur l’activisme juridique des avocats abolitionnistes dans les dernières décennies de l’esclavage au Brésil, voir Azevedo, Elciene, Orfeu de Carapinha. A trajetória de Luiz Gama na imperial cidade de São Paulo, Campinas, Unicamp, 1999Google Scholar ; E. S. Pena, Pajens da casa imperial…, op. cit. ; Azevedo, Elciene, O direito dos escravos. Lutas jurídicas e abolicionismo na provincia de São Paulo, Campinas, Unicamp, 2010Google Scholar.
25 La loi de 1871 confiait à des institutions financées par l’État le soin de remplacer les propriétaires d’esclaves pour la garde des enfants quand ces propriétaires ne le pouvaient ou ne le voulaient pas, ou quand ils étaient déclarés pénalement coupables de violence (ou de « châtiment excessif ») : Luiz de Souza da Silveira, Annotações à Lei n. 2040, de 28 de Setembro de 1871, Maranhã, Typ. do Frias, 1878, p. 9-16, ici p. 11, « Lei n. 2040, de 28 de Setembro de 1871 » (art. 1, § 6º et art. 2).
26 Cowling, Camillia, « ‘As a Slave Woman and as a Mother’: Women and the Abolition of Slavery in Havana and Rio de Janeiro », Social History, 36-3, 2011, p. 294-311CrossRefGoogle Scholar ; Gislane Campos Azevedo, « ‘De Sebastianas e Geovannis’ : o universo do menor nos processos dos juízes de órfãos da cidade de São Paulo (1871-1917) », mémoire de master, Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, 1995 ; García Alaniz, Anna Gicele, Ingênuos e libertos : estratégias de sobrevivência familiar em épocas de transição (1871-1895), Campinas, Centro de memória/Unicamp, 1997Google Scholar ; Papali, Maria Aparecida C. R., Escravos, libertos e órfãos. A construção da liberdade em Taubaté (1871-1895), São Paulo, Annablume, 2003 ; Patrícia Ramos GeremiasGoogle Scholar, « Ser ‘ingênuo’ em Desterro/SC.A lei de 1871, o vínculo tutelar e a luta pela manutenção dos laços familiares das populações de origem africana (1871-1889) », mémoire de master, Universidade Federal Fluminense, 2005.
27 L’expression « justice reproductive » s’inspire ici de la définition plus large et souvent citée du groupe de défense Asian Communities for Reproductive Justice : « le complet bien-être physique, mental, spirituel, politique, économique et social des femmes et des filles sera atteint quand celles-ci auront le pouvoir et les ressources économiques, sociales et politiques pour prendre des décisions positives relatives à leur corps, leur sexualité et leur reproduction, pour elles, pour leurs familles et pour leurs communautés, dans tous les domaines de leur vie » (Luna, Zakiya et Luker, Kristin, « Reproductive Justice », Annual Review of Law and Social Science, 9, 2013, p. 327-352CrossRefGoogle Scholar, ici p. 328).
28 L’histoire d’Eva, de Benedita et de leurs filles Rosa et Maria ne s’arrête pas là, même si nous n’avons pas pu en retrouver de trace dans les archives judiciaires. Malgré leur défaite devant le tribunal, leur avocat, José Henriques de Paiva, fut désigné plus tard tuteur légal de Rosa et de Maria : ACOF, Livro N. 60 de notas do 2 o Ofício do Desterro, 1886. Tabelião Campos, 13 mars 1886, fol. 46-46r, « Procuração bastante que faz o Doutor José Henriques de Paiva, tutor das menores Maria e Rosa ao cidadão João José de Brito Avelar, no Rio de Janeiro, como abaixo se declara ».
29 Florianópolis (Santa Catarina, Brésil), Arquivo público do Estado de Santa Catarina (ci-après APESC), dossier 378, boîte 28, séries « Tribunal da Relação de Porto Alegre » et « Recurso Crime. Autos de crime de responsabilidade que faz Alexandre José Manoel, preto liberto por seu procurador, contra Luiz Alves de Brito ».
30 APESC, « Recurso Crime. Autos de crime de responsabilidade que faz Alexandre José Manoel… », fol. 15r-16.
31 Codigo criminal do Imperio do Brasil. Nova edição, anotado pelo doutor Braz Florentino Henriques de Souza, Recife, Typographia Universal, 1858, art. 179, p. 74. Un résultat comme celui-ci était cependant très peu probable : les procès criminels fondés sur l’art. 179 du Code pénal de 1830 étaient rares et, d’après des recherches récentes, les individus accusés sur de tels fondements n’étaient jamais jugés coupables (même quand était reconnue la liberté des personnes « réduites à l’esclavage »). Voir Mamigonian, Beatriz G. et Grinberg, Keila, « Le crime de réduction à l’esclavage d’une personne libre (Brésil, xixe siècle) », Brésil(s), 11, 2017, p. 1-23Google Scholar.
32 Plus précisément, l’art. 129 portait sur la « prévarication », l’art. 153 sur la négligence des fonctionnaires dans l’accomplissement de leurs devoirs et l’art. 160 sur le crime consistant à « juger ou agir contre une loi expresse » : Codigo criminal do Imperio…, op. cit., titre 5, chap. 1.
33 Art. 74, alinéas 1 à 6 de la « Lei de 29 de Novembro de 1832. Promulga o Código do Processo Criminal de Primeira Instância com disposição provisória acerca da administração da Justiça Civil » : www.planalto.gov.br/ccivil_03/Leis/LIM/LIM-29-11-1832.htm.
34 APESC, « Recurso Crime. Autos de crime de responsabilidade que faz Alexandre José Manoel… », fol. 23r-24, déclaration du procureur général Joaquim Augusto do Livramento.
35 L’absence de fondement légal de la demande de réparation d’Alexandre José Manoel peut se retrouver dans un autre aspect du cadre juridique brésilien au xixe siècle, lui aussi fortement lié à l’esclavage, à savoir l’inexistence d’un Code civil. Sur les liens entre les discussions juridiques sur le Code civil et l’esclavage au Brésil, voir Mattos, Hebe M., Escravidão e cidadania no Brasil monárquico, Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 2000Google Scholar ; E. S. Pena, Pajens da casa imperial…, op. cit. ; Grinberg, Keila, « Esclavage, citoyenneté et élaboration du Code civil au Brésil (1855-1917) », Cahiers du Brésil contemporain, 53-54, 2003, p. 93-114Google Scholar.
36 Malheureusement, le document archivistique original contenant le procès criminel intenté par Alexandre José Manoel est en partie endommagé et le folio détaillant ces frais est manquant. Cependant, à la lecture de procès similaires, on apprend que ces frais de justice comprenaient non seulement les frais de tribunal et de notaire, mais aussi les honoraria des avocats des deux parties. Leur coût pouvait facilement monter à des centaines de milliers de réis, selon le nombre de témoins appelés à témoigner, selon les coûts entraînés par le fait de faire appel devant une cour d’appel d’une autre province, etc. Considérant qu’Alexandre José Manoel demandait un dédommagement de 400 000 réis, ces frais punitifs représentaient sans doute plus d’un quart de ce qu’il réclamait au départ.
37 Pour des discussions éclairantes sur les attentes des anciens esclaves en matière de liberté dans divers pays des Amériques, voir Marshall, Woodville, « ‘We Be Wise to Many More Things’: Black’s Hopes and Expectations of Emancipation », in Beckles, H. et Shepherd, V. (dir.), Caribbean Freedom: Economy and Society from Emancipation to the Present, Londres, J. Currey Pub., 1993, p. 12-20Google Scholar ; Hahn, Steven, « ‘Extravagant Expectations’ of Freedom: Rumour, Political Struggle, and the Christmas Insurrection Scare of 1865 in the American South », Past & Present, 157, 1997, p. 122-158CrossRefGoogle Scholar ; Mattos, Hebe M., Das cores do silêncio. Os significados da liberdade no Sudeste escravista, Brasil século xix, Campinas, Unicamp, [1995] 2013Google Scholar ; Scott, Rebecca J. et Zeuske, Michael, « Demandas de propiedad y ciudadanía : los exesclavos y sus descendientes en la región central de Cuba », Illes i Imperis, 5, 2001, p. 109-134Google Scholar ; Scott, Rebecca J., « Reclaiming Gregoria’s Mule: The Meanings of Freedom in the Arimao and Caunao Valleys, Cienfuegos, Cuba, 1880-1899 », Past & Present, 170, 2001, p. 181-216CrossRefGoogle Scholar ; Regosin, Elizabeth, Freedom’s Promise: Ex-Slave Families and Citizenship in the Age of Emancipation, Charlottesville, University of Virginia Press, 2002Google Scholar ; W. Fraga, Crossroads of Freedom…, op. cit. ; Lightfoot, Natasha, Troubling Freedom: Antigua and the Aftermath of British Emancipation, Durham, Duke University Press, 2015CrossRefGoogle Scholar.
38 ACOF, Livro N. 35 de notas do 2 o Ofício do Desterro, 1872. Tabelião Campos, 19 sept. 1872, fol. 68r-69, « Escriptura de locação de serviços que faz o pardo Francisco com o Tenente Coronel Sebastião de Souza e Mello, na forma que abaixo se declara ».
39 ACOF, Livro N. 62 de notas do 2 o Ofício do Desterro, 1886-1887. Tabelião Campos, fol. 37-38, « Escripura de contracto e locação de seus serviços que presta a parda liberta Leonida a Julio Melchior von Trompowsky ».
40 Espada Lima, Henrique, « Sob o domínio da precariedade : escravidão e os significados da liberdade de trabalho no século xix », Topoi, 6-11, 2005, p. 289-326CrossRefGoogle Scholar ; Id., « Freedom, Precariousness, and the Law: Freed Persons Contracting out Their Labour in Nineteenth-Century Brazil », International Review of Social History, 54, 2009, p. 391-416.
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42 Sur l’équilibre distinct et corrélé entre l’espace de l’expérience et l’horizon des attentes, voir Koselleck, Reinhart, Futures Past: On the Semantics of Historical Time, trad. par K. Tribe, Londres, Mit, [1979] 1985Google Scholar. Sur l’utilisation de la notion d’« horizon des attentes » pour réfléchir sur la vie des personnes esclaves et affranchies au Brésil au xixe siècle, voir le commentaire de Dale Tomich dans sa présentation du livre Gomes da Cunha, d’Olívia M. et Gomes, Flávio dos Santos (dir.), Quase-cidadão. Histórias e antropologias da pós-emancipação no Brasil, Rio de Janeiro, Fgv Editora, 2007Google Scholar.
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44 L’indépendance du Brésil, en 1822-1823, pourrait être désignée comme l’une des grandes fenêtres d’opportunité qui permirent de donner forme à l’horizon des attentes et à l’expérience de la défaite d’une génération précédente d’esclaves africains et de Brésiliens libres d’origine africaine. Sur Salvador de Bahia à l’époque de l’indépendance, voir Reis, João José, « O Jogo Duro do Dois de Julho : o ‘Partido Negro’ na Independência da Bahia », in Reis, J. J. et Silva, E., Negociação e conflito : a resistência negra no Brasil escravista, São Paulo, Companhia das Letras, 1989, p. 79-98Google Scholar. Pour les mémoires afro-brésiliennes de l’indépendance du Brésil à Bahia et leur influence sur les attentes politiques de la population noire après l’abolition, voir de Albuquerque, Wlamyra Ribeiro, Algazarra nas ruas. Comemorações da independência na Bahia (1889-1923), Campinas, Unicamp, 1999Google Scholar.
45 Le coût d’un procès et la sanction financière que représentaient les frais de justice quand le requérant était débouté ont certainement joué un rôle, en incitant les anciens esclaves à ne pas aller devant les tribunaux.