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Style Mercantile ou Mode des Finances Le choix d'un modèle comptable dans la France d'Ancien Régime

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Yannick Lemarchand*
Affiliation:
Institut Universitaire de Formation des Maîtres des Pays de Loire

Extract

L'année 1994 a vu la commémoration du cinquième centenaire de la publication du premier traité de comptabilité, Particulares de computis e scripturis, neuvième partie de la Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni et Proportionalita du franciscain Luca Pacioli. Ce texte constitue le premier exposé complet de la méthode dite de tenue des livres en parties doubles, une technique apparue dans le courant du 14e siècle et qui reste le fondement de la comptabilité moderne. En France, elle ne s'est diffusée qu'assez lentement et ne s'est pas répandue de façon uniforme dans toutes les branches d'activité, en particulier parce qu'elle s'est trouvée en concurrence avec un autre modèle comptable. D'ailleurs, lorsque les historiens évoquent les archives comptables du 18e siècle, ils ne portent pas du tout le même jugement selon qu'elles proviennent du commerce ou de l'industrie. Le travail des marchands inspire le respect : « Toute rencontre avec le travail comptable du grand négoce laisse l'impression d'une pratique portée à son point de maturité, d'un emploi généralisé, international, parfaitement adaptée à une activité ».

Summary

Summary

Investigations into the accounting pratices ofFrench compagnies in the xvnith century show that they used two principal models: double entry and charge and discharge accounting. We hâve attempted to verify that the choice of an accounting model was determined by the social class of the shareholder as well as by the traditions and operating conditions particular to each branch of activity. For example, double entry, the merchant's model, was used in the textile industry, where the capital came from trade. Charge and discharge accounting, on the other hand, was the mining and metalurgist's model in which capital was injected mainly by the nobility or financiers. Nevertheless the dominance of stewardship accounting in thèse sectors is not entirely due to custom. Founded upon the séparation of capital ownership and management, focused upon the notions of responsibility and control, this model met the needs of the first joint stock companies. But the use of double entry won out, becoming widespread among the large industrial enterprises between the years 1810 to 1830, not without having incorporated certain basic concepts borrowed from its rival model.

Type
Finances et Comptabilité dans L'Économie Marchande
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1997

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References

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5. Comptes tenus par recette et dépense, en finance, ou en charge et décharge sont les expressions généralement utilisées par les contemporains. Employées dans le cadre de la mise en valeur du domaine seigneurial, on parlera de comptabilité du régisseur, témoin le chapitre intitulé, De la comptabilité du régisseur d'une terre, de l'ouvrage de Vertus, Belual des, Essai sur l'administration des terres, Paris, Hérissant, 1759, pp. 175183.Google Scholar Ce livre est le premier, que nous ayons rencontré, qui aborde la question de la comptabilité d'une exploitation agricole, mais dans la problématique de la reddition des comptes ; c'est néanmoins l'un des premiers ouvrages de gestion.

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7. Parmi les rares travaux appuyés sur ce type de source, citons : Edwards, John Richard et Webb, K. M., « Use of Table A by Companies Registering Under the Company Act 1862 », Accounting and Business Research, 1985, vol. 15, n°59, pp. 177195;Google Scholar Chambers, R. J., Woolnizer, P. W., « A True and Fair View of Positions and Results : The Historical Background ». Accounting, Business and Financial History, 1991, vol. I, n°2, pp. 197213.Google Scholar

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20. Cf. la liste de concessionnaires nobles donnée par Guy Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIII e siècle, Paris, Hachette, 1976, p. 148, n. 1.

21. Cf. Rouff, Marcel, Les mines de charbon en France au XVIII’ siècle, 1744-1791, Paris, Rieder, 1922, pp. 243277;Google Scholar Levy-Bruhl, Henri, Histoire juridique des sociétés de commerce en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Domat-Montchrestien, 1938, pp. 180249;Google Scholar Ozanam, Denise, Claude Baudard de Sainte-James, Trésorier général de la marine et brasseur d'affaires (1738-1787), Genève-Paris, Droz, 1969, pp. 5187,Google Scholar en particulier, le passage consacré aux Mines de Baïgorry.

22. Sur 601 maîtres de forges, recensés dans le cadre des enquêtes de 1771 et 1788 sur la métallurgie, Bertrand Gille a dénombré 55 membres du clergé, 305 nobles et 241 membres du tiers état, soit 40 % seulement. Gille, Bertrand, Les origines de la grande industrie métallurgique en France, Paris, Domat, 1947, p. 161.Google Scholar

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24. « Sous ce titre [les comptes simples] nous comprenons toutes les autres méthodes contraires à celle que prescrit cette science [les comptes doubles] », André, Jean, La science des comptes, Paris, Bertier, 1640.Google Scholar De la Porte est le premier auteur à exposer une méthode dite à partie simple, mais toutes les variantes sont possibles. Cf. De La Porte, Mathieu, La science des négocions et teneurs de livres, Paris, Cavelier, G., 1704.Google Scholar

25. AD Isère, 94 J.

26. AD Ille-et-Vilaine, 45 J 48.

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28. Denis Woronoff, op. cit., p. 308.

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30. Schmitt, Jean-Marie, Aux origines de la révolution industrielle en Alsace, Strasbourg, Istra, 1980, p. 31.Google Scholar

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32. AD Doubs, 15 B 775 ; 15 B 808 ; 15 B 818.

33. « Pour conserver toujours la balance d'équité qui pourra déterminer avec justice une répartition de bénéfice, les bâtiments seront employés dans le premier bilan général et successivement pendant dix années pour la même valeur que dans le dernier arrêté, c'est-à-dire pour 250 000 L, sauf, après les dix premières années expirées, à faire sur cette valeur, la diminution dont on conviendra pour équipoler au dépérissement et moins-value. Sur le montant des ustensiles anciens qui y seront portés, il sera déduit annuellement cinq pour cent de la valeur originaire. Mais il y sera porté la valeur des ustensiles fabriqués pendant le cours de la dernière année suivant les états de fabrication dont il sera tenu un registre particulier », AN, MC, XVI 777, 8 avril 1767.

34. AN, MC, XXVI 753, 10 novembre 1786.

35. AN, MC, XXVI 709, 18 décembre 1782.

36. AN, MC, XXX 471, 27 août 1778.

37. AN, F 14 4505.

38. AN, 189 AQ 44, n° 896-1 et 189 AQ 78.

39. Gascon, Richard, Grand commerce et vie urbaine au xvi” siècle, Lyon et ses marchands, Paris-La Haye, Mouton, 1971, pp. 314315.Google Scholar

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44. En Grande-Bretagne, C. J. Napier constate que « several writers of book-keeping treatises advocated charge and discharge Systems for estâtes, even though they supported doubleentry for the commercial organisation », Christopher J. Napier, op. cit., p. 165.

45. On en trouve un exposé complet dans Pierre Bernard D'Henouville, Le guide des comptables ou l'art de rédiger soi-même toutes sortes de comptes, suivant l'hypothèse de la recette, de la dépense et de la reprise, Paris, Estienne, 1709.

46. Dictionnaire des finances, Paris, 1727, n° 104.

47. Dictionnaire de l'industrie manufacturière, commerciale et agricole, Paris, Baillière, 1833, vol. III, p. 543, l'article « Comptable » est de la plume d'Adolphe Blanqui, alors directeur de l'École supérieure de Commerce de Paris.

48. Dans l'acception initiale du terme, un « rolle » ou « rôle » est tout simplement un rouleau de parchemin. Cette duplication de rôles ou de registres est un procédé de « contrôle » ancien et constant. Les tailles, ou bâtonnets à encoches utilisés, il y a peu de temps encore, par les boulangers et leurs clients, sont les survivants des anciennes tailles des collecteurs d'impôts. Cf. Littré, Paul-Emile, Dictionnaire de la langue française, vol. IV, p. 6179.Google Scholar

49. On retrouve exprimée cette dualité dans une instruction relative à l'organisation comptable de la Banque royale de Law, en 1720 : « Chaque teneur de livres doit avoir son controlleur, c'est à dire, que le controlleur doit avoir la contrepartie du même livre que celui du teneur de livres, et les mêmes folio ; en sorte que lorsque le teneur de livres couche une somme sur un compte, le controlleur couchera la même somme dans le même ordre, afin qu'ils soient toujours d'accord l'un avec l'autre », Instruction sur la manière dont seront ouverts les comptes courons en banque…, Lyon, Pierre Valfray, 1720. Il existe un exemplaire de cette instruction aux AD du Rhône, 8 B 1281-1285.

50. Claude Irson, op. cit., préface, chapitre II.

51. Cf. Dupont-Ferriër, Gustave, Études sur les institutions financières de la France à la fin du Moyen Age, Paris, Firmin-Didot, 1930, vol. II, p. 200.Google Scholar

52. AD Ille-et-Vilaine, 45 J 48.

53. AN, F14 7744, 12 avril 1766.

54. Cf. Chatfield, Michael, A History of Accounting Thought, New York, Krieger, 1977, p. 28;Google Scholar John Richard Edwards, A History of Financial Accounting, p. 58.

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56. AM Nantes, HH 209, 18 mars 1721.

57. Mollien, , Mémoires d'un ministre du trésor public 1780-1815, Paris, 1845, vol. 1, p. 225.Google Scholar

58. Mollien, op. cit., p. 227.

59. « L'utilité [des livres du manufacturier] n'en est pas aussi générale que celle des livres du commerce : chaque manufacturier se rend assez bien compte à lui-même de ses opérations, dont le plus difficile ne regarde que lui, il ne doit de comptes qu'à lui seul, tandis que le négociant a mille comptes à rendre aux autres, lesquels doivent se balancer juste avec ceux qu'il se rend à lui-même. C'est ce qui rend utile et nécessaire la méthode des parties doubles, dont la pratique alors est plus difficile, parce qu'elle embrasse beaucoup d'affaires, tandis que le manufacturier n'en a qu'une seule ». Payen, Jean-Baptiste, Essai sur la tenue des livres d'un manufacturier, Paris, 1817, préface.Google Scholar

60. A. Saint-Gobain, 4 B 2. f. 10.

61. A. Saint-Gobain, C 2 et AA 42 (7-4).

62. A. Saint-Gobain, C 4-3.

63. A. Saint-Gobain, AA 42-1. Pour une transcription du texte de ce mémoire, ainsi que de la partie du mémoire de Perrinet des Franches relative à la comptabilité, cf. Lemarchand, Yannick, Du dépérissement à l'amortissement, enquête sur l'histoire d'un concept et de sa traduction comptable, Nantes, Ouest Éditions, 1993, pp. 649659.Google Scholar

64. Cf. Pierre LÉON, « Le moteur de l'industrialisation, l'entreprise industrielle », dans Fernand Braudel, Ernest Labrousse, op. cit., t. III, p. 537 ; Nikitin, Marc, La naissance de la comptabilité industrielle en France, thèse, Paris IX, 1992;Google Scholar Yannick Lemarchand, DU dépérissement à l'amortissement…, op. cit., pp. 361-366.

65. Cf. Lemarchand, Yannick, « Werner Sombart, quelques hypothèses à l'épreuve des faits », Cahiers d'Histoire de la Comptabilité, n° 2, 1992, pp. 3756.Google Scholar